La directrice de BVA, France Inter, « Aujourd’hui on dirait qu’il (Macron) veut attacher un totem à son CV (réforme des retraites). »

par Alain Alain
lundi 6 février 2023

Indéniable, la réforme est inique pour les salariés les moins bien payés, les femmes, ceux qui ont travaillé tôt ou qui auront une carrière incomplète. Elle est aussi inefficace et arbitraire.

Le titre de cette chronique est extrait d’une déclaration d’Adélaïde Zulfikarpasic, directrice générale de BVA, faite dans l’émission “le 7/9” du 18 janvier sur France Inter : « Lors de son précédent mandat Emmanuel Macron avait proposé une réforme plus révolutionnaire, il voulait réformer la France pour affronter les défis de demain. Aujourd’hui on dirait qu’il veut attacher un totem à son CV. »

Cette réforme n’est pas urgente.
Le Conseil d’orientation des retraites (COR) créé en 2000 est un service du premier ministre.
« Réforme des retraites : le président du COR étrille les arguments du gouvernement. Le président du COR, Pierre-Louis Bras, s’est expliqué pour la première fois jeudi lors d’une audition devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale. L’expert a clairement contesté les arguments de l’exécutif.
Les dépenses de retraites sont globalement stabilisées et même à très long terme, elles diminuent dans trois hypothèses sur quatre. »
LADEPECHE.fr,
Publié le 21/01/2023

Réaction du gouvernement : le président du COR ment.

Cette réforme ne sera pas plus efficace que les cinq précédentes.
Pour se justifier, depuis peu les macroniens protestent que la plupart des pays voisins ont déjà reculé l’âge de départ à la retraite au-delà des 64 ans proposés par Emmanuel Macron.
Est-ce qu’ainsi ils ont résolu le problème ?

Allemagne, 3 millions de retraités pauvres.

États-Unis, « Les Américains en âge de travailler sont un peu plus de 200 millions, et plus de 100 millions ne possèdent aucune forme d’investissement retraite (…) Les travailleurs à faible revenu sont évidemment moins bien lotis : 51 % n’ont aucune épargne pour leur retraite. (…) Globalement, 77 % des Américains n’ont pas une épargne retraite suffisante pour leur âge et leur niveau de revenu. » Stéphanie Kelton, Le mythe du déficit, mars 2021.

Hollande, en 2019 il manque 1,6 milliard pour être à l'équilibre cette année là avec leur système à points. Pour un pays de seulement 17 millions d’habitants, c’est beaucoup.

Suède, à cause de leur système à points, en cas de réserves financières insuffisantes ou de baisse du nombre d’actifs, un équilibrage automatique se déclenche, réduisant le niveau des pensions comme en 2010, 2011 (jusqu’à - 4,5 %) et 2014.
Bravo monsieur Laurent Berger, bravo la CFDT, bravo la retraite à points !

Portugal, Espagne, Grèce ont subi des baisses générales des pensions.

Angleterre, Japon, un grand nombre de retraités même d’âge avancé sont contraints d’exercer un travail à temps partiel pour survivre.

On en conclut que les pays voisins sont moins performants que la France en matière de gestion des retraites. En effet ils retardent beaucoup l’âge de départ à la retraite sans pourtant régler les difficultés de leur système. Et en France, qu’ont fait les précédents présidents : retarder l’âge de départ de la retraite de 60 à 62 ans et augmenter la durée de cotisation de 37,5 à 43 ans.
Et puisque il faut recommencer aujourd’hui à en croire Macron, Borne and Co, c’est que ça ne marche pas.

D’ailleurs, le 25 avril 2019 en conférence de presse Macron professe :
« Tant qu’on n’a pas réglé le problème du chômage (des plus de 55 ans au moins) dans notre pays, franchement, ce serait assez hypocrite de décaler l’âge légal de la retraite.
Quand, aujourd’hui, on est peu qualifié, quand on vit dans une région qui est en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté, qu’on a une carrière fracturée, bon courage déjà pour arriver à 62 ans ! C’est ça la réalité de notre pays.
Alors, on va dire : “ Non, maintenant il faut aller à 64 ans ! ” Vous ne savez déjà plus comment faire après 55 ans. Les gens vous disent : “ Les emplois ne sont plus bon pour vous. ” C’est ça la réalité.
C’est le combat qu’on mène. On doit d’abord gagner ce combat avant d’aller expliquer aux gens : “Mes bons amis, travaillez plus longtemps. C’est le délai légal ! ” Ce serait hypocrite. »
Aujourd’hui il assène l’impossibilité d’éviter le recul de l’âge de la retraite avec l’augmentation de la durée de cotisation et donc obligation pour le citoyen ordinaire d’abdiquer.

Pourtant augmenter les cotisations à la place de 2 ans de travail supplémentaires pour tous est une proposition qui recueille la préférence de 59% des Français interrogés selon un récent sondage.
Emmanuel Macron s’offusque. Selon lui ce serait suicidaire pour nos entreprises et donc pour nos emplois.
Ces entreprises qui reçoivent en subventions et aides à l’économie plus de 50 milliards par an selon la Direction Générale du Trésor (2019).
Source : “ Évolution des voies et moyens, tomme II, Les dépenses fiscales, Annexe au projet de loi de finances pour 2020 et Commission des comptes de la Sécurité sociale (2019), Les comptes de la sécurité sociale, Rapport 2019.
Cette part de l’augmentation de cotisation des entreprises pourrait être modulée en fonction des subventions reçues, des bénéfices réalisées et du nombre d’emplois créés. De la sorte, les entreprises en difficulté pourraient être relativement épargnées.

 Ou, une taxe de 2 % sur les revenus des milliardaires français proposée par Oxfam France.
Mais pour Macron ils sont déjà trop. Scandaleuse foutaise !
D’après un article du Canard enchainé du 1er février 2023, la situation fiscale de Bernard Arnaud, actuellement l’homme le plus riche du monde, est celle-ci : « Sur la totalité de ses revenus, un peu moins de 1,3 milliard, il aura donc été imposé, en 2019, à hauteur d’environ 180 millions, soit…moins de 14 %. Elle est pas belle la vie ? »
Moins en pourcentage que la majorité des français imposés sur le revenu !

Cette réforme est arbitraire.
Tous les experts le reconnaissent. Cette réforme est avant tout « une réforme des finances publiques souhaitée par Bruxelles et exigée par les marchés » comme le souligne le Canard enchainé, dans son édition du 18 janvier 2018.
Tous les ministres, à un moment ou un autre ont affirmé que l’argent récupéré sur les retraites servirait à financer d’autres services publics.
Aujourd’hui ils nient l’avoir dit.
Malheureusement pour eux, dans l’émission “le 7/9” du 18 janvier sur France Inter, Léa Salamé les a démentis : « tous les ministres l’ont dit ici. On peut ressortir les archives ! » Étonnant de sa part !

Cette réforme n’est pas transparente.
Comme leurs prédécesseurs, Macron et Borne se gardent d’expliquer qu’après cette réforme beaucoup de futurs retraités n’auront plus une pension à taux plein et percevront moins de retraite.
En effet, pour avoir une pension à taux plein il faudra avoir 64 ans, avoir travaillé 43 ans sans période à temps partiel et sans période de chômage non indemnisée. Tous ceux qui ne rempliront pas ces conditions, la majorité des travailleurs sans doute, n’obtiendront qu’un taux réduit pour une pension diminuée d’une décote pouvant aller jusqu’à 25 % en plus.

Macron et Borne se gardent de préciser que carrières longues ou pénibilité n’empêcheront pas de devoir travailler 2 ans de plus : ceux qui aujourd’hui peuvent partir à 60 ans devront attendre 62 ans après la réforme.

Macron et Borne se gardent de révéler que de réforme en réforme le taux de remplacement des pensions de retraites est tombé de 75 à 80 % il y a 30 ans à 55 à 60 % aujourd’hui. Leur promesse de ne pas baisser les pensions est mensongère.

Macron était persuadé qu’il amadouerait les français avec des arguments fallacieux tels que « pour sauver les retraites, la réforme est indispensable », « pour rendre le système plus justes », « pour améliorer le sort des plus pauvres », « j’ai la légitimité ».
Contrairement à ce qu’il croyait, les français ne sont pas les benêts qu’ils imaginaient. Il a cru le général De Gaulle qui affirmait : « Les français sont des veaux. » Ce que les français n’ont pas oublié au référendum de 1969.
De même, les français n’oublieront pas l’obstination destructrice d’Emmanuel Macron. Avant la fin de son quinquennat, à la première occasion ils sauront le lui rappeler.
Mais dès maintenant, j’espère que les 70 % qui ne veulent pas de cette énième réforme, agiront pour la repousser à un moment ou à un autre.
Samedi 11 février c’est possible pour tous.

À lire aussi sur Agoravox, ma première chronique sur cette réforme des retraites :
Macron prétend qu’en l’élisant, les Français ont approuvé le recul de l’âge de la retraite


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