La drôle d’odeur de la démocratie

par Marcel MONIN
mardi 31 décembre 2019

La drôle d’odeur de la démocratie. 

 

L’analyse de faits récents (« Gilets jaunes », puis grèves contre ce qui est présenté comme une « réforme des retraites » ) conduit l’observateur à s’interroger sur le point de savoir si les Français vivent à proprement parler en démocratie (1) .

Surtout que les statistiques enseignent que la « démocratie » telle qu’elle fonctionne sous l’impulsion des dirigeants, reproduit et aggrave sans cesse plus ( en gros aujourd’hui : les 10% - env.- de la population peuvent désormais capter les 90 % - env.- des richesses) les inégalités économiques et sociales, sous une forme politique.

Surtout que l'analyse de la manière de faire du président de la République révèle l’usage de techniques dont le résultat fait penser que le gouvernement n’est … (vraiment) pas celui « du » peuple, et qu’il opère au contraire « sans » et « contre » le peuple (1).

Et ce, quelle que soit la manière dont on aborde le sujet.

A. Du point de vue conceptuel :

Les gouvernants disent en substance : « ce que nous faisons est légitime, parce que nous (le président de la République et les députés « LaREM ») avons gagné les élections ».

C’est doublement faux.

a) L’élection (contrairement au référendum qui porte sur une question de fond) n’est qu’un mode de désignation parmi d’autres. Lequel (ne) confère (qu’) un poste, pour autant d’ailleurs que la désignation a été régulière. Etant entendu que la régularité du processus de désignation est techniquement assez peu contrôlée. Ce qui pose un problème supplémentaire de régularité réelle et de « légitimité ». 

b) Les décisions qui sont prises par le président de la République, qu’elles aient été approuvées ou non par ses parlementaires, ne sont pas « légitimes » pour la seule raison qu’elles ont été prises par des gens élus, qualifiés (d'ailleurs par un abus de langage : v. le § 2 ci-dessus) de « représentants ».

Elles ne le sont que si elles vont dans le sens des principes de la République. Ainsi d’ailleurs que la jurisprudence du Conseil constitutionnel et celle des juridictions « normales » l’enseignent.

Au moins partiellement, puisque ces jurisprudences sont lacunaires ou défaillantes dans quelques domaines. Notamment sur le respect du principe d’égalité appliqué à la situation, et à l’égalité des chances, des plus vulnérables.

B. du point de vue des méthodes :

La révolte des gens pauvres, désespérés d’avoir à payer l’essence plus chère pour leurs déplacements, l’effarement d’une grande partie de la population qui a découvert que la préparation de l’abandon des retraites aux propriétaires des compagnies d’assurances et autres fonds de pension va, ce qui n’avait pas été dévoilé, faire baisser leur niveau de vie, … sont des conséquences qui découlent nécessairement et mécaniquement de la nature réelle de la forme de gouvernement.

Laquelle révèle que les gens en poste n’arrivent pas à se faire à l’idée que la grande partie des citoyens dont ils projettent de faire baisser le niveau de vie, fait autant partie du peuple que les dirigeants des fonds de pension (2). 

a) Ils tablent sur le fait que les grévistes – dès lors qu’ils paient d’une retenue sur salaire le droit (là où il subsiste) de faire de grève- lâcheront nécessairement prise. Et parallèlement, ils s’appuient sur les médias militants (3) qui multiplient interviewes ciblés et « reportages » sur les conséquences « inadmissibles » des grèves et sur le « culot » des grévistes présentés des privilégiés (sic). 

b) Ils tiennent prêts les policiers et les gendarmes. Qu’ils dotent d’armes de plus en plus dangereuses (qui blessent désormais beaucoup) , jusqu’à des armes de guerre (sic), avec la mise à disposition desdites forces répressives d’engins blindés (lors des manifestations des gilets jaunes).

Ce qui rappelle nécessairement et exactement les techniques d’intimidation et de répression des régimes « musclés ». Sans qu’il y ait encore besoin de tuer, puisque les manifestants, en retard d’une réflexion par rapport aux gouvernants, ne se sont pas encore rendu compte que la grève et les traditionnelles manifestations, ne servent désormais plus à rien dans le contexte de la nouvelle gouvernance. 

Alors, comme le texte de la constitution (4) comprend toujours les formules de la démocratie, on ne dira pas que nous vivons dans une forme de « dictature ».

Mais quand on prend en considération les techniques de gouvernement et l’objet et les destinataires des mesures prises par les gouvernants, on est obligé de dire que la « démocratie » … a pris une « drôle » d’odeur (5).

 

Marcel-M. MONIN

constitutionnaliste

(1) Chacun s’accorde à dire que la « dictature » est un régime dans lequel le pouvoir est exercé par un individu, à la tête d’un groupe d’individus marchant avec lui, et qui décide contre les intérêts et la volonté du peuple. Ce qui correspond d’ailleurs exactement au contraire de la définition de la démocratie (gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple).

a) Si quelqu’un s’avisait de dire que l’on se trouve dans beaucoup de pays dans une situation de « dictature », il serait voué aux gémonies. C’est que les dictatures s’installent à la suite d’un coup d’Etat militaire ou d’une révolution (pouvant être initiés et fabriqués par l’étranger ayant besoin que des mesures soient prises qui seront conformes à des intérêts concrets et particuliers). Et que les dictateurs restent en place avec l’appui de la police et de l’armée qui intimident et qui tuent beaucoup si la peur qu’ils inspirent ne « marche pas ». Et que la théorie s’accorde mal avec l’idée que l’élection pourrait engendrer un gouvernement qui tourne le dos à la maxime « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».

b) Ceux qui y ont intérêt et qui ont les moyens de les financer, peuvent arriver au même résultat en mettant en branle des campagnes de conditionnement des cerveaux (lire les écrits de E. Bernays et observer les faits récents, spécialement en France) qui conduiront à faire « élire » tel individu dont la tâche sera de prendre des décisions allant précisément « contre » ( et non « pour ») le peuple (pris – si les mots ont un sens- dans son ensemble). 

(2) Dans la même logique, on rappellera le propos adressé par un préfet à des manifestants, leur déclarant qu’eux et lui n’appartenaient pas « au même monde » (sic).

(3) Les médias de Corée du Nord chantent les louanges de Kim Jong-Un et de la politique grandiose de ce dernier. En France, les médias encore placés sous l’autorité de la classe politique au pouvoir et ceux contrôlés par ceux qui ont « fabriqué » le candidat Macron, sont techniquement plus subtiles. Ils paraphrasent les propos du président et présentent les projets –et incidemment l’idéologie sous jacente - de ce dernier comme allant de soi. Ils travaillent par ailleurs à présenter les personnes qui ont une conception de la société qui n’est pas celle de l’équipe au pouvoir, en sortes de « malades ». Comme il a été dit, la méthode se veut plus subtile sur la forme. Mais le résultat escompté (« « bourrage de crâne » ) est le même dans le régime de l’Un et dans celui de l’autre. Ce qui, évidemment, n’est nullement conforme à l’idée d’une information pluraliste et non truquée propre à la démocratie et nécessaire à son fonctionnement.

(4) Encore que le général de Gaulle disait en substance (conférence de presse de 1964) que la constitution était une sorte de confessionnal : elle avait pour objet de protéger du diable ; mais il ajoutait que lorsque le diable s’installait dans le confessionnal, la partie était perdue.

Certains politiciens de carrière, qui ont gagné leur vie en changeant d’opinion et de circonscription, essaient de faire rêver (en omettant au passage de prendre en compte les mœurs de la classe politique dont ils font partie depuis plusieurs dizaines d’années) à un changement de politique par le changement de la constitution (sic). NB. Et, pour couronner le tout, sans forcément sortir du système juridique européen ( re sic) qui enlève aux peuples la possibilité d’émettre quelque désaccord que ce soit sur le sort que certains malins ont (avec les applaudissements complices de la classe politique interconfessionnelle), scellé une fois pour toutes pour eux.

(5) Compte non tenu d’autres facteurs (qui ne sont pas abordés ici), comme le vote de lois sur la manière de penser et les procédures judiciaires lancées contre l’usage libre de la parole.


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