La Dette publique en quelques mots !

par Aimé FAY
lundi 13 juillet 2015

Dette brute consolidée des administrations publiques d'un pays.

Pour l'Union européenne, c'est le Traité de Maastricht (1992) qui a défini cette dette.

La dette publique − parfois nommée dette souveraine, car représentative des titres émis ou garantis par l'État, souverain par nature − est représentative du stock cumulé des emprunts (obligataires ou non, en monnaie nationale ou en devises) pas encore remboursés. Emprunts souscrits pour faire face à divers besoins publics de financement (déficit budgétaire, déficit public, dette de l'État, etc.).

La valeur totale de la dette d'un pays est rapportée à son PIB (produit intérieur brut). Cela permet, au-delà des comparaisons entre pays, de vérifier :

- si l'économie du pays est à même de créer, chaque année, suffisamment de richesses nouvelles (croissance économique) pour que les prêteurs − c'est-à-dire les créanciers du pays − gardent confiance dans sa capacité à voir ses richesses croître plus vite que sa dette publique brute, car c'est grâce à cela qu'ils seront remboursés ;

- sa dépendance vis-à-vis de l'extérieur (prêteurs internationaux, les non-résidents). Plus cette dépendance est forte, plus le pays altère la maîtrise de sa souveraineté.

Dans cet esprit, le rapport dette publique/PIB est jugé acceptable quand il reste limité à 60%. Entre 60 et 120%, les experts jugent la dette publique viable, bien que difficilement remboursable (hors inflation forte). Elle nécessitera alors des emprunts récurrents qui devront être souscrits auprès de prêteurs ayant encore gardé leur confiance dans la qualité de la signature de l'administration publique émettrice, en fait, celle de l'État, du gouvernement. Au-delà de 120%, le pays perd la confiance des marchés financiers internationaux − mais pas des nationaux comme le prouve le Japon (exemple infra) − et des agences de notation. Le taux d'intérêt de ses emprunts doit alors augmenter sensiblement, pour trouver preneur aussi vite que baisse son rating. Une telle situation peut faire craindre, in fine : l'impossibilité d'emprunter, donc une possible défaillance du pays, assortie d'un recours inévitable aux entités internationales ad hoc, les prêteurs de dernier ressort : le FMI ou la Troïka (exemple : la crise des dettes souveraines).

Le financement du remboursement d'une dette publique passe généralement − hors création monétaire (concept de "planche à billets"), hors restructuration, rééchelonnement ou abandon partiel ou total par ses créanciers, et hors recours au prêteur de dernier ressort − par :

- la création d'excédents budgétaires. Excédents établis grâce à une baisse réelle des dépenses publiques, favorisée ou non par une politique d'austérité, conjuguée à une augmentation des recettes publiques (réellement perçues) et/ou une croissance économique durablement supérieure à 2 ou 3% ;

- de nouvelles dettes contractées lors de nouveaux emprunts obligataires, quand les administrations publiques, dont l'État, ont décidé de continuer à vivre à crédit… laissant le soin aux générations futures de pourvoir à leur remboursement. Il convient de noter que ces nouveaux emprunts ne seront possibles qu'à condition que leur émetteur conserve un bon rating, afin de garder la confiance des prêteurs. Ces nouveaux emprunts vont cependant entrer en concurrence, d'une part avec ceux qui financent les dettes privées et, d'autre part, avec ceux qui financent les dettes publiques des autres pays. Aussi, par effet d'éviction − uniquement basé sur la qualité de la signature de l'émetteur − certaines dettes ne seront alors finançables que si leur émetteur augmente leur taux d'intérêt. Certaines ne trouveront d'ailleurs aucun preneur. Il s'agira souvent de celles privées... potentiellement créatrices d'activités économiques, d'emplois et de richesse nationale.

La dette publique n'est pas un phénomène nouveau. Adam Smith (1723-1790) 2 en parlait, dans des termes toujours d'actualité : "La progression de l'énorme dette, qui accable aujourd'hui toutes les grandes nations d'Europe [...] finira probablement par les ruiner [...].". Et, en parlant de l'État, Smith rajoute : "Il prévoit qu'il sera facile d'emprunter et se dispense donc du devoir d'épargner.". Cela est aujourd'hui assimilé au concept d'aléa moral.

Montesquieu (1689-1755) disait aussi, quelques décennies avant Smith : "L'État peut être créancier à l'infini, mais il ne peut être débiteur qu'à un certain degré ; et quand on est parvenu à passer ce degré, le titre de créancier s'évanouit." 3

N.B : on distingue généralement la bonne dette publique, de la mauvaise. La première a normalement servi à préparer l'avenir via des dépenses d'investissements structurels. L'autre a servi à financer des dépenses de fonctionnement. On distingue aussi la dette notifiée (celle publiée et reprise par divers organismes), de celle nette. Cette dernière "est égale à la dette publique notifiée moins les dépôts, les crédits et les titres de créance négociables détenus par les administrations publiques sur les autres secteurs." 4

Exemples : en France, les 3 composantes de la dette publique sont celles : des administrations publiques centrales (APUC), des administrations de Sécurité sociale (ASSO) et des administrations publiques locales (APUL). Depuis 2007, la dette publique française a évolué comme suit (milliards d'euros et % arrondis du PIB) 5 :

2007

 

2012

2013

2014

 1 253 

 64%

 1 869 

 90%

 1 953 

 92%

 2 038 

 95%

Chaque année, la seule dette des APUC représente plus 70% de la dette publique. Le seul paiement de ses intérêts, approche annuellement quelque 40 à 50 milliards d'euros.

Quelques autres dettes publiques (en % arrondis du PIB) de l'Union européenne  :

 

2007

2012

2013

2014 5

Allemagne

64

79

77

75

Espagne

36

84

92

98

Grèce

NC

NC

157

175

177

Italie

100

123

129

132

Portugal

68

126

130

130

Royaume-Uni

44

86

87

89

 NC : chiffres déclaratifs non conformes à la réalité (dixit Eurostat).

Autres dettes publiques brutes, en 2013 6 : Chine = 39% ; Japon = 243% (les prêteurs sont principalement des résidents) ; États-Unis = 104%.

1. Article 2 duTraité : Protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs.

2 Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, livre V, chap. 3, des dettes publiques, p. 946, lignes 10-12, et p. 945, lignes 35-37.

3. De l'esprit des lois II, livre 22 chap. 18 : du payement des dettes publiques, p. 96.

4. Source INSEE.

5. Eurostat (12/07/15), tableau : "Code : tsdde410". Montants en milliards d'euros, en 2014 : Allemagne (2 170), Grèce (317), Espagne (1 034), Italie (2 135), Portugal (225), Royaume-Uni (2 055).

Rappel : en 1980, la dette publique française était légèrement inférieure à 20% du PIB (dans INSEE "La dette publique en France : la tendance des vingt dernières années est-elle soutenable ?").

6. FMI, fichier : "WEOOct2014all.xls". Chiffres 2014 disponibles en octobre 2015.

 

Crédit photo : BNF


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