La disparition des droits fondamentaux de la Constitution allemande bien actée

par Patrice Bravo
jeudi 26 novembre 2020

 

30 ans après la chute symbolique du mur de Berlin, exactement un mois après la journée de l'unité allemande du 3 octobre, l'Allemagne, via des députés de la majorité (CDU) (SPD), a présenté « un projet de troisième loi pour la protection de la population dans une situation épidémique d'importance nationale ». La loi votée le 18 novembre au Bundestag et ratifiée par le Bundesrat a officiellement retiré les droits fondamentaux aux citoyens allemands dont la protection de l'intégrité corporelle à la personne et l'inviolabilité du domicile privé.

Après 15 ans de règne, sans partage sur la patrie de Goethe, l'ex-responsable de la propagande au sein de la FDJ (jeunesse communiste de la RDA), Angela Merkel, a finalisé la remise en place d'un système version RDA.

L'unité allemande, une fête triste. Le 3 octobre 2020, l'Allemagne a célébré les 30 ans d'unité allemande. Il y a 30 ans, le monde s'émerveillait de voir le mur de Berlin tomber, laissant entrevoir l'arrivée d'une période de paix et de liberté pour les habitants de l'Europe. On se souvient des images de ces Allemands de l'Est qui trouvaient refuge en Hongrie. La Stasi, ministère de la Sécurité d'Etat (Ministerium für Staatssicherheit, MfS) était, par les média de l'époque, montrée du doigt comme un système abominable de soumission. Les techniques de contrôles de la population de l'Allemagne de l'Est ont été alors expliquées. La Stasi utilisait la destruction mentale des opposants par des opérations psychologiques redoutables de décomposition (Zersetzung). La personne ou le groupe d'individus ciblés ne pouvaient pas voir l'ennemi et ni la forme de l'attaque. Les attaques visaient l'emploi mais aussi la vie privée de la victime qui vivait dans la peur permanente. Cette décomposition se réalisait doucement pour devenir brutal afin de provoquer un choc psychologique de déstructuration de la personne, pour la reprogrammer ou la tuer.

Le choc était si violent que les individus devenaient fous ou se suicidaient. Le réalisateur, Florian Henckel von Donnersmarck, du film « La Vie des autres » qui met en scène un couple d'opposants au régime de la RDA, a si bien retracé de manière fidèle les actions de la Stasi, qu'il a été attaqué à la sortie de son film en justice par d'anciens cadres du régime de la RDA toujours en activité dans les instances politiques d'aujourd'hui. Les Français, qui n'ont pas vécu sous ce système, ne pouvaient pas s'imaginer l'existence de telles procédures pour contrôler la population. La paranoïa, qui infiltrait alors dans la vie quotidienne, et qui est restée, est remontée en puissance. Avec les mesures sanitaires mises en place en France, les Français commencent cependant à goûter ce que la vie sous la RDA pouvait être, et encore, ils commencent seulement à connaître son goût amer sur le bout de la langue. Et la France suit les procédures de Berlin pour les lois traitant la Covid-19. 

La loi sur la protection contre les infections, le débranchement de la Loi fondamentale. En allemand, « das Infektionsschutzgesetz » (IfSG) a été parée la semaine dernière d'un nouveau paragraphe au texte de mars dernier, un texte qui permet à la police de rentrer chez les gens sans une décision de justice. La loi fondamentale garantissait avant cette loi, en théorie, par son article13, l'inviolabilité du domicile. Pour ceux, qui connaissent bien l'Allemagne, ce n'est pas une surprise mais une continuité dans un processus qui est ressorti après la courte amnistie d'après la chute du mur de Berlin, une époque joyeuse et libre, du moins en apparence, qui a fait venir de nombreux Français à Berlin pour cette raison.

Aujourd'hui, la nouvelle loi sur la protection contre les infections est compatible avec le droit de l'Union européenne et l'armée allemande intervient pour la faire respecter. A l'article 7 de cette même loi, on a officiellement la « restriction des droits fondamentaux », dont ce qui touche la liberté de réunion (article 8 de la Loi fondamentale), la liberté de circulation (article 11, paragraphe 1 de la Loi fondamentale) et l'inviolabilité du domicile. Le texte reconnaît que ces articles « conduisent parfois à des empiétements considérables sur les droits fondamentaux ». Les personnes, qui ont été signalées, pour une suspicion de maladie, comme les contagieuses ou comme ayant quitté le contrôle à l'autorité compétente, seront recherchées.

Le parlement allemand n'existe techniquement plus car le gouvernement dicte par ordonnances comme l'indique la IfSG : « Si le Bundestag allemand a déterminé une situation épidémique de portée nationale conformément à l'article 5 (1) phrase 1, le gouvernement fédéral est autorisé à déterminer par ordonnance sans le consentement du Bundesrat ». Nous avons assisté à la fin officielle de la brève période démocratique de l'Allemagne d'après la réunification. La loi fondamentale et la machine de l'activité démocratique ont été débranchées, ce qui acte bien la disparition des droits fondamentaux de la Constitution allemande. Les manifestants, eux, déclarent la mise en place de la dictature. Paris louchant sur Berlin, la France suit le même chemin.

Philippe Rosenthal

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Source : http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=2200


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