La Décentralisation actuelle n’a plus de sens

par Michel DROUET
lundi 5 juillet 2021

A partir de 1982, l’Etat a confié à des collectivités locales la gestion de compétences qu’il avait du mal à assurer, en faisant le pari que les choses s’amélioreraient : pari gagné car les moyens financiers suivaient, au début... Etablissements du second degré, routes, transports, social… les choses se sont considérablement améliorées et cela s’est vu.

Un lent dévoiement

Cette décentralisation a libéré les élus locaux de la tutelle préfectorale. Opposants et partisans, se sont glissés dans ce nouveau costume et politisé la gestion, en accueillant dans les assemblées locales de jeunes pousses et des permanents politiques, et en créant des tremplins pour des hommes « providentiels » briguant la fonction suprême.

Comme les finances suivaient, on a vu apparaître des grands projets dans des domaines comme la culture, le sport ou l’enseignement supérieur, coûteux en investissement mais également en exploitation sur le long terme,… mais tellement valorisants pour l’image d’élus locaux ambitieux et soucieux de leur image !

L’aménagement du territoire a été mis à l’honneur. On a favorisé le rêve du pavillon en campagne avec le travail en ville par la multiplication des voies de circulation, sans trop réfléchir à l’impact sur l’agriculture, l’environnement ou l’immobilier.

Et comme tout cela nécessitait de nouvelles compétences, on a recruté de nouveaux profils dans les cabinets et directions générales des administrations locales, pas toujours au fait des règles administratives, mais tellement dévoués politiquement aux maîtres des lieux.

Une reproduction mortifère

Le système a si bien fonctionné qu’on a créé de nouvelles strates de collectivités et, bien sûr, les oppositions politiques et les querelles qui vont avec. Régions, Départements, Communes, Métropoles, Communautés de communes et autres structures se partagent aujourd’hui le privilège de l’illisibilité et de la complexité qui créent l’abstention dans les scrutins.

La décentralisation est devenue un monstre kafkaïen que le pouvoir central tente de dompter en redistribuant des compétences ou en les restreignant, sauf qu’à chaque fois, au lieu de rendre les choses plus lisibles et de réduire les coûts, c’est le contraire qui se produit (« nouvelles » Régions, fusions de départements ou nouvelles compétences des métropoles,…).

… Comme si le monstre créé au fil du temps n’était plus réformable, comme si tout espoir pour le citoyen d’arriver à une gestion efficace et respectueuse des deniers publics devait se fracasser sur le mur des ambitions politiques et personnelles. 

Et l’Etat dans tout ça ?

Plutôt que de parler de l’Etat, il vaudrait mieux parler de système politique composé de partis qui œuvrent pour la préservation de leurs intérêts. Un jour au pouvoir, le lendemain dans l’opposition, l’action est identique et vise avant tout à garder ce mille-feuille accueillant, voire à le développer. Quand par hasard, on parle de fusion entre deux collectivités comme en Alsace ou bien entre Régions, cela se fait toujours à structure constante, en conservant le même nombre d’élus, le même nombre de fonctionnaires, et en alignant les primes et indemnités sur le montant le plus élevé, tout en multipliant les frais de déplacements entre les anciennes limites territoriales.

Aucun espoir d’une meilleure gestion et augmentation des dépenses de fonctionnement garantie.

Mais l’Etat, me direz-vous, en confiant la gestion de ses anciennes compétences à des collectivités, n’a t’il pas réalisé d’économies ? Sur ce point, on doit avouer notre perplexité, car il est impossible de retracer budgétairement les mouvements financiers consécutifs aux transferts et s’agissant des transferts de personnels, il est notoire depuis le début de la décentralisation que l’Etat a conservé dans ses administrations des agents pour de simples raisons de paix sociale avec les syndicats.

L’Etat « stratège »

Aujourd’hui, l’Etat se veut « stratège », c’est-à-dire qu’il se recentre sur ses missions régaliennes (justice, police, armée,…) tout en voulant jouer un rôle d’orientation en matière d’économie sachant qu’il n’est plus que le jouet des systèmes économiques et financiers privés, en particulier les GAFAM qui fixent eux-mêmes les conditions fiscales et sociales dans lesquelles ils souhaitent évoluer.

A ce petit jeu malsain, l’Etat perd à tous les coups, déroulant le tapis rouge pour quelques centaines d’emplois « sauvés » (même pas créés), supprimant la fiscalité jugée « confiscatoire » par ceux qui y sont assujettis et, cerise sur le gâteau, versant des « compensations » ou des crédits d’impôts pour des « charges » salariales trop élevées destinées à alimenter les caisses de l’assurance maladie, de retraites ou d’indemnisation du chômage.

Dans sa « stratégie », la décentralisation n’occupe qu’une faible place pour l’Etat, juste un éparpillement des mécontentements, l’assurance d’un point de chute pour élus recalés du suffrage universel, ou bien de nouvelles possibilités pour lui de refiler la patate chaude d’une nouvelle compétence à des barons locaux qui se gargariseront toujours et seront satisfaits de l’attention que l’Etat leur porte en matière de gestion.

Fin de l’histoire ! 

 


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