La démocratie « macronienne »

par Marcel MONIN
mercredi 15 mars 2023

La démocratie « macronienne » (*)

 

La démocratie, c’est (« en gros ») une société qui repose sur un ensemble de techniques dont l’objet est de permettre au « peuple » de décider de son sort. En sous entendant que c’est ce qui lui permettra de vivre dignement et … heureux (1).

 

Parmi, ces techniques, l’élection. Mode de désignation des gouvernants, lesquels sont alors issus du peuple pour mettre en œuvre les vœux du peuple : « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».

 

Mais des malins peuvent exploiter la technique de l’élection pour s’installer aux postes de commandement à partir desquels ils feront tout autre chose que ce que la théorie suppose qu’ils feront.

 

C’est que l’élection peut être aisément « truquée ». On bourre les urnes, ou on proclame élu quelqu’un qui n’a pas obtenu la majorité des suffrages. Et encore plus efficace (et moins susceptible d’être contestée devant le juge de l’élection) : on manipule les électeurs.

Et celui qui est élu dans un tel contexte, n’a alors en réalité aucune « légitimité » au regard de l’objet et de la finalité de l’élection qui est à la base de la démocratie.

 

C’est dans ce contexte que les électeurs se rendent parfois compte que les élus ne sont nullement leurs « représentants ». Et qu’une bonne partie desdits électeurs ne se déplace plus pour perdre son temps à aller voter. Excellente affaire sous un certain rapport pour les malins. A qui il suffit alors de continuer à manipuler et à faire manipuler les « encore - électeurs » par les médias amis. Et les malins vont, comme prévu et comme ils l’ont organisé, mécaniquement accéder aux postes de décision après le dépouillement des bulletins de vote (2)

 

Ceux qui sont désignés (grâce à la manipulation, donc par dol ) ne manquent pas de soutenir que, dès lors qu’ils ont été élus, ils occupent « légitimement » le poste qu’ils ont conquis. Et que leurs décisions, éventuellement approuvées par d’autres qui ont été élus dans les mêmes conditions, sont « légitimes ».( 3)

 

Certes, le fait que le mandat soit représentatif, dispense les élus de demander leur consentement à leurs électeurs sur toute question dont ils auraient à connaître. On se rappelle à cet égard les préoccupations du roi Louis XVI qui avait demandé que les mandats, qui étaient traditionnellement « impératifs » soient rédigés de la manière la plus générale possible. Mais le terme « mandat représentatif » ne veut pas dire que l’élu, au lieu de représenter ses électeurs en particulier, et les électeurs de la Nation en général, soit le mandataire de petits groupes d’intérêts en conflit possible avec l’intérêt général. (3)

 

Dès lors qu’assez de monde fait partie de la nébuleuse de défense de ces intérêts (parfois très) particuliers, la notion de la séparation des pouvoirs ou l’idée qu’en démocratie le pouvoir (des parlementaires) arrête le pouvoir (du gouvernement), sont des vues de l’esprit (4) .

Et ne correspondent pas à la réalité observable. (Autrement que pour le partage des postes entre des personnages faisant partie du même ensemble déconnecté de la population). (5) .

 

Dans la même logique, ceux qui ont les postes décisionnels font faire valoir que l’utilisation du bâton (par les forces de police et de gendarmerie) est « légitime » contre ceux qui manifestent dans la rue leur opposition auxdites décisions. Légitimité à taper, parfois renforcée par l’aimable participation, itérative mais sélective, de « casseurs ». 

 

Et, évidemment les gouvernants de ce genre trouvent sans peine les arguments - évolutifs ou changeants selon les besoins (3) - pour faire « avaler » des mesures qui sont en réalité prises pour la satisfaction d’intérêts particuliers, notamment les intérêts financiers d’une minorité. Et ayant la présence d’esprit de les présenter comme ayant un objectif d’intérêt général (3). Ou en omettant de signaler que ces mesures sont prises en application de décisions ou de recommandation de la Commission européenne (3), c’est à dire hors champ de la démocratie. On les entend aussi parfois tenir un discours faisant espérer que des mesures seront prises (pour pallier notamment les effets de la mise en œuvre de la politique des dirigeants) (3). Mesures qui, en dehors de la signature de quelques chèques,- remplaçant les piécettes jetées aux miséreux par les bons princes dans les contes orientaux - destinés à prévenir des réactions de désespoir ne seront pas prises. Sauf à remettre en cause les intérêts protégés par les gouvernants et s’inscrivant dans leur feuille de route.

 

Le tout en faisant toujours et encore appel aux ressources de la manipulation, avec des spécialistes qui savent exploiter les sentiments de peur, de pitié,… présents chez les citoyens. Au moins, les citoyens qui ne raisonnent pas avec une règle à calcul à la place du cerveau ou du coeur.

 

De leur côté les citoyens qui vont voter, se déplacent en pensant que, puisqu’ils sont en principe en démocratie, ils peuvent, par leur vote, changer les choses. Ils oublient ce faisant dans quelles conditions ceux qui ont été élus l’ont été, et raisonnent comme si les conditions du vote avaient ou devaient miraculeusement changer pour le prochain scrutin (6) .

 

Espoir d’autant plus vain d’ailleurs, que les dirigeants français appliquent, en communiant dans l’idéologie sociétale qui s’en dégage, les règles des organismes de libération de l'économie et de la finance sur le territoire des Etats de l’Europe (6), par ailleurs sous contrôle des USA.

 

Il est donc difficile de dire en 2023, si les mots ont un sens et en dehors d’une approche purement théorique, que les citoyens français vivent en « démocratie » (7).

 

 

Marcel-M. MONIN

m. de conf. hon. des universités.

 

(*) Il n’est évidemment pas question de mettre en relation la démocratie athénienne et la pratique de la « démocratie » par l’actuel président de la République. Ni d’associer le nom de ce dernier à ce même concept pour « créer » une variante de démocratie . De plus, E. Macron n’est pas le premier, depuis le départ du général de Gaulle, à avoir une pratique de la démocratie qui mérite examen. Certains ont d’ailleurs « fait fort » : Rappel : F. Mitterrand a organisé le transfert du pouvoir des Français de décider de l’essentiel, directement ou par la voie de leurs représentants à des organismes technocratiques étrangers. N. Sarkozy a osé faire annuler par la l’essentiel de la classe politique le refus du peuple français de continuer à vivre sous la domination des marchés et sous direction étrangère. . Mais le comportement (décisions, déclarations, argumentaires, techniques utilisées, …) des membres du pouvoir exécutif actuel dans la pratique du pouvoir, nous a paru pouvoir faciliter les observations et la réflexion sur le contenu du concept de démocratie en 2013. D’où le titre.

 (1) Le peuple peut être parfaitement heureux dans un système non démocratique, dont les dirigeants, non élus, respectent une ligne de conduite ayant pour objet de faire bien vivre la population, et d’assurer la concorde entre tous. Mais le peuple n’a alors aucune garantie que ça durera. Dans un ordre d’idées inverses, Il est intéressant de constater que les dirigeants d’Etats (comme les USA), qui avaient des intérêts à défendre, ont fait la guerre à d’autres Etats, au nom de « leur » démocratie. Ils ont alors mis la population dans un état pitoyable. Et en fait de démocratie, ils ont installé l’ innommable.

(2) L’élection d’E. Macron comme président de la République est un exemple idéal typique (voire caricatural) à cet égard. A peu près la moitié des électeurs ne se déplace pas. A ces fins, les médias alliés de ce candidat  - porté et poussé par les personnes que l’on sait et qui ne s’en cachent d’ailleurs pas - font « monter » le nombre d’électeurs potentiels de M. Le Pen en vue du premier tour du scrutin. Puis, entre les deux tours, des films et des argumentaires sont diffusés qui tendent à faire rejeter cette candidate. Manipulation reprise en chœur par une multitude de chefs de partis, y compris ceux qui se présentent comme adversaires ( pour la suite de leur propre carrière pour certains) .

(3) Sur toutes ces questions, observer les déclarations du président de la République, de ses ministres, et des parlementaires qui le « représentent » au sein des assemblées.

(4) La séparation des pouvoirs recouvre en réalité depuis longtemps, et pour l’essentiel, une question de procédure d’adoption des décisions : le gouvernement prépare telle décision, les parlementaires qui le suivent la votent, et le gouvernement la met en œuvre avec l’administration, le concours de la justice et en faisant donner de la police s’il le faut. ( NB. sur ces questions, v. nos développements consacrés à la constitution de 1958 : « textes et documents constitutionnels depuis 1958. Analyses et commentaires ». Dalloz-Armand Colin). La question qui intéresse alors le fonctionnement de la « démocratie » est de savoir ce que les députés sont capables de laisser faire. En fonction notamment de la prise en considération des conséquences qu’ils pourraient avoir personnellement à subir (pour leur carrière politique notamment) du fait de leur éventuel souci de se comporter en défenseurs, donc en représentants, du peuple .

(5) Comme est une fiction pour une large part, la notion de contrôle des conflits d’intérêts confié à des commissions de déontologie. Quand ces dernières sont formées de personnes ayant le même statut et les mêmes opportunités et espérances que ceux sur les projets lucratifs desquels elles se prononcent.

(6) Là encore, ceux qui critiquent le mécanisme de décision organisé par les traités « européens » et l’acceptation par les dirigeants français du transfert de la compétence décisionnelle de Paris vers les officines de Bruxelles, en réduisant d’autant l’espace réservé à la démocratie, font l’objet de campagnes de dénigrement. Et ne sont pas les bienvenus dans les médias amis des gouvernants.

(7) Il serait amusant d’imaginer ce que seraient les analyses des observateurs de la vie politique, si un chef d’Etat non élu avait la même ligne de conduite que par exemple E. Macron (retraites, covid, rapports avec les puissances étrangères, etc…). Il est probable qu’ils feraient peu référence au concept de démocratie.

 


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