La démocratie selon le Guide suprême

par Dr. salem alketbi
mardi 1er juin 2021

Le président iranien Hassan Rouhani ne semble pas surpris par les mécanismes qui sous-tendent le processus électoral en Iran. Basé sur des critères qui le vident complètement de son contenu, il ressemble plus à un mauvais simulacre d’élection suivant la définition des systèmes politiques dans le monde.

Mais ce qui surprend vraiment Rouhani, c’est le résultat de ces mécanismes et la grande capacité des organes du régime à exclure et à marginaliser. Le Conseil des gardiens dans le système des mollahs est le filtre autorisé à passer au crible tous les candidats aux élections, que ce soit au Conseil de la Choura, à la présidence ou au Conseil des experts.

Le Conseil a été créé pour assurer que les mollahs maintiennent leur emprise sur toutes les institutions du gouvernement. Ils essaient de tromper le monde en faisant croire qu’ils ont un véritable système électoral compétitif.

Voici ce qui s’est passé  : Ce conseil a exclu tous les candidats du mouvement dit réformiste. C’est-à-dire celui dont les éléments ont des positions, des opinions et des orientations différentes de celles qui prédominent dans l’idéologie du courant radical ou conservateur. Le président iranien Hassan Rouhani a été courroucé. Il a dénoncé la décision du Conseil.

«  Cette décision porte atteinte au rôle des électeurs dans les élections démocratiques,  » a-t-il déclaré.

«  Les élections sont un événement important,  » a-t-il dit dans un communiqué. «  Il ne s’agit pas seulement de citoyens qui se rendent aux urnes, comme c’est le cas pour les élections de la Shura. Il s’agit de choisir l’un d’entre eux qui sera le président de tout le peuple et le représentant de tous.  »

Cela signifie que les élections de la Choura (Parlement), chargée de légiférer dans le cadre du jeu de répartition des rôles auquel le système des mollahs est rompu, ne sont rien d’autre qu’une manœuvre visant à exporter l’image du soutien populaire du régime au monde. Comme Rouhani l’a reconnu, il est question de la présence des électeurs, et non du processus électoral et de son résultat.

L’important est que le Conseil des gardiens a complètement filtré les listes de candidats. Il a exclu plus de 98% de ceux qui se sont présentés. Seuls sept des 529 candidats qui ont soumis leur candidature ont été jugés «  éligibles.  » Le président Rouhani a demandé, à titre sans précédent, au Guide suprême Ali Khamenei de revoir la décision du Conseil des gardiens.

C’était inattendu, bien que certains observateurs se soient laissés berner par la spéculation selon laquelle le dirigeant pourrait satisfaire à l’appel de Rouhani. Le Conseil n’aurait pas publié la liste finale des candidats à l’élection présidentielle iranienne à ce stade critique et sensible de l’histoire de l’Iran, où le sort de l’ensemble du régime est en jeu, sans en référer au leader.

Ce dernier, malgré les conflits formels apparents entre eux, nomme les membres de ce conseil et exerce un contrôle absolu sur toutes les institutions. La mise à l’écart de figures telles qu’Ali Larijani, président du Conseil de la Choura pendant 12 ans, ainsi que de l’ancien président Ahmadinejad, ne tient pas à leur allégeance à la «  révolution  » et aux principes fixés par son leader Khomeiny.

Mais c’est surtout question de l’homme du moment. Le Conseil des gardiens, un comité de juristes et de clercs nommés par le guide dans le but d’assurer la réalisation des principes de la révolution de 1979, met essentiellement en œuvre les politiques et les directives du guide. Il comprend la nécessité de rendre l’espace électoral pleinement ouvert au favori du guide.

Cela est apparu clairement dans l’élimination de tout candidat qui pourrait être un concurrent difficile pour Ibrahim Raisi, le chef du pouvoir judiciaire, qui s’est déjà présenté et a perdu les élections de 2017 contre le président sortant Hassan Rouhani.

Le travail du Conseil des gardiens montre une forte volonté de Khamenei d’orchestrer le processus de l’élection présidentielle avec plus de précision que jamais, en s’assurant que le candidat favori accède à la présidence. D’autant plus que l’on s’attend à ce que Raisi succède au Guide suprême Khamenei.

Il bénéficie de la confiance et du soutien de ce dernier au point de mettre hors-jeu des personnalités comme Isaac Jahangiri, vice-président de Hassan Rouhani, et Mostafa Tajzadeh, responsable sous l’ancien président Mohammad Khatami. Ceux-ci sont affiliés au mouvement dit réformiste.

Il aurait pu y avoir une forte mobilisation des électeurs à leur profit. L’exclusion était donc le seul scénario permettant d’écarter le spectre d’une défaite du «  candidat du leader.  »

La question maintenant  : les démarches du guide réussiront-elles à persuader les électeurs de voter pour un candidat particulier ou les urnes porteront-elles une nouvelle surprise pour Khamenei malgré toutes les manœuvres pour marginaliser les concurrents et choisir le moins compétitif.

 


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