La cupidité, le talon d’Achille du néolibéralisme

par Bruno Hubacher
mardi 16 mai 2017

Les indices ne manquent pas que dans le monde des affaires, une main lave l’autre. Entre le président des Etats-Unis qui ne s’intéresse qu’à l’argent et le président russe qui ne s’intéresse qu’au pouvoir politique les échanges de bons procédés semblent monnaie courante.

C’est une curieuse histoire que rapporte le quotidien américain « Washington Post » dans ses colonnes. Le 11 janvier dernier, juste 9 jours avant l’investiture du nouveau président, une réunion « informelle » se serait tenue sur l’archipel des Seychelles.

A l’initiative de l’émir d’Abou Dhabi, Khalifa ben Zayed, une délégation américaine sous la houlette du sulfureux homme d’affaires Erik Prince, ancien membre des forces spéciales de la US Navy, fondateur de la tristement célèbre armée privée « Blackwater » et généreux donateur au Parti Républicain, y aurait rencontré une délégation, proche du président russe dans le but d’établir un « canal de communication discret » entre Vladimir Poutine et Donald Trump. Celui-ci nie l’existence d’une telle réunion.

Dans ce contexte, on se rappelle des rencontres entre Michael Flynn et Jared Kushner, le gendre idéal, avec l’ambassadeur russe aux Etats-Unis, Sergey Kislyak, à New York pendant la période de transition, rencontre qui a coûté à Flynn son poste de conseiller à la sécurité nationale. Il est d’ailleurs suivi ces jours par Steve Bannon qui reste néanmoins à la Maison Blanche.

L’organisateur de l’obscur meeting, l’émir Ben Zayed, aurait voulu saisir l’occasion pour inciter le gouvernement russe de cesser son soutien aux mollahs iraniens, avec lesquels l’UAE (United Arab Emirates) est en contentieux sur de nombreux sujets. Il n’est pas sûr qu’il ait rencontré un quelconque succès. Erik Prince, en revanche, en tant qu’interlocuteur privilégié des monarchies du golfe, comptait bien tirer son épingle du jeu. Consultant en matière de défense, il assure la tranquillité des potentats et l’ordre public dans la région. A ce titre il est évidemment avide de « mandats de sécurité ».

Cenk Uygur, journaliste et fondateur de la chaîne d’information indépendante « Young Turks » ose faire le lien avec une autre affaire, rapportée par CNN le 10 mars dernier, au sujet d’une curieuse trouvaille d’un groupe de « cyber geeks » sur un des serveurs de l’équipe de campagne du candidat Trump, serveur situé dans un bled perdu de l’état de la Pennsylvanie du nom de Lititz, aussi discret que les Seychelles.

En 2016 ils, les « geeks », sont tombés, par hasard, sur un protocole d’échange de données sur internet du serveur en question. Celui-ci, programmé pour recevoir des messages sans pouvoir en émettre, a reçu entre le 4 mai et le 22 septembre 2016 pas moins de 2820 tentatives de connexion d’une banque russe du nom d’Alfa Bank, 80 % du trafic, et 714 tentatives (19%) d’une NGO, domiciliée à Grand Rapids dans le Michigan, du nom de « Spectrum Health ».

Il se trouve, qu’un des « trustees » de cette organisation est l’homme d’affaires et milliardaire Dick De Vos, mari de l’actuelle ministre de l’éducation Betsy De Vos, héritière, avec son frère Erik Prince, l’émissaire des Seychelles, de l’empire du milliardaire Edgar Prince. C’est sans doute une coïncidence.

Pour la petite histoire, l’héritage de 500 mio USD avait permis à Erik Prince de fonder son armées privée « Blackwater », qui s'appelle maintenant « Academi », et dont un des directeurs est par ailleurs l'ancien Procureur Général des Etats Unis du gouvernement de George W. Bush, John Ashcroft (Wikipedia).

Dans le contexte de l’enquête en cours du FBI sur les connections, supposées ou avérées, entre le nouveau président et le pouvoir politique et économique russe, cette histoire rajoute une nouvelle pierre à l’édifice de la vérité ultime sur les motivations de Donald Trump.

Les soupçons se précisent que dans cette affaire une main lave l’autre, dans le sens que Trump ne s’intéresse absolument pas à la politique, mais uniquement à l’argent et Vladimir Poutine ne s’intéresse pas à l’argent mais uniquement au pouvoir politique. C’est un peu la réponse du berger à la bergère après le démantèlement humiliant de l’Union Soviétique par le capitalisme sauvage.

C'est peut-être également une coïncidence que le parti politique français « Front National » dont la présidente se présente actuellement à l’élection présidentielle est également financé par des banques russes. (Mediapart). Marine Le Pen n’a pas de convictions politiques non plus, le pouvoir lui suffit, au prix, calculé, d’être à la botte du régime russe. Le cheval de Troie des démocraties européennes ?

Donald Trump de son côté veut faire des « deals ». Dans ce cas il ne s’agit pas de financement de parti, mais bel et bien d’affaires, car l’autre élément dans l’édifice de la vérité se trouve dans la nomination de Rex Tillerson, l’ancien PDG d’Exxon Mobil, à la tête du Département d’Etat.

Ces maudites sanctions économiques bloquent une transaction d’exploitation des réserves pétrolières russes dans l’Arctique et la Mer Noire entre Exxon Mobil et le conglomérat russe Rosneft d’une valeur de 500 milliards USD. Trump comme Poutine oeuvrent pour une renaissance du charbon et du pétrole, ainsi ils attendent, avec impatience, le dégel des voies maritimes du grand nord, ce qui favorisera à la fois l’extraction et le transport. Pour la petite histoire, Rosneft vient de vendre 19% de son capital, dont on ne connaît que 75% des repreneurs. Pour le reste, le Kremlin ne fait aucun commentaire.

Les autres pierres dans le jardin de Vladimir Poutine sont l’affaiblissement de l’Alliance de l’Atlantique Nord l’OTAN et la non ingérence en Syrie.

Certes, cette dernière promesse est, pour l’instant, rompue, non pas parce que Donald Trump aurait été submergé soudainement par des sentiments compassionnels, mais à cause d’une pression de plus en plus forte de la part des généraux, raison pour laquelle il a également dû se séparer de Michal Flynn et sortir Steve Bannon du Conseil de Sécurité Nationale.

Le récent bombardement de l’armée syrienne ne représente donc pas un changement de politique des Etats Unis. De toute manière il n’y a plus de politique aux Etats Unis, mais un tir à la corde entre les forces dans un gouvernement aux abois. Le fait que les médias et tout le gratin néolibéral européen tombent une fois de plus dans ce piège du « bon et du méchant » est sidérant. Sans aucun mandat de l’ONU, avant même qu’une commission d’enquête ait pu établir les responsabilités dans l’attaque au gaz Sarin en Syrie, les généraux américains peuvent à eux seuls déclencher la troisième guerre mondiale et tout le monde applaudit.

La désintégration des partis politiques est l’avant dernière étape de la révolution néolibérale du début des années 1980 juste avant la désintégration de l’état. A moins que les mouvements populaires se saisissent à nouveau de leurs droits démocratiques et changent les règles du jeu, il est fort à parier que le capital et les forces réactionnaires fassent à nouveau cause commune comme le 30 janvier 1933.


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