La faillite intellectuelle de l’Occident chrétien

par Emile Mourey
mardi 22 avril 2008

Rédacteurs et lecteurs d’Agoravox, ouvrez les yeux ! L’image de l’actualité de la semaine, ce ne sont pas les photos de Carla Bruni ou de Marylin Monroe, aussi respectables soient-elles ; c’est celle du chef de l’Etat le plus puissant du monde recevant sur son sol le représentant d’une civilisation chrétienne millénaire chargée d’Histoire. Et ce pape, aux yeux du reste du monde, quoi que vous disiez, quoi que vous pensez, il vous représente. Et il vous représente d’autant mieux que le président de la République que vous avez légitimement élu s’est rendu à Rome pour lui rendre, comme cela se faisait dans le passé, un très traditionnel hommage.

Peut-être avez-vous assisté, comme moi, à une émission télévisée récente sur le Tibet ou sur les jeux Olympiques, je ne me rappelle plus. Emission rendue d’autant plus intéressante du fait de la présence d’un porte-parole du gouvernement de Pékin dont les silences en disaient beaucoup plus long que ses très brèves interventions. Ces "M. Hing" - peu importe le nom - qui vont apparaître dorénavant de plus en plus souvent devant vos écrans, que pensez-vous qu’ils pensent de vous ?

Intellectuels qui vous agitez au nom des droits de l’homme, M. Hing vous regarde avec l’œil amusé d’un naturaliste. M. Hing a sa logique et sa sociologie qui ne sont pas les vôtres. Débattre avec vous, il n’en voit pas l’intérêt. Pour lui, le colosse qu’était jadis l’Occident culturel n’est plus. Dans votre inconscience, vous l’avez mis par terre. Morice, j’attends votre commentaire. J’attends aussi le commentaire de Philippe Vassé qui s’imagine "marquer l’Histoire" en dénonçant certains dirigeants du régime de Pékin qui, par la voie des rétributions occultes, auraient escroqué chaque contribuable français de la somme d’environ 3,70 euros. Sous son masque impassible, M. Hing en rit encore.

Intellectuels, vous qui, soldats disciplinés ou consensuels, apportez votre caution aux dernières déclarations du Magistère de l’Eglise, M. Hing vous regarde avec l’œil amusé d’un disciple de Confucius et de Lao-Tseu. Votre résurrection du Christ récemment réaffirmée dans une lecture littérale des évangiles, cela le fait sourire. Débattre avec vous, il n’en voit pas l’intérêt. Il n’a pas lu les derniers ouvrages du pape Benoît XVI que les médias présentent pourtant comme un très grand théologien. Pourquoi les auraient-ils lus ? Je les ai lus ; je n’y ai trouvé que le conservatisme répétitif et simpliste des sermons de mon enfance.

Cette faillite intellectuelle de l’Occident chrétien aurait pu être évitée. C’était possible, cela peut l’être encore. Au-delà des mythes et des récits symboliques, il suffisait de retrouver l’Histoire, une histoire parfois tragique. Parce que l’Histoire est vraie et parce que c’est elle qui a fait ce que nous sommes. Les ouvrages et articles que j’ai publiés vont dans ce sens et j’en maintiens la teneur en dépit de toutes les critiques et attaques qu’ils ont suscitées. Position bien difficile qu’est la mienne puisqu’en défendant le rôle éminent des prêtres dans notre société tout en proposant une interprétation analogique "hérétique" de l’Ancien et du Nouveau Testament, je me mets à dos, et les uns et les autres. Dans ces conditions, que mes lecteurs qui me soutiennent n’en veulent pas trop au comité de rédaction qui vient de me refuser mon dernier article pourtant brûlant d’actualité "Comprendre les évangiles autrement" mais qu’ils se rendent dans les jours prochains sur mon site internet pour le consulter (http://www.bibracte.com).

France, ta spiritualité fout le camp ! Ce gâchis remonte aux premiers pères de l’Eglise, incapables qu’ils ont été de comprendre le langage imagé de leurs textes sacrés. Un gâchis qui s’est poursuivi avec les méthodes inquisitoriales autoritaires d’une institution plus soucieuse d’orthodoxie que de transparence et d’évolution. Et, pourtant, la pensée spirituelle occidentale a brillé de mille feux. Et, pourtant, l’interprétation intelligente de nos textes sacrés a bien existé. Je l’ai montré, entre autres, chez Léonard de Vinci, chez le chancelier Rolin, ainsi que dans les sculptures et dans les fresques de maintes églises dites romanes.

Je ne suis pas le premier à parler de textes codés. Dans son Christ hébreu, le Pr Tresmontant l’a évoqué pour certains passages. Dans Les Mythes hébreux, Robert Graves et Raphael Patai, en faisant des rapprochements avec des textes historiques extérieurs, ont identifié des tribus, des régions ou des localités portant les noms que la Bible donne aux patriarches, ce qui donne à réfléchir. Et Maurice Mergui, dans son Etranger sur le toit a bien mis en évidence la complexité de la pensée et de l’exégèse juive.

En séparant les "intelligents" des incrédules, le prophète Daniel avait déjà tout dit au IIe siècle avant notre ère... à savoir que les textes bibliques ne pouvaient être compris que par un effort d’intelligence. Deviner, par exemple, qu’Abraham ne pouvait être qu’un conseil de prêtres/chefs et Sarah, sa troupe militaire d’élite, était à la portée de n’importe quel lettré moyennement intelligent... et ainsi de suite jusqu’à Jésus et jusqu’à Mahomet. Car tout le monde sait qu’il existait en ce temps-là deux types de pouvoir possibles : le pouvoir exercé par un roi-individu et le pouvoir exercé par une oligarchie ou par un clan. Ce deuxième type de pouvoir ne pouvait s’exercer, bien évidemment, que par l’intermédiaire d’un conseil dont les membres étaient choisis au sein de l’oligarchie ou du clan. La meilleure preuve en est que ces conseils - qui agissaient comme un seul homme - recevaient bien souvent des noms à thème politique ou religieux.

Et c’est ainsi que des textes que l’on a dit sacrés pourraient, non pas être jetés au feu comme certains le souhaitent, mais servir à une meilleure compréhension de notre humanité tout en revenant au premier plan, mais en tant que livres d’histoire.

 

Telle est l’image moderne de notre culture et de notre spiritualité qu’il aurait fallu donner à un monde qui désormais nous juge !


Lire l'article complet, et les commentaires