La formule E=MC2 applicable à la philosophie ?

par Taverne
mardi 5 juillet 2016

Ce cher Albert ne mesurait pas toute la portée de son équation. La production d'énergie nucléaire, par exemple, ou la datation au carbone-14. Mais avait-il songé à une application philosophique ? Sans doute pas. Pourtant, les lois qui gouvernent l'Univers se retrouvent souvent dans le fonctionnement des corps vivants. Ceux-ci ont aussi une masse qui peut se transformer en énergie...

Rappel de la formule physique

Dans la formule E=mc2, E est l'énergie, m, la masse et c, la vitesse de la lumière dans le vide. En vertu de cette loi, un objet qui se déplace deux fois plus vite qu'un autre objet (de même masse) a une énergie quatre plus importante. On parle alors d'énergie cinétique, celle que produit un objet en mouvement. Elle est égale à la masse de cet objet multipliée par le carré de sa vitesse. Dans le cas de la rupture d'un atome, cette vitesse est celle de la lumière. Tout corps, si minime soit-il, contient des quantités prodigieuses d'énergie.

La vitesse de la lumière est une constante, car si vous transformez de la matière en énergie, cette dernière se déplacera à la vitesse de la lumière.

La masse est définie comme étant la quantité de matière qui compose un corps. Elle ne se confond pas avec la notion de poids, qui mesure la force de pesanteur, laquelle varie en fonction de la pesanteur du lieu où on se trouve. Tout comme l'énergie, une masse n'est ni créée ni détruite : elle se transforme. Ainsi, un glaçon, en fondant, passe à l'état liquide, mais la masse reste toujours la même.

La formule d'Einstein connaît des applications très utiles comme la datation des objets anciens par le carbone-14 : au bout d'un certain temps (demi-vie), toute substance radioactive perd la moitié de sa masse : c'est ce phénomène qui permet de dater.

Applicabilité en philosophie

Bien sûr, la formule n'est pas transposable telle qu'elle. Il faut l'adapter :

Les moteurs de l'agir : désir, confiance, volonté

- Le désir est le principe même de toute action humaine, il est l’énergie motrice de l’homme. Aristote fur le premier à de dire dans son Traité de l'âme : "il n'y a qu'un principe moteur : la faculté désirante").

- La volonté est la puissance qui actionne notre conduite (dont la direction et les buts sont fixés par la raison).

- Entre les deux, la confiance mobilise les ressources et les dirige.

L'équation E=mc2 fonctionnerait comme suit : l'Etre dans toute sa vitalité (E) est la masse des ressources mobilisée par la confiance, elle-même renforcée exponentiellement par le désir.

On pense traditionnellement, mais à tort selon moi, que c’est la volonté qui, le plus souvent, mobilise nos ressources. Je pense plutôt que c’est la confiance qui joue le rôle habituel de mobilisatrice, la volonté et le désir n’entrant en jeu que si la confiance faiblit ou fait défaut. Ce qui nous fait un moteur à trois temps :

1er temps : la confiance, 2ème temps : le désir, 3ème temps : la volonté.

Résumé : le désir agit comme une énergie, la confiance mobilise et nous guide, la volonté actionne.

Le désir est multiplicateur

Par sa nature illimitée, le désir peut accroître de façon exponentielle la confiance. Il existe d’autres choses qui renforcent la confiance, mais qui ne sont pas multiplicateurs et infinis comme le désir :

- La confiance mêlée au sentiment devient l’amour. Mêlée à la croyance, elle devient la foi. L’amour et la foi sont des facteurs très mobilisateurs. La confiance forte alliée à une admiration sans limite peur conduire au fanatisme.

- La méfiance mêlée au sentiment de haine ne mobilise pas les ressources. Mais il s’agit là d’un épuisement destructeur. C’est ainsi que le bon sens populaire dit que la haine et la violence sont les armes du faible. C’est la marque des personnes pauvres en confiance (y compris en elles-mêmes) et en ressources (dont le désir).

La confiance peut compenser la faiblesse du désir et vice versa.

La volonté peur compenser la faiblesse du désir et de la confiance. Elle prend le relai momentanément mais elle n’est pas la solution durable parce qu’elle s’épuise assez vite, moins naturelle que le désir et la confiance, moins mobilisatrice aussi.

Comment différencier désir et confiance ?

Désir et confiance sont deux causes originelles, deux bases de deux dimensions distinctes et même parallèles. On a vu que la confiance était la base de la dimension (en trois triangles imbriqués : voir mon article sur la pyramide de Maslow) du bonheur. Le désir, lui, est le fondement de la dimension de la liberté. Il existe une passerelle qui relie ces deux dimensions parallèles par leur centre, c'est l’autonomie, qui est un chaînon commun aux deux dimensions.

Le désir est le résultat de la transformation humaine, par la prise de conscience, des pulsions et instincts. Il n’aime pas attendre et veut agir vite. C’est la flèche de Cupidon par exemple.

Deux formes de confiance 

- La confiance naturelle, qui est un don offert dans le ventre maternel et dans la petite enfance. Cette confiance est une trame, un tissu qui requiert un temps long pour s’élaborer et se renforcer. Sans confiance, l’être ne se développe pas ou meurt. Une fois solidifiée, la confiance donne de la consistance à l’être. Cette confiance naturelle, innée, voire prénatale, est très corporelle. En conséquence, le corps peut trahir sa faiblesse.

- La confiance qui résulte d’un apprentissage. L’enfant ne peut pas faire autrement que de faire confiance aux adultes, dont il dépend, parce qu’il n’a ni le savoir suffisant ni l’esprit critique suffisamment développé pour prendre son autonomie. Cette autonomie s’acquiert au travers de la crise de l’adolescence qui est aussi une crise de la confiance. C’est une tape normale où sévit l’esprit critique (même si celui-ci est excessif et peu nuancé).

La confiance est affaire d’éducation. Quand on manque de confiance en soi, on donne sa confiance à n’importe qui. Cela peut être le cas pour des jeunes sans repères ou momentanément déboussolés. Il faut avoir assez confiance en soi pour ne pas avoir à trop s’en remettre aux autres, confiance en soi pour juger si les autres sont fiables.

Confiance bien gérée ne se laisse pas abuser.

La confiance est don et abandon (de soi)

Mais cela ne fait pas l’affaire de notre société, fondée sur la marchandisation, qui rejette le don. La société de consommation favorise aussi le désir au détriment de la confiance, car le désir fait vendre. On a vu comment la pyramide de Maslow, qui recense les besoins et les motivations de l’homme moderne, n’a pas retenu la confiance ni comme besoin, ni comme motivation. Il n’existe plus beaucoup de communautés sociales où la confiance domine le désir et où, par exemple, on peut laisser sa porte ouverte et les clés sur sa voiture.

Qu’avons-nous fait de la confiance ?

La politique instrumentalise les deux. Quelques slogans pris en exemple permettent de montrer ce qui relève du désir et ce qui relève de la confiance : 

- Confiance : « je vous ai compris » ! » signifie en réalité « ayez confiance ! ». Même sens pour le slogan de la première campagne d’Obama, « Yes, we can ! »

- Désir : « tout devient possible » (désir)

- Synthèse des deux : « la force tranquille » : le désir en toute confiance.

La confiance donne de la force, ce qui est beaucoup moins le cas du désir. Quand Nietzsche écrit « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort », ce ne sont pas les épreuves qui l’accablent qui le renforcent mais bien la confiance dans sa conviction que les épreuves le renforcent. L’expression « l’union fait la force » rappelle que la confiance commune vient à bout de tout.

La confiance peut mobiliser au-delà de nos ressources, en cas de confiance de groupe. Cela s'appelle de la synergie : la confiance qui cimente le groupe est telle qu'elle crée un phénomène cumulé qui va jouer un rôle multiplicateur d’effet positifs.

On le voit, le désir et la confiance peuvent élever exponentiellement l'usage de nos ressources intérieures et produire l'énergie vital de l'Etre. Alors, la formule physique E=mc2 est-elle aplicable à l'Etre ? La question méritait d'être posée.

 


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