La fin de la pensée critique ou l’avènement d’une génération de pseudo-instruits

par DLB
samedi 26 septembre 2015

L’heure n’est plus à l’insouciance et à la légèreté. Les mots doivent être pesés, l’humour ne doit pas dépasser les bornes. La montée en puissance des médias a créé une nouvelle génération hyper-connectée, hyper-renseignée, et qui a un avis sur tout.

A l’inverse de leurs parents ou de leurs grands-parents, la « génération Internet » pense ne pas être la victime passive de sa propre instruction. Elle ne regarde plus le journal télévisé à 20 heures, mais se renseigne comme elle veut, quand elle veut. Elle n’attend pas que l’information vienne à elle, mais va la chercher, de site en site. Ces nouvelles habitudes ne sont pas seulement le signe d’une patience qui s’effrite – elles sont également symptomatiques d’une nouvelle ère : celle de la pseudo-instruction.

A l’heure où regarder les divertissements de TF1 est perçu par nombre de jeunes comme le comble de la ringardise, voire de la bêtise, les émissions people/politique de Canal + et les documentaires d’Arte ont le vent en poupe. La démocratisation de l’accès aux études supérieures a créé une génération plus exigeante, et qui n’a qu’une seule hantise : être manipulée comme l’ont été leurs crédules aïeux. La bonne nouvelle, c’est que cette volonté de résistance aurait pu déboucher sur une démocratisation de la pensée critique. En réalité, les médias qui ont désormais hérité des faveurs de cette génération ne font que reproduire le jeu de leurs confrères. Non sans un certain cynisme, ils en profitent pour insuffler une certaine « manière de penser » à la mode. 

Sans aller jusqu’au retournement de situation, et bien qu’il ne s’agisse pas de nier le caractère parfois biaisé du journal de la Une, ce dernier n’a rien à envier aux prises de position sans équivoque du Petit Journal de Canal +, très populaire chez les jeunes. Souvent à la limite de l’honnêteté intellectuelle, celui-ci consiste essentiellement en une juxtaposition de vidéos sorties de leur contexte, et toujours utilisées dans un but politique bien précis. Le « FN bashing » y est notamment le sport favori, à tel point que cet acharnement ne peut que se retourner contre eux, puisqu’utilisé par les sympathisants du Front National dans un but victimaire.

Sans se l’admettre, cette génération pseudo-instruite est donc tout aussi perméable à la manipulation que l’était celle de leurs parents. Avec la démocratisation des études supérieures est venue la démocratisation de la condescendance, pratiquée de manière de plus en plus systématique par les jeunes sympathisants de la gauche libérale. Il est évident que les idéaux de cette gauche n’ont, et ce depuis longtemps, plus rien à voir avec le socialisme. Mais aujourd’hui, les jeunes de la génération pseudo-instruite vont plus loin, car en dénigrant ceux qui sont perçus comme « manipulables », c’est une classe de plus en plus réduite de la population qui est visée, à savoir ceux qui n’ont pas eu, ou n’ont toujours pas, accès aux études supérieures. Comble du retournement de situation, la gauche des pseudo-instruits d’aujourd’hui est donc une gauche qui hait les pauvres.

En fin de compte, c’est encore et toujours le système éducatif qui doit être remis en question. A force de démocratisation et de nivellement par le bas, dont l’exemple parfait est la dernière réforme du collège, de plus en plus de jeunes parviennent à un niveau d’éveil intellectuel suffisant pour se rendre compte qu’il est important d’ouvrir les yeux sur le monde qui les entoure et de ne pas tout prendre pour argent comptant ; mais insuffisant pour s’apercevoir que le culte de la pensée critique est justement ce qui empêche cette même pensée critique.


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