La France, pénitente impénitente
par siatom
mercredi 30 janvier 2013
L’on reproche souvent à la France d’être à la traîne dans de nombreux domaines, les lister serait fastidieux, citons en quelques-uns néanmoins pris au hasard de mes lectures erratiques dans la presse : le harcèlement moral et sexuel au travail, la lecture à l’école, le numérique, l’exploitation du gaz de schiste, le recyclage du plastique, la fiscalité écologique, l’emploi des seniors, celui des jeunes, le droit de vote des étrangers, le mariage gay etc.
Heureusement pour ces deux derniers, l’hexagone sous la houlette d’un Masterchef de guerre dopé à la testostérone et à l’hormone de croissance sociétale, notre pays rejoindra le peloton de tête des nations modernes et civilisées.
Rien qu’en écrivant cette liste pourtant non exhaustive, j’ai le bourdon et une terrible envie de prendre un passeport islandais ou guatémaltèque, vite calmée par la prise immédiate de deux ‘’temesta’’ou plutôt de lorazepam, déficit de la sécu oblige.
Heureusement, et c’est une information exclusive de M6, la France a un incroyable talent, pour stopper cette spirale infernale de la mésestime de soi qui nous assaille, elle nous annonce que nous excellons dans deux spécialités exclusivement hexagonales : la prise massive d’anxiolytiques et la production compulsive de lois mémorielles.
Comme dans le paradoxe de l’œuf et de la poule, je me garderai bien de trancher entre la fringale de molécules déstressantes et la boulimie législative, pour savoir laquelle a devancé l’autre, et j’attends impatiemment les travaux des frères Bogdanoff sur l’étude de ce cercle vicieux.
En attendant, notre pays se répand en excuses, bat sa coulpe, s’agenouille à s’en user les rotules, se flagelle comme ces groupes de chrétiens au moyen âge, fait acte de contrition, pénitence, en un mot se repent, avant peut être que de se pendre pour une ultime érection nationale.
N’en déplaise à l’ami Georges Brassens mort avant la découverte du viagra, la bandaison, ça se commande papa, en même temps que la pendaison dont elle est en quelque sorte le bonus.
Il est ironique de constater que ce pays qui érige la laïcité au rang de valeur fondatrice se met à conjuguer la repentance à tous les temps, notion religieuse et surtout chrétienne, qui ne s’applique qu’à l’auteur d’un acte qu’il se reproche à lui-même, et dont on se demande ce qu’elle vient faire dans le discours politique.
Devons nous endosser sur nos fragiles colonnes vertébrales lordosées, cyphosées et parfois même scoliosées les crimes et turpitudes de nos ancêtres colonisateurs et esclavagistes et nous étonner en même temps que le mal de dos soit le mal du siècle ?
Dans un article intitulé ‘’La Colonisation en mauvaise mémoire’’ l’historien Jean Pierre Roux écrit « Le mal n’est pas une maladie collectivement transmissible et le passé n’est pas une fatalité » et j’ajouterai que juger des actes passés à l’aune de nos valeurs actuelles me semble être un anachronisme.
La France farouchement laïque, vigilante sur le moindre signe ostentatoire de religiosité, est-elle redevenue la fille ainée de l’église, celle qui a mal tourné et qui en vieillissant est prise de bouffées délirantes mystiques et de pratiques pénitentielles ? En quelque sorte une pénitente impénitente.
Notre pays, génial inventeur, entre autres, du Minitel, du Concorde, des avions-renifleurs et qui innove encore avec les lois mémorielles semble avoir du mal avec cette dernière comme avec les précédentes à convaincre le monde entier de la pertinence de ses fulgurances créatrices.
Sans chercher dans l’antiquité, sans invoquer les Spartes et les Ilotes, entend-on les Arabes exprimer des remords sur la traite Orientale, et les Africains sur la traite intra-africaine ? Les Turcs ne veulent pas reconnaitre le génocide arménien, qu’à cela ne tienne, nos députés, sous la pression de l’exécutif, s’en chargent avec des arrières pensées électoralistes, quitte à se faire retoquer ensuite par le Conseil constitutionnel.
Et, probablement pour susciter une concurrence victimaire qui ne demande qu’à s’exprimer, elle tente comme une vulgaire entreprise, de diversifier sa clientèle de potentiels électeurs : les juifs, les noirs, les arabes, les arméniens.
Mais le chantier n’est pas fini, la boulimie législative se repaîtra peut-être un jour de la terrible répression de l’insurrection vendéenne, génocide ou populicide, le débat se poursuit, pour l’instant entre historiens.
Mais en même temps que j’écrivais ces lignes, une brève sur un journal du net m’informait que deux députés dont Marion Maréchal Le Pen proposait un projet de loi sur le ‘’génocide vendéen’’.
L’appétit pantagruélique des législateurs finira par ingurgiter toute la recherche historique devenue vaine. La vérité étatique supplantera définitivement la vérité historique, le ‘’génocide’’ des historiens est en marche.
Je n’aurai garde, pour ne pas avoir l’air de trier dans la souffrance, d’oublier la féroce répression du catharisme et même pour faire bonne mesure et par tropisme celte, de la langue Bretonne prohibée à l’école au même titre que le crachat et l’interdiction d’introduire dans ses oreilles le bout d’un porte-plume.
Je me désole par avance pour toutes les afflictions, douleurs, coliques, individuelles et collectives que je n’ai pu aborder faute de temps et de connaissances dans ce billet et de celles que je ne manquerai pas de provoquer chez certains de mes lecteurs.
Et si je ne me repens pas de mes fautes d’orthographe, de ma syntaxe approximative, de ma pensée dèstructurée, c’est tout simplement parce que je ne m’en rends pas compte.
Aussi, je suis allé chercher, en guise de caution intellectuelle, de prothèse cérébrale, cette citation d’Albert Camus « Il est bon qu'une nation soit assez forte de tradition et d'honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs. Mais elle ne doit pas oublier les raisons qu'elle peut avoir encore de s'estimer elle-même. Il est dangereux en tout cas de lui demander de s'avouer seule coupable, et de la vouer à une pénitence perpétuelle. »