La France va dans le mur en 2012, mais à droite ou à gauche ? Les électeurs choisiront

par Bernard Dugué
mardi 10 janvier 2012

Un porte-parole du PS a dit qu’il fallait un GPS pour suivre François Bayrou. Un ministre de l’MP a déclaré que François Hollande est dans l’esquive. Ministre un peu faible sur ce coup car un génial jeu de mots était possible. Sarkozy dans l’esquisse, Hollande dans l’esquive ! Du côté du PS, le pilonnage du bilan présidentiel a commencé. Ce qui ne plaît pas à François Fillon, lequel accuse le candidat du PS d’infantiliser les électeurs en jouant la dramatisation de la situation. Le premier ministre est quand même culotté, lui qui avait déclaré la France en faillite il y a quelques années. De talk en interviews, de radios en télévisions, nous serons servis par la multitude des petites phrases de campagne et par respect pour le lecteur, je ne vais pas en ajouter sur ces invectives et autres mots doux échangés de part et d’autres comme si l’élection se déroulait à l’image d’une guerre des boutons. Le style étrange de cette campagne officiellement commencée est un signe de l’époque actuelle. Sur les ondes d’Inter, Claude Lelouch s’est fendu d’une remarque fort pertinente. Il y a quarante ans, on pleurait et on riait. Maintenant, on pleurniche et on ricane. Et ce constat va très bien avec cette année 2012 où, les visions d’avenir faisant défaut, les fantassins de l’élection échangent des avis sur le style ou le caractère des candidats. Hollande est jugé comme indécis, mou, vague. Sarkozy est parfait dans le rôle de l’agité, du fébrile et du méchant au service des riches. C’est Babar contre Astérix. Le style infantile a supplanté un certain sérieux qu’on pouvait entendre dans les temps anciens. On n’imagine pas le Chirac des années 1980 traité de Panoramix et Mitterrand dépeint comme un Goldorak de cirque politicien. Cette décadence de la politique marque bien l’épuisement d’une époque.

 

La mécanique du progrès est enrayée et la société n’est plus le levier des émancipations et autres espérances en un monde meilleur. A la limite, la société devient un fardeau. Ou du moins certaines catégories qui sont montrées du doigt, comme ces jeunes jugés comme une menace, perçus comme une horde d’alcoolisés en puissance squattant les réseaux sociaux et les places publiques, prêts à tous les mauvais coups. Les bénéficiaires de la solidarité nationale sont pris pour des assistés fainéants. La dette, les comptes sociaux, que de fardeaux lourds à porter sans oublier la dépendance et la hantise du papy boom qui risque de se transformer en génération parkinson et alzheimer. Et ces banlieues avec ses caïds et ses zones délabrées de non droit. Souhaitons bonne chance à François Hollande qui veut faire renaître le rêve français dans un pays pétri d’angoisses alors que les individus tendent à se replier. L’état détérioré de la France s’explique par des facteurs multiples. Epuisement du progrès, manque de stratégie, corruption et incompétence des gestionnaires, avec comme exemple SeaFrance. Des choix contestables. Deux milliards d’euros, tel serait le coût de la LGV sur le tronçon des Pyrénées pour gagner un quart d’heure entre Paris et Biarritz. Même si Sarkozy se présente comme le sauveur de SeaFrance en bricolant un plan avec l’appui de la SNCF, les licenciements ne peuvent être masqués. Petroplus au bord de la faillite, plans chez Peugeot, dans les grandes banques et d’autres établissements financiers. PME en difficultés. Petits commerces qui ferment. Et les affaires qui continuent.

 

Le style de cette campagne 2012 dévoile un marasme que les brillants illusionnistes médiatiques tentent de masquer. Le citoyen éclairé n’est pas dupe de toutes ces gesticulations. Ce pouvoir qui bricole et improvise, de taxe Tobin en TVA sociale, quitte à renier ses fondamentaux sur lesquels il a été élu. Notamment cette taxe Tobin qui était considérée comme une absurdité en 2000 mais qui bénéficie d’un retour en grâce en 2012. Le style de l’époque est maladif comme ces étiquettes de l’impact carbone placés sur les produits de consommation. Ces bureaucrates de l’écologisme sont des cons et la connerie est aussi un marqueur de déclin et de fin d’époque. Les Américains peuvent être rassuré, l’Europe technocrate se tire une balle dans le pied d’argile. Le psychisme défaillant commande les individus en les amenant vers une rationalité bestiale. Les énervés se retrouvent dans la police mais aussi les journalistes coupant la parole de leur interlocuteurs pour leur faire avouer quelque scoop au risque de transformer le plateau en confessionnal ou en garde-à-vue. Les médias sacrifient également à la maladie du chiffre, chronométrant les temps de paroles comme s’il fallait tout mesurer et afficher, de l’impact carbone à l’équité chronométrique dans la campagne. Quand le fond s’effondre, les formes envahissent la surface. On comprend bien que la France n’a plus les finances pour mener des projets d’avenir. Fillon nous prépare déjà à de prochaines restrictions sous la menace du triple A perdu et c’est le sauve-qui-peut généralisé dans les entreprises. Les effets de forme et styles occupent les débats dans cette campagne dont le vide et l’insignifiant n’ont jamais été aussi présents.

 

Malgré des convictions de gauche inébranlables et toute la sympathie que je peux éprouver à l’égard de François Hollande, je pourrais voter blanc car je ne peux pas signer un chèque en blanc ni m’empêcher de trouver le candidat socialiste pathétique dans ses mises en scène et notamment celle de la commémoration du sacre de Mitterrand qui ne restera pas dans l’Histoire comme un coup de Jarnac exécuté par Hollande. Pathétique aussi, le président Sarkozy, fébrile et ne sachant plus où donner de la tête et de la réforme pour rattraper un mandat au bilan misérable et pour reprendre l’avis le Luc Ferry, au bilan très mince. Le déroulement de cette campagne est un signe d’un mal de civilisation plus profond que les effets objectivés de la crise financière et sociale. Cet avènement du déclin et de la fin d’une civilisation ne peut être analysé en termes uniquement politiques et donc ne peut être résolu par des mesures politiques. En 2012, je ne suis plus disposé à jouer le jeu de la campagne comme en 2007. La France va dans le mur et je ne suis même pas certain de manière la plus salutaire de la conduire dans ce mur. L’élection de 2012 est en phase avec l’époque du mur. Faute d’espérance on se contente d’un jeu. J’exprime ma compassion à l’égard de ceux qui continuent à s'illusionner et croire dans l'élection de 2012 et je témoigne mon admiration à ceux qui restent combatifs en étant conscients de l’impasse historique vers laquelle nous nous dirigeons. Le système tiendra mais dans quel état, nous le saurons dans les prochaines années. Ce qui ne dispense pas la philosophie de comprendre cette fin de civilisation. 



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