La fin du Monde revisitée

par Michel Tarrier
lundi 29 octobre 2012

« En vérité, en vérité, je vous le dis… »

La fin apocalyptique du monde dans l’acception de la fin des temps, le paradis perdu, l’enfer de Dante et autres allégories souvent utilisées dans la communication en la matière, n’ont strictement rien à voir avec ce qui nous préoccupe. Il s’agit de concepts irrationnels, religieux, divinatoires, de sermons prémonitoires, liés au charlatanisme de sauveurs auto-élus et à la prétendue foi de leurs ouailles, donc à l’aveuglement. Je ne suis animé que par l’horizontalité et, si je me réfère à tout un arsenal relatif à la verticalité, c’est en raison de son poids incommensurable sur notre destin d’animal spirituel, et ce, depuis des temps immémoriaux.

« Et il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur la terre, les nations seront dans l’angoisse, inquiètes du fracas de la mer et des flots ; des hommes défailliront de frayeur, dans l’attente de ce qui menace le monde habité, car les puissances des cieux seront ébranlées…. Et alors... » Luc, 21, 25-26

« Aussitôt après la tribulation de ces jours là, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera pas sa lumière, les étoiles tomberont du ciel et les puissances des cieux seront ébranlées. » Mathieu, 24,19-29

L'An Mille qui vient après l'An Mille

L'Apocalypse, dernier livre de la bible chrétienne (notamment l’Apocalypse selon Saint-Jean), fut un écrit circonstanciel, destiné à réconforter les chrétiens par temps de persécution et à prédire la ruine de l’Antéchrist. C’est une révélation messianique sur la fin du monde et sur l’instauration du royaume de Dieu. En lui prêtant un discours eschatologique, le texte présente ainsi le come-back de Jésus Superstar et un jugement du monde. La thèse futuriste de l’apocalypse est une peinture prophétique des événements. Le langage hautement symbolique d’un combat entre les forces du bien et celles du mal, incite à la thèse facile d’une reprise présentiste, d’ailleurs déjà effectuée en leurs temps par le moine Martin Luther, le théologien Joseph Mede ou le physicien Isaac Newton.

« Mille ans auront passé et l'homme aura gagné le fond des mers et des cieux et il sera comme une étoile au firmament. Il aura acquis la puissance du Soleil et il se sera pris pour Dieu, bâtissant sur l'immense Terre mille tours de Babel.

Il aura construit des murs sur les ruines de ceux qu'avaient élevés les Empereurs de Rome et ils sépareront une nouvelle fois les Légions des Tribus Barbares. Au-delà des grandes forêts sera un Empire.

Quand les murs s'effondreront, l'Empire ne sera plus qu'une eau boueuse. Les peuples seront une nouvelle fois mêlés.

Alors commencera l'An Mille qui vient après l'An Mille. Je vois et je sais ce qu'il sera. Je suis le scribe. Lorsque commencera l'An Mille qui vient après l'An Mille, l'homme sera devant la bouche d'ombre d'un labyrinthe obscur. Et je vois au fond de cette nuit, dans laquelle il va s'enfoncer les yeux rouges du Minotaure. Prends garde à sa fureur cruelle, Toi qui vivras l'An Mille qui vient après l'An Mille. »

Jean de Jérusalem, (mort en 1119)

 

Avec, comme toujours dans ce genre de texte visionnaire, la latitude de l’interprétation, cette prophétie semble parfaitement décrire avec une fascinante acuité notre époque du début du troisième millénaire et le chaos vers lequel nous nous dirigeons avec détermination ! Les conquêtes hasardeuses de la techno-science, l’exploration des océans et de l'espace, la maîtrise de l'énergie nucléaire, l'essor des mégalopoles aux pharaoniques constructions, et bien d’autres initiatives témoignant de la présomption occidentale sont décrites dans le texte complet. Jean de Jérusalem, l’un des fondateurs de l’Ordre des Templiers, fut l’auteur d’une quarantaine de prédictions, antérieures et plus limpides que celles de Michel de Nostre-Dame. Celle-ci, L'An Mille qui vient après l'An Mille, aurait été retrouvée dans les archives du monastère de Zagorsk, en Russie.

 

Peurs bleues pour une Terre plate

S’inspirant tout à la fois de l’astrologie, de l’ésotérique kabbale juive, des prophéties grecques et d’anciens livres de magie, selon l’interprétation la plus enthousiaste, Nostradamus ne prédit l’apocalypse qu’après l’arrivée d’un troisième Antéchrist (le premier était Néron et le second Hitler), soit en l’an 3797. Écologiquement, nous ne tiendrons pas !

Pour les témoins de Jéhovah et leur référence à Armageddon, la catastrophe - chaque fois reportée - sera sélective et épargnera ceux qui auront obéis, jetant les autres dans la fournaise.

Les rendez-vous manqués avec la fin du monde ou son amputation sont légions dans les prédictions chimériques des prophètes, des gourous et des bateleurs de sectes. On trouve des ambiances oniriques de fin du monde depuis l’an 365, avec l’évêque Saint-Hilaire de Poitiers, jusqu’en l’an 2000 et son grand consensus final du millenium, en passant par la fin du calendrier maya, les spéculations du gourou Rael ou encore le 28 juillet 1999 fatidique du couturier fictionnel Paco Rabane (vision fumeuse de la chute de la station Mir sur Paris !). Le filon n’a pas fini de faire des émules et de faire vendre. « Vous ne saurez ni le jour, ni l’heure », avait déclaré Jésus-Christ, le plus habile de tous les couturiers-brodeurs, de tous les messies.

Les exégètes mayanistes ont beau assurer que l'idée de la « fin » du compte long des 5125 années du calendrier maya en 2012 est une mauvaise interprétation, ma concierge New Age et cinéphile n'en démord pas : le 21 décembre prochain sera le jour de son ultime mission dans le trou noir de l'escalier de service car il sonnera le glas cataclysmique.

La Terre n’entrera pas, non plus, en collision avec l’astéroïde géocroiseur annoncé par tant de mages mêlant l’occultisme et la pseudoscience. Cette Terre ayant engendré l’espèce humaine, la pression bimillénaire fait amplement l’affaire pour la rendre exsangue. Ce type d’astéroïde menaçant, d'environ 320 mètres de long pour une masse de 4600 tonnes, a été signalé par les astronomes, croisant par deux fois l'orbite terrestre à chacune de ses révolutions dans sa course autour du soleil. Si certains calculs prédisent que l'objet pourrait croiser l'orbite de la Terre en avril 2029 ou 2036, d’autres plus crédibles estiment la fréquence d’une telle collision à une tous les 170000 ans (Philip Bland de l’Imperial College, Londres, et Natalia Artemieva de l’Institute for Dynamics of Geospheres, Moscou). Dans l'hypothèse improbable où le télescopage se produirait, les conséquences seraient celles d’un incommensurable raz-de-marée (77 % de chances correspondant à la surface des mers) ou d’incalculables dégâts continentaux. L’impact de la conflagration dégagerait une énergie équivalant à 870 mégatonnes (la puissance de la bombe d’Hiroshima était de 15 kilotonnes), et la pluie des fragments dévasterait un vaste horizon.

 

Peur verte pour une Terre ronde

Même si elle peut s’assimiler à une punition déique, même si le pronostic rationnel rejoint ainsi la menace divine par le fait que nous en sommes responsables, fautifs, coupables, la fin annoncée de notre civilisation et de celles qu’elle va entraîner dans sa faillite, n’est pas un oracle, ne répond pas à une prophétie probabiliste et ne relève d’aucun messianisme, d’aucun présage de catastrophisme, même Vert. C’est un postulat scientifique qui tient compte d’études, de déductions, de probabilités étayées par des faits avérés, et dont l’occurrence présente une probabilité maximale. On ne rencontre plus d’ailleurs grand monde pour contredire les risques de l’issue fatale.

Cette fin du monde n’est pas une prédication d’affairistes et de faux prophètes, capteurs d’une peur irrationnelle. Elle ne comporte guère de planche de salut. Gesticulations, prières et incantations n’y feront rien. Si la confession et la contrition sont des pantomimes chrétiennes qui permettent de passer l’éponge pour mieux récidiver, la surchauffe écologique nous interpelle autrement en nous sermonnant sur notre absence d’éthique et notre déraison depuis… les Évangiles jusqu’à l’époque aggravante de notre sombre modernité. Le point de non-retour prévu d’ici quelques décades est inévitable et tous les efforts que nous pourrons dès maintenant déployer n’ont pour objectif que de gérer les restes pour retarder l’échéance. Une, deux, trois générations, au mieux ! Eh oui, la Terre n’est pas rechargeable et les écosystèmes ne sont pas reconstructibles.

 


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