La guerre du feu a bien eu lieu

par Clark Kent
mercredi 8 juin 2016

Jusqu’au début des années 1990, la thèse admise par la plupart des paléoanthropologues considérait que les sociétés dites « primitives » ou « préhistoriques » étaient pacifiques. Mais, dans tous les domaines des sciences humaines, l’idée dominante est régulièrement contestée par une nouvelle mode pendant une décennie ou deux, avant d’être elle-même remplacée par une nouvelle idée, ou par la première remise au goût du jour, et le mythe du « bon sauvage » cher à Rousseau est aujourd’hui mis à mal par une série d’études et de publications dont les auteurs adoptent tous un point de vue « néo-hobbesien » selon lequel ces sociétés étaient aussi violentes et guerrières que nos sociétés modernes.

Or, en Alsace, des fouilles récentes menées par une équipe de l'Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP) viennent confirmer cette thèse en mettant au jour les restes d'un massacre vieux de 6 000 ans : les squelettes de 10 personnes ont été découverts dans l'un des 300 anciens silos, utilisés pour stocker les céréales et d'autres aliments.

Ces individus du néolithique semblent avoir subi des morts violentes ; ils présentent de multiples blessures aux jambes, aux mains et aux crânes. La façon dont les corps ont été empilés les uns sur les autres suggère qu'ils ont été tués ensemble et jetés dans le silo sans ménagements ni rituels funéraires.

« Ils ont été exécutés très brutalement et ont reçu des coups violents, presque certainement assénés par une hache de pierre », a déclaré M. Philippe Lefranc, un spécialiste Inrap de cette période de la préhistoire. « Les squelettes de cinq adultes et un adolescent ont été trouvés ainsi que quatre armes. Les bras étaient probablement des trophées de guerre, comme ceux trouvés sur un site d'enfouissement à proximité de Bergheim en 2012. Les mutilations révèlent une société de "guerriers fanatisés », et les silos, intégrés dans un mur de défense évoquent « une époque troublée, une période d'insécurité".

 

En attendant le résultat de tests génétiques sur les os qui donneront plus d'informations sur les meurtres, l’hypothèse actuelle est qu’une tribu locale a dû affronter un groupe provenant de ce qu’est l’actuelle Ile-de-France : "Il semble qu'un raid guerrier mené par des gens du bassin parisien ait mal tourné pour les assaillants, et que les Alsaciens de l'époque les ont massacrés". Cependant, au bout du compte, ce sont les "Parisiens" qui ont eu le dernier mot, car la tribu locale semble avoir été supplantée par les nouveaux arrivants vers 4 200 avant JC, comme en témoignent les nouveaux rites funéraires, poteries et habitions.

Pour consoler les nostalgiques de l’état de nature bon, innocent et pur, caractéristique de l’homme avant qu’il ne soit corrompu par la société, on peut toujours penser que ces agriculteurs éleveurs avaient plus de points communs avec notre culture qu’avec celle des chasseurs cueilleurs. La préhistoire est suffisamment longue pour laisser la place à la nostalgie.


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