La fin d’un monde…
par Florian Mazé
lundi 25 septembre 2023
Contre toute apparence, la visite du Pape à Marseille fut un non-événement. Il n’est pas impossible qu’il s’agisse même de l’acte de décès de l’Église catholique.
Le discours pro-migrants du Pape donnait l’impression de sortir d’un chat GPT manœuvré par un mauvais prof de Lettres encarté à l’extrême gauche. Les partisans de Mélenchon ne s’y sont pas trompés, eux qui ne perdent jamais une occasion, en bons laïcards, de fustiger le catholicisme, et qui se sont retrouvés, le temps d’un week-end, aussi papistes, voire plus papistes encore que le Pape.
Même les catholiques de droite, conservateurs, embarqués dans la ferveur générale, n’ont pas tous relevé la contradiction. Pourquoi l’Europe, le plus petit continent du monde, un mouchoir de poche, un confetti géographique, une péninsule dérisoire qui est au vaste monde ce que les latrines au fond du jardin sont à un hôtel particulier de soixante pièces, se voit-elle systématiquement sommée d’accueillir « toute la misère du monde » sur son sol, et tout particulièrement des gens qui viennent de continents très vastes ? Et pourquoi l’Europe, toujours l’Europe, encore l’Europe ?
L’explication tient au technicisme occidental conjugué à la bêtise européenne, car l’Europe est, dans l’Occident, la partie la plus sénile. L’Européen moyen (y compris justement le catho Bisounours qui se pâmait devant le Pape à Marseille) s’imagine qu’avec des machines prétendument « décarbonées » et des ordinateurs soi-disant « quantiques » le petit mouchoir de poche européen – et malgré la crise économique, sociale, environnementale et sécuritaire qu’il connaît, une crise sans précédent dans l’Histoire – va pouvoir accueillir, nourrir, loger, chouchouter, câliner des centaines de milliers, des centaines de millions de réfugiés ? C’est comme si l’on voulait faire entrer les spectateurs de la Coupe du monde dans un studio de six mètres sur cinq. Grotesque.
L’Européen moyen est un techniciste et un technophile, autrement dit un ringard, un progressiste réactionnaire, ou plutôt un réactionnaire déguisé en progressiste. L’Européen moyen croit encore au techno-solutionnisme des Trente Glorieuses, rémanent jusqu’à aujourd’hui, en méprisant, du reste, les avertissements de notre grand écrivain regretté, René Barjavel (relire Ravage). D’ailleurs, L’Européen moyen s’extasie toujours devant la science-fiction high-tech américaine ringarde, dépassée, pitoyable, mais qui draine encore tout le gros public, l’épais et gras public. Dernier truc en date : The Creator et ses intelligences artificielles qui font la guéguerre aux humains. Des fictions de ce type, on en imaginait déjà lorsque j’étais enfant. Les producteurs américains ne s’y trompent pas ; en bons démagogues, ils savent qu’ils s’adressent à des couillons. Et ils savent que le public européen constitue l’inépuisable réserve à couillons du monde occidental.
Pour en revenir au Pape : il n’est ni européen, ni moyen. C’est le chef de l’Église catholique ; c’est aussi un chef d’État, et il est d’origine argentine. Mais il s’est comporté à Marseille comme les grands producteurs américains de science-fiction se comportent vis-à-vis de la réserve à couillons du monde occidental. Il nous a servi de la science-fiction, de la bonne grosse science-fiction bien démago, à bon gros budget pour le bon gros public. Ils s’imaginent quoi, les gugusses ? Qu’on va fabriquer des droïdes qui prépareront le petit-déjeuner des migrants ? Ou des synthétiseurs qui vont capter les atomes en suspension pour façonner de la nourriture (on trouve un procédé de ce genre dans La nuit des temps de Barjavel, vestige d’une civilisation… disparue) ?
Le discours du Pape est d’autant plus dépassé qu’il le prononce à une époque où l’accueil des migrants et réfugiés fait de plus en plus débat, à tel point qu’une partie de la gauche (hors LFI et EELV) elle-même est en train de virer de bord. Les gauchistes extrémistes sont à chaque fois plus ridicules, aussi ridicules que dangereux, avec leurs manifs à répétition pour le droit des minorités et contre les violences policières qui dégénèrent systématiquement en violences contre la police et contre la population générale. La petite classe moyenne issue de l’immigration elle-même n’en peut plus des délits et des crimes commis dans les quartiers sensibles et même ailleurs, et dont elle est victime au même titre que la petite classe moyenne française de souche. Bref, la science-fiction gauchiste ne fait plus recette, pas plus que le catholicisme bourré de bons sentiments de Sa Sainteté mondialiste.
Certes, il reste quand même le gros public, et cela fait du monde ! Je gage toutefois que le gros public, dans les années qui suivent, va maigrir progressivement et se tourner vers d’autres formes de science-fiction, plus proches du bon sens.
Qu’en est-il du Pape lui-même ? Je n’en sais strictement rien. S’agit-il d’un homme fatigué, sénile même, qui ne se rend plus compte de rien ? Se prend-il pour Jean-Paul II, l’ancienne popstar de la sainte Église apostolique et romaine qui a fini, comme lui, en chaise roulante ? S’agit-il d’un démagogue cynique ? Ou tout simplement d’un orateur désespéré, prêt à dire n’importe quoi pour regagner le gros public comme le font aujourd’hui, en politique, les guignols écolos et LFI ?
Une chose est sûre en tout cas : si le souverain pontife s’imagine remplir de nouveau les églises européennes, et notamment françaises, en adoptant cette attitude, il va obtenir tout le contraire. Et cela, même si nos gros médias bien-pensants travestissent cet enterrement de première classe à Marseille en événement historique, pour ne pas dire en Parousie. Tu parles d’un retour du Christ ! L’Église catholique va juste devenir un EHPAD de seconde zone. Les âmes y seront très mal soignées. Le militantisme aura un goût de cendre (et pas seulement le mercredi des Cendres). Il se trouve que je faisais vaguement partie d’un conseil pastoral paroissial ; je viens de donner ma démission à M. le curé ; ce n’est pas mon genre de pratiquer l’activisme spirituel dans une Église de petites Sandrine Rousseau élevées en sacristie.
Bref : l’Histoire est parfois traîtresse, du moins lorsqu’on la vit, nettement moins lorsqu’on l’écrit après coup, des siècles plus tard au besoin. Les bien-pensants ont perçu dans la visite du Pape un événement capable de changer la face du monde. Personnellement, j’y vois, je le répète, un enterrement de première classe, un acte de décès.
Après tout, dans mes propres romans, j’ai bien imaginé un catholicisme étrange et résilient, mais pas étrange et inquiétant, qui se réveille vers la fin du XXIIe siècle, émergeant d’un très long, d’un très pénible et profond sommeil dogmatique. Mon scénario pourrait bien se confirmer dans les années qui suivent…