La France croit-elle encore au multilatéralisme ?

par Fatah
vendredi 21 septembre 2007

La diplomatie française semble amorcer un virage diplomatique dans la crise iranienne. Elle rejoint l’approche de Washington, qui consiste à soutenir l’ONU tant que cette dernière sanctionne l’Iran. Mais quand il existe un risque que de nouvelles sanctions soit rejetées, il n’est plus question de Nations unies.

Sous l’impulsion de la France, l’Union européenne s’interroge actuellement sur l’adoption éventuelle de sanctions supplémentaires, hors du cadre de l’ONU, contre l’Iran, qui refuse de cesser d’enrichir de l’uranium.

Je ne reviendrai pas ici sur les intentions de l’Etat iranien concernant ses activités nucléaires. Chacun a un avis différent concernant cette question. Pour certains, l’Iran ne cherche pas à se doter de l’arme nucléaire et est victime d’un complot occidental visant à l’empêcher d’accéder à tout progrès. Pour d’autres, l’Iran est dirigé par un dangereux illuminé qui n’a qu’un seul but, provoquer un holocauste nucléaire dans la région. Et il y a encore quantités d’autres avis différents.

Mais au-delà de ce débat, ce que je trouve inquiétant, c’est ce projet de sanctions hors du cadre de l’ONU, qui plus est porté par la France.
Il y a encore quelques mois, notre pays était le premier défenseur du rôle de cette organisation. Lors de la crise irakienne en 2003, la diplomatie française s’est illustrée en promouvant une approche multilatérale du problème, à travers l’ONU.


Les Français n’ont cessé de dénoncer toute approche unilatérale des sujets brûlants de la planète, en visant implicitement les Etats-Unis évidemment.

Aujourd’hui, assiste-t-on à un virage diplomatique de la part de la France ?
La réponse semble être positive, et les dernières déclarations d’officiels français tendent à renforcer cette hypothèse (Bernard Kouchner a confirmé que Paris plaidait pour que les 27 prennent des sanctions économiques contre Téhéran en dehors du cadre des Nations unies).

Mais pourquoi ce virage ?
Il existe déjà des sanctions de l’ONU contre l’Iran, mais apparemment les Français (ainsi que les Américains et Britanniques, entre autres) ne les trouvent pas assez efficaces. Seulement, ces derniers n’ont pas proposé un autre train de sanctions de l’ONU contre l’Iran, car cette option se heurte à la crainte que la Russie et la Chine ne s’y opposent.
L’ONU ne serait donc qu’une simple chambre d’enregistrement pour certains pays occidentaux. Ou bien cette organisation vote les sanctions, et dans ce cas là elle trouve grâce aux yeux de ces derniers, ou bien il y a un risque de veto de la part de certains de ses membres permanents, et là, l’ONU est jugée inefficace et il faut alors passer outre.

Mais en agissant de la sorte, ces pays tendent à lancer un message aux autres pays de ce type : "Nous agirons comme nous l’entendrons, suivez-nous, et cela se fera dans le cadre de l’ONU, ne soyez pas d’accord, et nous agirons en dehors de l’ONU".
Il ne faut pas se leurrer, le résultat est le même. L’exemple de l’Irak l’a prouvé, avec ou sans l’ONU, les Américains sont partis en guerre. Mais à une différence près, leur guerre n’était pas "légitime", si tant est qu’on peut définir une guerre approuvé par l’ONU comme légitime.

Le problème posé en Iran ne doit pas être considéré comme un différend entre l’Iran et les Occidentaux. On peut le voir soit comme un problème régional et, dans ce cas, il doit être réglé entre les pays de la région, soit comme un problème mondial, mais dans ce cas-là, l’avis de tout les pays doit pouvoir être pris en compte. Et si, après débat à l’ONU, il s’avère que des sanctions ne sont pas adoptées, alors il faut l’accepter et cesser de vouloir imposer ses desideratas.

D’autant plus que d’autre pays européens, comme l’Italie ou l’Espagne, sont plus réticents à quitter le cadre onusien pour rejoindre cette position plus atlantiste.

Si ce tournant dans la diplomatie française se confirmait, l’ONU n’en serait que plus décrédibilisé, si tant est qu’il lui reste un peu de crédibilité. De plus, l’Europe irait vers une nouvelle et douloureuse fracture, à l’image de celle de 2003, encore dans les mémoires.

Il est dommage que la France, chantre du multilatéralisme, participe à cette réduction du rôle de l’ONU dans les affaires mondiales, ce qui, à n’en pas douter, n’est pas pour déplaire à Washington.


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