La fin de la convivialité (Périco Magace...)

par Michel Tarrier
lundi 6 janvier 2014

Périco Légasse, chantre de la tête de veau et de l'andouille de Vire, est infiniment sympathique à tous les amis des animaux qui ne peuvent qu'être favorablement interpelés par sa ventripotence bovine, ses yeux bordés de jambon et des bajoues dont on ferait bien du fromage de tête... Les nutritionnistes sont des pisse-froid qui ne partageront pas cet avis et, à Marianne, on craint le coup de sang.

Et certains refusent de suivre le rustique époux de la fragile Natacha Polony sur les chemins d'une convivialité dont il se fait le laudateur que l'on suppose grassement rémunéré par les lobbies carnistes et laitiers des bons terroirs de chez nous. Chez nous où, tradition pour tradition, le jour du cochon illustre en horreur le jour du mouton de ceux que l'on veut nous faire abhorrer.

"Alors, c'est carottes râpées et au lit à 20h !"

Oui Périco, l'Unesco qui n'en rate pas une a reconnu l'art du bien manger et du bien boire du repas gastronomique français, avec son émouvant rituel charcuterie-viande ou poisson-fromages. Cocorico, la belle affaire ! Mais quand on n'entend pas partager ce type de bâfrerie raffinée, vous répliquez péjorativement : "Alors, c'est carottes râpées et au lit à 20h !", ainsi que vous l'avez clamé lors de vos promotions cathodiques à l'occasion de la cannibalisation des ventes des dernières fêtes commerciales par temps de crise.

Pourquoi entendez-vous présenter comme des rabat-joie, des trouble-fêtes la minorité de ceux qui prétendent à un autre horizon culinaire que celui de votre carnage adulé ?

Même si nous ne partageons pas vos ripailles gargantuesques, adipeuses et carnées, pouvons-nous nous coucher un peu plus tard ? Ceux qui sur la carte ont choisi l'empathie pour les animaux sensibles, le respect pour les ressources planétaires mises à mal par un élevage destiné à nourrir 7 milliards de bouches ou un peu de tact pour les pays que l'on pille allègrement pour nous empiffrer, doivent-ils être raillés, discrédités et éliminés du paysage démocratique ? Toutes les minorités auraient-elles droit de reconnaissance et voix au chapitre, sauf les végéta*iens ?

Au nom du goût (et du mauvais à notre avis), votre alliance avec Michel Onfray est plus consanguine qu'il paraît quand on voit le tripier repu et le sage philosophe postmarxiste. Tout un chacun tant soit peu animaliste se demande comment ce dernier peut-il réussir son grand écart en se réclamant à la fois d'un hédonisme culinaire carné et d'une compassion proclamée pour ceux que les bidochons appellent "les bêtes". Difficultueux amalgame d'un relativisme moral pour le moins osé.

Ceci dit, cet apartheid auquel vous nous renvoyez nous va et nous ne saurions trop remercier l'excellent végéphobe que vous êtes. Sachez, très cher gourmet, qu'aucun fruit, qu'aucun légume n'est susceptible de donner la nausée à un omnivore zoophage, tandis que pour les convives délicats et respectueux que sont les végés en tous genres, la vision de charniers et de restants d'entrailles sur une table franchouillarde et conviviale du fameux partage pantagruélique nous met très mal à l'aise. Vos agapes morbides et charcutières, vous pouvez vous les garder. Nous n'en pouvons plus de cadavres exquis. Nous sommes vraiment désolés de devoir quitter toute table faite de sang et de souffrance. La joviale convivialité dont vous êtes le représentant multicarte revêt pour nous des airs de tournante alimentaire et de partouze zoophile qui ne nous disent rien. Pas plus d'ailleurs que votre gastronomie, un art qui se défèque.

Je suis en train d'imaginer..., je reviens car il me faut interrompre mon billet pour aller vomir.

(...)

Beurk, beurk, beurk... la vue d'une tête de veau ravigote, de pieds de porc panés, d'une cervelle d'agneau au beurre, d'un pauvre petit cochon de lait farci, de tripes à la mode de Caen, d'animelles (testicules) cuisinées de taureau ou de bélier, d'une langue de bœuf sauce piquante, d'un cœur d'agneau sauté, d'un os à moelle au four et autre homard ou crabe ébouillantés vivants... Et heureusement que, en homme de valeur, vous savez nous expliquer la différence entre une bonne chair à saucisse artisanale et du minerais de viande industriel. Ah qu'elle est bonne la viande heureuse !

Même avec un label de vie au grand air, peu de Français iraient partager du chien ou du chat cuisinés. Et pour bien comprendre qu'il y a quelque chose de psychopathe dans le fait de manger des animaux, et de schizophrène dans la mesure d'en manger certains et pas d'autres, il suffit de réfléchir aux "gourmandises" endémiques de tout autre terroir que le notre, comme, par exemple, au chien et au chat frits, sautés, en bouillie, en ragout ou séchés du Sud de la Chine et même de nos voisins Suisses. Il est peu connu car jugé honteux que les cantons suisses d'Appenzell et de Saint-Gall autorisent la cynophagie. Les habitants en oublient leur conscience et sautent sur l'occasion pour élaborer de la charcuterie avec de la viande de chien d'une race proche du Rottweiler. Si c'est traditionnel et légal, c'est donc normal ! L'Unesco pourrait tout aussi bien sacraliser cette "convivialité" culinaire !

Tout le monde s'écrit alors : "Ils sont dégueulasses ces Chinois et ces Suisses !". Et il existe évidemment là-bas des Périco Légasse chinois et suisses qui se font des gorges chaudes de ces plats "conviviaux" que nous estimons effrayants, répugnants, repoussants. Comme sont effrayantes, répugnantes, repoussantes vos recettes de mouton, de cochon, de bœuf ou de... cheval. Ah, le cheval pas trop ! Votre ami Jean-Pierre Coffe hésiterait un peu à en proposer à la dégustation lors d'un "Vivement Dimanche" animé part Michel Drucker, ami des toutous !

Putain que c'est compliqué le délire alimentaire et le spécisme de l'humain inhumain ! Il tue le loup, il frappe l'âne, il caresse son chien et mange l'agneau, c'est l'homme !

En vieux français et dans sa définition historique, « viande » signifiait « nourriture », puisque vivenda veut dire en latin « ce qui sert à la vie » ; la viande en tant que « chair animale » était alors désignée par un mot de la même famille, la carne. Le sens a par la suite glissé.

Homme cultivé que vous êtes, avez-vous sans doute remarqué que le mot "ragoûtant", lié au ragoût, ce mélange de viande et de légumes en sauce et cuit à feu doux, est toujours utilisé dans le sens péjoratif de "peu ragoûtant" ? C'est le participe présent adjectivé de ragoûter, vocable du vieux français qui signifie "redonner du goût" et dont la version positive veut donc dire "qui plait au goût", "qui excite l'appétit". Enfin le vôtre, d'appétit, l'appétit de celui "qui sait vivre" parce qu'il se goinfre de cadavre.

"Messieurs, la viande du roi !"

Ce raccourci historique de l'exception est suffisant pour nous enseigner que l'humanité survit parfaitement sans viandes, que ce sont les couches populaires les plus démunies qui ont porté, malgré eux, le flambeau de la nutrition normale et végétarienne. On mange pour vivre et on ne vit pas pour manger, dit le précepte. L'opportunisme gourmand et dangereux de la nutrition carnée s'exprime jusqu'à l'excès lorsque l'humain en a les moyens et que cela va de pair avec une absence d'éthique et un égocentrisme à nul autre pareil. Ce fut ainsi et de tous temps l'attitude des classes dominantes. La richesse est assise sur la souffrance animale, sur la dégradation de la biosphère et, bien heureusement, sur la propre santé des exploiteurs enlaidis par l'embonpoint et atteints d'un cortège inhérents de dysfonctionnements organiques et d'une pathologie qu'induit une diète non conforme à l'essence humaine, tout cocktail pour une mal vie et une longévité écourtée. Si tout le monde était aisé, ce serait donc la plus grande catastrophe pour le destin des animaux comestibles et le trou de la Sécurité sociale. Tout le monde veut vivre comme un roi, personne comme un gueux, et la viande est assimilée à l'aisance, d'où les qualificatifs "royal" et "impérial" pour les versions les plus riches en viandes de certaines recettes.

L'histoire de la consommation de chair animale est donc celle des classes aisées, des gens riches auxquels débauche et décadence ont toujours été l'apanage, jusqu'à nos jours où le pouvoir d'achat, le consumérisme et ses excès sont annoncés comme des droits démocratiques. Le simple citoyen peut alors s'identifier à la classe supérieure, en adopter les tics, en décalquer les vices comme un accès au bonheur. Et un dîner cannibale aux chandelles fait partie de cette revendication à une certaine aisance, tout comme les soins médicaux et pharmaceutiques socialement ruineux que l'addiction carnée entraîne.

On se représente souvent le dîner romain sous forme d'un culte orgiastique complété d'une beuverie grossière. En fait, la réalité fut différente : les Romains étaient frugaux dans l'ensemble et les agapes et bacchanales avec débauche de mets que l'on cite de Néron ou de Vitellius, tout comme du festin du Trimalcion décrit par Pétrone dans le Satyricon, demeurent le fait de la haute société. La meilleure preuve est que les gladiateurs se voyaient imposer un régime strictement végétarien, et même végétalien, principalement à base de haricots. Ils en tiraient leur force et leur endurance pour les combats dans l'arène.

Du fin fond du Moyen âge à la Renaissance puis au Siècle des Lumières, la gabegie de viande reste le privilège de la noblesse et les habitudes culinaires du peuple sont des plus modestes et des plus saines. À l'origine, la viande n'était pas le plat courant d'Homo sapiens. Les textes de la Genèse, les mythes, les récits et l'histoire ancienne des civilisations attestent d'un mode de vie végétarien.

Avant la domestication du feu, il y a 500.000 ans, nous existions déjà, mais sans pouvoir cuire nos aliments, sans chaîne du froid et sans critiques gastronomiques. Notre système digestif ne nous permettant pas de manger de la viande crue, nous sommes assurément herbivores d'origine. Devenus carnivores par le fait de notre civilisation, c'est avec un infini plaisir que les plus éclairés vous tirent leur révérence et vont s'en retourner à la phytophagie, transition alimentaire obligée dans un monde qui change.

L'homme est un mammifère herbivore... qui a toujours mangé de la viande et qui ferait mieux de ne plus en manger ! Tous les zoophages nous remercieront : c'est grâce à cette involution qu'il pourront jouer les prolongations sur une planète qu'ils ont usée jusqu'à la corde. Pourléchez-vous bien les babines.

Critique de gastronomie bouchère, vous exercez un métier à hauts risques, prenez garde à votre santé et à celle de vos trois enfants, cher maître-queue. "Quand nous tuons les animaux pour les manger, ce sont eux qui finissent par nous tuer car leur viande n’a jamais été destinée à l’être humain", estimait le Dr William C. Roberts, rédacteur en chef de l’American Journal of Cardiology. On est ce que l'on mange : "Que ta nourriture soit ta médecine", disait Hippocrate. Les maladies cardio-vasculaires tuent quelque 180.000 Français par an. Quant à la surcharge pondérale...

Et quand l'agonie vous restera sur l'estomac, vous verrez que c'est vraiment très facile de renoncer à la viande et parfaitement dégueulasse d'inciter les gens à en consommer.

Douce France, cher pays de mon enfance : http://www.latoile.addoc.net/video/read/4feaca3ae4b0596c3940dc51

Dans un monde qui change, changez votre alimentation : www.all-apologies.org

Têtes de veaux

Cervelle de veau
Cochon de lait rôti au four


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