Lors de son tout dernier meeting, Sarkozy, qui aura passé sa vie à dure des autres qu'il était lui-même, aura osé la formule « La gauche, au fond, n’aime plus la République ! » On l'a vu, on l'a entendu durant cette campagne, la pire au point de vue contenu jamais faite, utiliser les arguments empruntés à l'extrême droite. Cette dernière injure, car ça en est une, lui revient aujourd'hui comme un boomerang, car s'il y a bien dimanche soir quelque chose qui est sorti vainqueur des urnes, c'est bien cette République qui est la patrie des droits de l'homme, à savoir celle aussi du respect de la diversité de la société et non d'un enfermement du pouvoir au profit de quelques riches nantis et d'un racisme sous-jacent à certains propos ministériels. Ses voix-là, celles d'une droite arrogante et mal élevée façon Morano, on ne va (enfin) plus les entendre...
Les ténors de la droite ont déjà clamé dans les téléviseurs que c'était "grâce au FN" qu'Hollande avait été élu : or c'est faux. Les chiffres bruts montrent tout le contraire : le nouvel élu ne doit rien ou presque au parti de Marine LePen : seulement 14 % des suffrages contre 51 % puisés par Sarkozy ont porté sur sa candidature ! Les frontistes, au dernier moment, on préféré très nettement voter à droite... ou s'abstenir. Avec 2,13 millions de bulletins, soit 5,84% des 36,58 millions de votants, le vote blanc a-t-il été le fait des consignes de l'extrême droite ?Rien n'est moins sûr, car le taux est fort proche de celui de la confrontation Chirac-Jospin de 1995, qui tendrait à prouver que le FN n'est donc pas le seul à fabriquer un tel taux élevé de gens incapables de se décider entre deux candidats. Ni gauche ni droite, reste plusieurs possibilités et non une seule. Meilleur exemple encore, lors de la confrontation de 2002, entre Chirac et Le Pen, le score avait été aussi élevé : 5,38% : c'est donc tout autant le centre ou l'extrême gauche, cette fois-là qui avait montré une telle désaffection. Cette fois-ci, c'est le score des Bayrouïstes qui renforce l'idée comme quoi c'est bien une victoire de gauche nette et sans bavures : Hollande engrange certes 29% des votes du modem, mais c'est moins que ceux qui n'ont pas réussi à se décider (30%°) et beaucoup moins que ceux qui ont voté Sarkozy (41% !). Le modem n'a jamais été à gauche, et cette élection le démontre avec brio. Ne rien devoir à l'un et à l'autre, et surtout pas au FN, qui, une nouvelle fois placé au pied du mur à joué les faux jetons en votant pour la droite, met Hollande en position de force face à la droite.
C'est l'analyse des catégories sociales qui ont voté pour lui qui rassure : dans son discours, Hollande a salué la jeunesse a juste raison, car c'est elle qui l'a élu et c'est très rassurant,pour un pays. "L'analyse sociologique du vote montre que M. Hollande est en tête dans toutes les tranches d'âge, à l'exception des 60 ans et plus. Il est, là, largement distancé, avec seulement 41 % des voix. L'élection de M. Sarkozy en 2007 offrait un miroir inversé de cette situation : selon l'enquête de l'IFOP pour le Cevipof, il n'avait alors été devancé que chez 18-24ans, où il n'avait obtenu que 37 % des suffrages." Ce qui donnera automatiquement des effets en politique et en contenu médiatique : finies les interminables séquences de commande sur les petits vieux ayant peur de la jeunesse dans les journaux télévisées (oh, Pernaut sévira encore, hélas !) : la paranoia sécuritaire va enfin faire place à un contenu plus équilibré, le pouvoir y veillera, je pense, de façon à compenser les dix années précédentes de fabrication du mythe de la jeunesse qui ne fait rien et ne penserait qu'à s'en prendre aux personnes âgées. A mon âge, justement, je supporte toujours aussi peu les gens de ma génération qui ne veulent toujours pas se rendre compte que leur temps est passé, et que ce qui constitue la valeur d'un pays est sa jeunesse. Hollande a entièrement raison de lui redonner sa chance.
De même qu'au lendemain même de l'élection, le FN revenait déjà dans les journaux télévisés ou dans la radio pour à nouveau stigmatiser les étrangers, en sortant par la bouche du compagnon de Marine LePen un couplet sur les "drapeaux" autres que bleu-blanc-rouge qui ont été vus à la fête de la Bastille. Un journaliste astucieux balançant aussitôt à Aliot, sur France-Info, qu'il avait vu le leader frontiste lui-même arborer d'autres couleurs lors de sa propre élection : celles de sa région ! Ah, qu'il est bon de se réveiller le lendemain d'un élection fêtée avec un tel mouchage de nez : il est temps, en effet de rappeler que la France existe dans un monde, et qu'elle cesse de se replier là où la campagne de Sarkozy a voulu la mener, sinon la faire descendre. Le repli nationaliste, dimanche soir a été écrarté. Oui, il y a avait d'autres drapeaux de présents, et c'était plutôt un gage rassurant de diversité et d'internationalité que la preuve d'un manque de patriotisme !
C'est donc davantage la personnalité de Nicolas Sarkozy qui a été sanctionnée, et particulièrement par ses soutiens du FN de 2007, qui lui avaient accordé en 2007 près de 70% de leurs suffrages, en croyant qu'il ne les décevrait pas. Cette fois-ci, ils se sont clairement... abstenus, et ont donc plutôt bien suivi les consignes de vote données par Marine LePen, puisque 35% des frontistes ont voté blanc ou nul. C'est à la fois rassurant pour la direction du FN qui démontre ainsi qu'il tient ses troupes, réputées très volages, mais c'est aussi le plus bel avertissement donné à celles de Nicolas Sarkozy, dont la dérive droitière de fin de campagne aura poussé son parti aux pires excès de langage. Très tôt, dimanche soir, un individu a été désigné du doigt à juste raison par les membres même du parti préidentiel, et non des moindres.
"La stratégie mise en place par Patrick Buisson, conseiller controversé de Nicolas Sarkozy, est « un échec total », a déclaré dimanche le secrétaire national de l’UMP chargé de la presse et des médias, David-Xavier Weiss. « Le centre de gravité de l’UMP sera recentré, les stratégies plus que droitières animées notamment par Patrick Buisson se sont avérées un échec total », déclare-t-il dans un communiqué. « C’est surtout à M. Buisson que nous devons la défaite de la droite par le refus de toute ouverture voire de tout débat sur les sujets de société comme le mariage gay, le droit de vote des étrangers aux élections locales ou encore l’euthanasie », accuse-t-il" a-t-on pu lire. Même l'ancien Gudiste Patrick Devedjian, hier soir, n'avait pas eu de mots assez durs pour montrer du doigt un responsable tout désigné : "Dans la famille Buisson, je préfère Ferdinand", a également dit M. Devedjian, faisant référence à Patrick Buisson, le conseiller controversé de Nicolas Sarkozy. Ferdinand Buisson (1841-1932) est un homme politique français, cofondateur et président de la Ligue des droits de l'homme... Terrible coup de poignard asséné à celui qui a trop parlé à l'oreille de Sarkozy ces dernières semaines. Plusieurs voix l'avaient affirmé ici-même, y compris la mienne, dans un texte pour lesquels les services de l'Elysée étaient intervenus pour modifier le contenu, dont en particulier la très étonnante couverture d'un livre de Patrick Buisson paru en format poche, montrant un soldat allemand en train de flirter avec une française : le livre est encore actuellement en vente, mais il semblait que durant la campagne, il ne devait pas être montré : étrange procédé. Résultat, aujourd'hui je vous la re-propose, telle que je l'avais incluse dans mon texte d'origine. Le grand Desproges avait parfaitement résumé le contenu du journal Minute dans lequel avait officié Patrick Buisson...
Car c'est bien cela qui aura "planté" en définitive "l'homme qui mentait à perpète". Sa capacité à faire sienne les pires idées, et donc aussi de mentir, dans le seul but de gagner : oui, Nicolas Sarkozy s'était abaissé à ça, comme il avait abaissé la fonction présidentielle pendant cinq longues années. Dernièrement, ce gros problème de style présidentiel avait été résumé avec talent par le journaliste Hervé Gattegno, éditorialiste dans des médias pourtant réputés de droite (l’hebdo Le Point, la radio RMC). “Nicolas Sarkozy était censé dépoussiérer la présidence, il l’a dévaluée. Ce qui a marqué son mandat, ce sont ses écarts de langage et de conduite, un certain relâchement des mœurs présidentielles, une fascination décomplexée de l’argent, jusqu’à la provocation. Et puis, la surexposition des émotions, des sentiments, des bonheurs et des déboires conjugaux. Il est devenu un Président de téléréalité, un mélange bizarre d’homme ordinaire et de vedette médiatique, dont la vie quotidienne serait un spectacle permanent. Il ne faut pas s’étonner si, à la fin, le public l’élimine comme un vulgaire candidat de la Star Ac.”
Hier soir, celui qui avait été jusqu'à s'avouer à la dernière minute être fidèle téléspectateur de The Voice dans le seul espoir de draguer cette jeunesse qu'il n'aimait pas, s'est retrouvé avec le carton "out" devant le nez. Il était temps : le premier travail de François Hollande, au delà de tout ce qu'il y a faire, sera de rendre une dignité perdue et bafouée à la fonction présidentielle. Cela faisait cinq ans que j'avais honte d'avoir un tel représentant pour mon pays. Même sa dernière photo sera significative : cet homme n'a jamais réussi à possèder une allure présidentielle. Même simplement en marchant, il ne "faisait" pas président. Il ne l'aura jamais été, dans l'esprit comme dans la lettre. Il n'a jamais réussi à prendre conscience que d'assumer ce rôle, ce n'est pas comme monter sur scène et d'aller faire tourner des ballons sur son nez. L'Elysée, avec lui, était devenue l'annexe de Medrano. Hier, en quittant la scène, il avait déjà repris sa démarche de bateleur : il n'aura jamais eu celle d'un président.