La grande illusion de la science et l’idéologie modernes

par Bernard Dugué
lundi 19 septembre 2016

Comprendre le monde, la nature, le cosmos, les hommes. C’était l’objectif que s’était fixé Platon. Au final, il s’est avéré que le monde sensible était un théâtre d’ombres, une sorte de voile agité par les vents mauvais de la matière aurait dit Plotin. Pour accéder au vrai monde, l’âme doit sortir de la caverne afin d’accéder au monde intelligible. Cette allégorie est devenue célèbre grâce aux enseignements de philosophie en classes terminales. Elle n’est plus prise au sérieux depuis quelques siècles. Les scientifiques ont offert à la compréhension un monde exact qui a été présenté comme monde vrai par d’imprudents philosophes de comptoir, mais avec les réserves et la fausse humilité du progressisme car les théories scientifiques ne sont jamais définitives. La science moderne est prise comme un discours de vérité provisoire dont la durée de validité est indéterminée. Mais ce qui suscite une adhésion sans faille à la science, c’est son efficacité à produire des systèmes artificiels, machines, computers, communications numériques ainsi que des applications dans la médecine.

L’autre intérêt de la science, c’est qu’elle livre une compréhension de la nature. Gonseth avait suggéré que la science moderne nous place face deux horizons de connaissance, l’un apparent, l’autre profond. Bien évidemment, ces horizons ne sont pas fixes et se déplacent avec l’accumulation des savoirs. Mais ce qu’il faut retenir du propos de Gonseth, c’est que l’horizon profond se dévoile par un approfondissement de l’horizon apparent. Ou pour le dire autrement, l’horizon profond n’est pas directement accessible mais ses éléments laissent quelques traces dans l’horizon apparent sous forme d’expériences (matérialisées). Si la nature est ainsi faite, la profondeur et l’explication des choses se présente comme une énigme dont les indices multiples se trouvent dans les données expérimentales et les modèles ou formalisme qui les ordonnent en établissant quelques règles auxquelles obéissent les phénomènes.

Des tonnes de manuels pour étudiants ou de livres pour public instruit nous enseignent de quoi est fait le monde et comment il fonctionne. Hélas, ces récits et descriptions ne sont pas en accord avec l’horizon profond. Les recensions naturalistes sont toutes des fictions formelles. Il y a une différence ontologique entre les deux horizons et la science moderne ignore cette différence. Du coup, tout ces savoirs exposés dans les livres s’effondrent comme si le sol assuré de la modernité se dérobait alors qu’un facétieux savant sur les épaules des géants nous susurrait « accroche-toi au pinceau, j’enlève l’échelle ». Que sont ces fictions scientifiques ? Elles sont nombreuses et dans toutes les disciplines. La géométrie relativiste de la gravité est une fiction et n’a pas de sens physique. Les interprétations de thermodynamique sont incomplètes et passent à côté du réel. J’avais quelque confiance dans la mécanique quantique et je me suis aperçu qu’il fallait tout revoir et que les physiciens du 20ème siècle ont contourné le message profond livré par la dynamique quantique. L’évolution conçue avec les principes de Darwin passe à côté de l’essence du vivant. Les modèles matérialistes de la conscience sont dans une impasse. Des milliards vont être dépensés en vain par les Etats-Unis et l’Europe pour une conquête qui sera un échec, celle du cerveau. Si l’ère industrielle et scientiste des machines s’est achevée par la conquête de la lune en 1969, l’ère des computers et de l’information échouera vers 2020 face à la question de la conscience.

Drôle d’histoire que celle de la science qui a construit une caverne de fiction qui s’est effritée et nous laisse sans voie autre que la voie gnostique pour conquérir l’universel et l’essence de la nature. Je me sens en lévitation gnostique, les bases anciennes étant effondrées et les bases nouvelles loin d’être construites. Il ne me reste plus qu’à inventer la nouvelle science pour obtenir le salut.

Et du côté des sciences sociales et de la politique, même sentiment. Les idéologies n’ont plus cours et je suis consterné de voir comment les âmes instruites se vautrent dans les lubies politiciennes d’un autre âge et les fantasmes durables pour un âge fébrile et sans saveur qui s’annonce. La politique telle qu’elle est construite, toutes formations confondues, ne peut pas fonctionner car elle est entachée des mêmes failles que la médecine moderne qui traite la maladie et non pas le patient. La politique veut résoudre des tas de problèmes en oubliant la vision globale de la société. C’est d’ailleurs le principe de l’idéologie réformiste louée naguère par Rocard et maintenant par Emmanuel Macron. Réformisme, libéralisme, écologisme, communisme, socialisme, nationalisme, aucune de ces idéologies ne convient à notre époque. Il faut inventer quelque chose de nouveau.

Le tableau final n’a rien de surprenant. Au sens de Platon, nous vivons dans une fiction artificielle avec les illusions produites par les artifices du numérique. C’est aussi le stade ultime de la société du spectacle héritée de Guy Debord. Le spectacle plus le numérique donne l’hyper-spectacle. Les âmes ont le cerveau bouffé par les prédateurs médiatiques du système qui en tirent profit alors que la déshérence idéologique gagne du terrain et que l’espace public est occupé par le désert culturel. Il n’est plus possible d’espérer dans la politique. On ne peut juste qu’attendre quelques corrections sociétales. On attend d’un politicien qu’il soit un bon réparateur, à l’instar du propriétaire d’un véhicule qui attend de trouver un bon garagiste.

Ce contexte d’ensemble, science, philosophie et société, conduit mon âme dans un état de lévitation transcendantale accompagné d’une docte perplexité. Même en flottant, mon esprit qui plane avec les effluves d’orgue sait s’y retrouver et se manifester dans la recherche et qui sait, bientôt un livre transversal assez exotique.

Dans le progressisme, je ne reconnais qu’une chose de vraie et authentique, le rock progressif !


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