La fourmi, contrairement à la cigale, avait un plan. Et la France, a-t-elle un plan ?

par Breton8329
lundi 7 décembre 2015

La France est-elle encore un acteur de la scène internationale ou seulement un théatre ? L'absence de futur offert par les politiques aux citoyens et les incohérences entre un discours officiel qui ne repose plus sur des bases factuelles font trembler les fondations de l'Etat (un peuple, un territoire, un gouvernement, une souveraineté) et le laisse piétiner par des acteurs internationaux qui poursuivent leurs objectifs propres. La population française doit se définir un avenir et se donner les moyens de l'atteindre si elle ne veut pas que la France devienne insignifiante

« La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force », mais le terrorisme, c’est quoi ? Voilà une question que n’aurait pas renié George Orwell. Étymologiquement, « le terrorisme est un ensemble d'actes de violence commis par une organisation pour créer un climat d'insécurité »[1]. Contrairement à ce qui se dit parfois, le terme n’est pas un mode d’action puisqu’il ne dit rien de la façon de procéder. Le bombardement stratégique aussi bien que la guérilla peuvent constituer une forme de terrorisme. Le mot est construit sur l’effet escompté, sur la terreur qui se crée dans la population du fait d’une action, d’une information, d’un mythe ou d’une idée relayée par les amplificateurs que sont les médias, au sens très large, car les politiques peuvent y contribuer. Le terrorisme est davantage un « effet espéré » qu’un « mode d’action » comme le bombardement, le débarquement ou l’invasion. Voilà pour la définition du mot terrorisme mais qu’en avons-nous fait dans notre monde orwellien ? Pourquoi le terrorisme est-il traité comme une idéologie [2] ? Il y a là un saut entre l’effet recherché et l’idéologie c’est-à-dire entre l’effet et l’objectif alors que les deux ne sont pas du tout au même niveau. Le terrorisme n’est qu’une étape vers un objectif. Une question intéressante est la raison pour laquelle les autorités préfèrent combattre un « effet » plutôt qu’une organisation ou une idéologie ? Il y a eu 351 fusillades de masse aux USA en 2015 mais une seule relève officiellement du terrorisme (celle de San Bernardino le 2 décembre 2015). Cette situation interroge mais je n’essaierai pas d’y répondre ici.

En planification militaire, c’est la succession des effets qui permet d’atteindre les « conditions décisives » et in fine, d’atteindre l’objectif (voir schéma). Le maniement des effets présente toujours un risque car certains effets peuvent se retourner contre leurs créateurs. Un exemple historique est l’incendie du Reichstag en 1933, par un communiste mal inspiré[3]. L’effet escompté devait certainement apporter quelque chose à la cause des communistes, tout au moins dans la planification bancale établie par son auteur. Mais cet effet a été intégré dans le plan des nazis : ils l’ont utilisé pour faire basculer une de leurs « condition décisive », ce qui leur a permis in fine de suspendre les libertés individuelles (condition décisive1) et d’interdire le parti communiste (condition décisive2), vers l’instauration d’un IIIème Reich (effet final recherché).

Modèle de planification

Parfois, l’effet exploitable ne se présente pas spontanément et les planificateurs peuvent être tentés de le créer, en faisant en sorte qu’il semble s’insérer dans la planification de l’ennemi alors même qu’il relève des effets recherchés par quelqu’un d’autre. Ce sont les « false flag » dont se sont emparés les « conspirationnistes » qui établissent bien souvent un lien audacieux entre le bénéficiaire du crime et son auteur. Dans les faits, les organisateurs de certains attentats n’utilisent pas toujours des moyens complexes de planification et les effets qu’ils produisent peuvent leur échapper, voire profiter à leur ennemi. Quoi qu’il en soit, l’histoire atteste de l’existence de « false flag » (incident de Mukden en 1931, Operation Himmler en 1939, l’incident de Mainila en 1939…)[4]. D’autres actions de moindre envergure montrent la persistance de ce mode d’action dans la culture populaire (la fille du RER)[5]. S’agit-il d’un mode d’action généralisé ? vu le risque qu’il ferait courir à ses instigateurs dans un monde post-Snowden, on peut en douter. Il est tellement plus simple d’attendre la bêtise des adversaires pour l’exploiter, voire de l’inciter à distance. Ce type de cas a déjà été documenté[6].

Enfin, ce ne sont pas seulement les actions qui produisent des effets mais aussi leur environnement, les informations qui l’accompagnent. Ainsi, un attentat contre un avion prend une signification différente selon son origine. D’où parfois les incompréhensibles guerre de communication qui entoure parfois ces événements (toute ressemblance avec des événements récents serait évidemment purement fortuite).

Ainsi va le monde. La « finance mondialisée », si tant est que cette entité ait une existence, les Russes, les Américains, les Djihadistes, les arabes, les turcs, les chinois, les ukrainiens, tout le monde a un plan et s’appuie sur les événements qui émaillent le paysage informationnel mondial pour faire avancer leur cause, en créant des effets ou en modifiant leur perception, en s’appuyant sur des effets créés par d’autres. Mais pour avoir un plan, il faut un « état final recherché », des objectifs. Dans ce contexte, quel est le plan de l’Europe et de la France ? La France cherche-t-elle à établir le respect des droits de l’homme partout dans le monde ? La France, membre du conseil permanent du conseil de sécurité se bat elle pour le respect du droit international partout dans le monde afin de créer un monde plus juste, un monde dans lequel les faibles ne sont pas systématiquement oppressés par les forts ? La France veut-elle rester une nation souveraine ou souhaite elle mettre sa puissance Économique, militaire, culturelle, au profit d’autres États, d’autres entités ? Le développement économique de l’Europe est-il compatible avec l’alliance inconditionnelle qu’exige les États Unis ? L’Europe et la France doivent-ils être libre de choisir leurs alliés économiques ? Les réponses à ces questions importent finalement assez peu du moment qu’il s’agisse d’un choix collectif, national, si tant est que ce mot ait encore un sens, mais elle pourrait alimenter un débat politique, définir les lignes de partage entre les partis. Sans objectif, sans état final recherché, la France ne peut être que le théâtre d’effets qui profitent à d’autre, jusqu’à ce qu’elle ne représente plus rien et qu’elle tombe dans l’insignifiance historique. Est-ce un choix ou un non-choix ?

 

[1] Dictionnaire Larousse

[2] Système d'idées constituant un corps de doctrine philosophique et conditionnant le comportement individuel ou collectif. Voir Larousse.

[3] Marinus van der Lubbe, encore que certaines thèses soutiennent que l’incendie aurait été provoqué par les nazis.

[4] Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Fausse_banni%C3%A8re.

[5] Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Fille_du_RER.

[6] Voir Lorman Grigg, W, FBI “Terrorism Facilitators” At Work : Snitches, Stings And False Flags, Contra corner, 26 april 2014. Sur http://davidstockmanscontracorner.com/fbi-terrorism-facilitators-at-work-snitches-stings-and-false-flags/ .


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