La Guerre n’est pas seulement l’affaire des puissances. L’histoire se répète, du temps de la décolonisation à la guerre en Ukraine

par Hamed
jeudi 29 juin 2023

Qu’en est-il de la guerre elle-même en Ukraine ? De l’armée russe qui a envahi l’Ukraine le 24 février 2022 ? Tout d’abord, avant de comprendre la guerre en Ukraine, il faut s'interroger sur ce qu’il y a de nouveau aujourd’hui, depuis la découverte de l’arme nucléaire ; les puissances ne cherchent plus à développer de grandes armées ; ce n’est plus comme les guerres avant 1945 où l’élément humain et l’armement conventionnel étaient déterminants.

L’Occident, par exemple, a opté pour l’OTAN, une organisation atlantique largement supervisée par les États-Unis, et les éléments forts ne sont pas les chars d’assaut fussent-ils les plus blindés, les plus perfectionnés, mais bien les arsenaux nucléaires, les armes nucléaires balistiques tactiques et stratégiques (ICBM) disposés partout et toujours plus proche des deux camps pour gagner de précieuses minutes de frappe contre une puissance nucléaire ennemie. Il en va de même pour l’autre camp adverse de disposer aussi de territoires les plus proches de l’ennemi pour frapper ou riposter dans les minutes qui suivent à l’attaque nucléaire ennemie.

Mais, avec les sous-marins nucléaires qui se cachent pendant des mois sous l’eau et ne sont pas détectés, et dotés d’armes nucléaires tactiques, peuvent aussi frapper les cibles ennemies (bases militaires, lieu de déploiement des forces armées, villes, etc.) dans les minutes où ils reçoivent l’ordre de procéder aux tirs missiles. Il en va de même pour les avions porteurs d’armes nucléaires qui patrouillent jour et nuit dans les zones internationales, eux aussi prêts à déclencher le feu nucléaire.

Une situation complètement nouvelle pour les grandes puissances contrairement aux autres pays d’Asie et d’Afrique qui sont encore dans les organisations militaires passées, obligés de disposer d’armées où l’élément humain avec l’armement conventionnel est primordial pour leur défense nationale. A la fois pour prémunir ces jeunes États contre la déstabilisation issue de forces extérieures et contre les troubles internes.

Ce qui explique, pour dire qu’aucune puissance, avec la dissuasion nucléaire, et l’horreur apocalyptique que provoquerait une guerre nucléaire, à l’image de ce qui s’est passé à Hiroshima et Nagasaki, deux villes japonaises rasées en quelques secondes, le 6 et 9 août 1945, ne voudrait s’auto-suicider. Et c’est la raison pour laquelle les puissances sachant qu’elles ne peuvent être attaquées par des pays nouvellement indépendants d’Afrique et d’Asie, le seul danger ne peut provenir que des puissances nucléaires du camp adverse. Le nombre de chars n’ayant plus d’importance comme naguère est fortement revenu à la baisse.

En 1945, l’Union soviétique avait 25 000 chars. Aux États-Unis, « Le président Roosevelt déclare, le 6 janvier 1942, dans son message annuel au Congrès sur l’Etat de l’union, que des plans ont étés mis en place pour la coopération entre les Nations unies et qu’il y aura une poursuite des conférences et des consultations des états-majors militaires alliés afin de préserver la sécurité du plus grand nombre et d’écarter le danger représenté par les puissances de l’Axe. « Nous ne devons pas faire des guerres isolées, chaque nation allant son propre chemin. Les militaristes de Berlin et Tokyo ont commencé cette guerre, mais les forces du monde libre, mises en commun mettront un terme à ce conflit mondial et rétabliront la paix ».

Le président américain soumet aussi au Congrès, son budget, se montant à 59 milliards de dollars, pour l’année 1942. La production de guerre doit être de 60 000 avions, 45 000 chars et 8 millions de tonnes de matériel. Les prévisions pour 1943 sont de 125 000 avions, 75 000 chars et 11 millions de tonnes de matériel. » (1)

Les chiffres de 25 000 chars pour l’URSS et les prévisions pour 1943 de 125 000 avions, 75 000 chars pour les États-Unis donnent le tournis. Alors qu’avec l’avènement de la bombe atomique, tous les plans d’armement des puissances ont été bouleversés, une guerre entre les puissances avec des armes conventionnelles n’avait désormais plus de sens. Bref, l’arme nucléaire a interdit les guerres entre les puissances. Et c’est la raison pour laquelle, selon l’Atlas sociologique mondial, en ne prenant que les chars lourds, les États-Unis, la Chine et la Russie n’ont respectivement que 2645, 4800 et 7073 chars de combat. Quant à la défense aérienne qui comprend essentiellement les missiles de courte et moyenne portée et des missiles balistiques tactiques et stratégiques intercontinentales, ces trois puissances ont respectivement 1192, 9104, 3275 missiles.

Une question se pose : « Qui a transformé les moyens de combat au point qu’il a arrêté la production à grande échelle de chars de combat et en même a interdit les guerres entre les puissances ? L’homme ? Le progrès de la science ? Qui est derrière le progrès de la science ? Une seule réponse : « C’est la Nature qui régit les humains ! ». Il est impossible à l’homme et a fortiori aux puissances qui ne savent qu’une chose : « Faire tout ce qui est nécessaire pour vaincre tout adversaire qui se met en travers de leurs plans. »

Il est clair que c’est la nouvelle arme qui a changé les plans de puissance ; sans l’arme atomique, la paix entre les puissances mondiales n’aurait jamais duré longtemps, d’autres guerres auraient continué à opposer les puissances. Et, par un curieux hasard, la Charte des Nations Unies a été adoptée à la fin de la Conférence de San Francisco, le 26 juin 1945. Moins d’un mois plus tard, le 16 juillet à 5h 29, une bombe atomique explose pour la première fois au Nouveau-Mexique, aux États-Unis. Moins d’un mois plus tard, deux bombes sont larguées sur Hiroshima et Nagasaki, le 6 et 9 août 1945. Moins d’un mois, le 2 septembre 1945, le Japon signe l’acte de capitulation, l’occupation américaine du Japon commence et va se poursuivre six ans et quatre mois, et c’est la guerre de Corée (1950-1953) qui y mettra fin, les États-Unis ont compris qu’ils devaient mettre fin à l’occupation et aider à tout prix le Japon pour le mettre de leur Côté face à l’Union soviétique et la Chine. En 1953, l’armistice est signé ente la Chine, la Corée du Nord et le représentant des Nations Unies.

Il faut encore souligner que, sans l’arme atomique, le Japon n’aurait jamais capitulé, les 100 millions de japonais, à l’époque, auraient épuisé les 2 ou 3 millions de soldats américains ; la guerre aurait duré des années, et rien ne dit que l’Union soviétique va rester inactive ; elle cherchera comme elle aidait la Chine à aider aussi le Japon. Amenant à la fin une déroute des forces américaines et la prise de pouvoir en Chine, par le parti communiste chinois, et au Japon, par le parti communiste japonais. Rappelons que le parti communiste chinois a été fondé le 1er juillet 1921, le parti communiste japonais a été fondé le 15 juillet 1922, une année d’écart, et ce suite aux événements qui ont concouru à la naissance de l’Union soviétique, le 30 décembre 1922.

De même, on comprendrait que, sans l’arme atomique, la Charte des Nations Unies serait un vœu pieux, les grandes nations ne se seraient jamais unies ; les antagonismes auraient continué ; l’Allemagne continuerait à être divisé entre l’Occident et l’Union soviétique, pire l’Europe de l’Ouest serait déstabilisée par la montée en puissance des partis communistes qui avaient, à l’époque, le vent en poupe.

Et c’est l’arme atomique qui en fait a tracé le destin de l’humanité, et derrière cette arme atomique, c’est forcément la Nature qui a régi l’essence du monde. C’est ainsi que, un mois et 22 jours après la capitulation du Japon, l’Organisation des Nations Unies (ONU) est fondée, le 24 octobre 1945, avec la ratification de la Charte des Nations unies par 51 États, dont le siège était d’abord au Royaume-Uni puis transféré aux États-Unis, en 1952. La plus grande partie de l’humanité était encore sous tutelle coloniale.

Aussi peut-on dire qu’entre le 26 juin 1945 (adoption de la Charte des Nations Unies) et le 24 octobre 1945 (naissance de l’ONU), soit en quatre mois le monde se retrouvait architecturé par 51 nations, dans une organisation commune. Etait-ce possible que l’engrenage de cette architecture était l’œuvre des humains ou était-elle tracée par la Nature qui a mis toutes les pièces du puzzle en place pour donner, avec l’arme atomique au centre, découverte par les États-Unis et « essayée » sur deux villes-cobayes au Japon, la nouvelle configuration du monde ? Et cette configuration du monde est encore aujourd’hui, dominée depuis 1945 par le Conseil de sécurité. Le seul changement est le remplacement de la République de Chine par la République Populaire de Chine (RPC), en 1971.

Certes, après 1945 s’est ensuivie une guerre froide, mais vaut-il mieux une guerre froide entre les puissances qu’une guerre chaude qui ne serait pas seulement chaude mais apocalyptique. Plus rien ne sera des puissances en cas de guerre nucléaire ; ceux qui seront touchés par le feu nucléaire se compteront en millions.

On peut reprocher à cette approche sur l’histoire, sur cette conjonction d’événements, que la Nature n’est pour rien dans le progrès du monde, ni dans la découverte et la réalisation de l’arme atomique, l’arme absolue, ni dans le libre-arbitre humain qui a permis de découvrir les effets dévastateurs des réactions en chaîne nucléaires. Que le libre-arbitre est accordé aux humains, que rien n’est fatal, soit une vérité, on ne eut en disconvenir. La question cependant se pose : « Qui sont alors les humains ? D’où viennent-ils ? Qui les a créés ? » Des questions sans réponse pour l’être humain lui-même. Mais si on regarde l’humanité comment elle s’est structurée par l’histoire et les religions qui se sont succédé, aujourd’hui, l’humanité a 2023 ans d’histoire depuis J. C., et l’être humain avec le progrès commence à voir le bout du tunnel.

Il est clair que toute chose est dans nos pensées, et elle relève de la nature humaine, elle-même relevant de la Nature du monde. Le monde humain est ainsi structuré ; par exemple, sur le plan de la pensée, ce ne sont pas nous qui pensons nos pensées, mais nos pensées qui pensent en nous. On croit seulement que l’on pense, comme d’ailleurs le libre-arbitre, on croit que l’on est libre, mais en fait on est libre que par nos pensées qui nous soufflent que l’on est libre.

C’est précisément en faisant une introspection sur nous-mêmes que l’on peut peut-être arriver à comprendre que l’on est forcément suivi, guidé, et que notre destin, nous le faisons certes nous humains notre destin, mais les guerres et toutes les horreurs qui ont été permises, un temps, ne pourraient demeurer indéfiniment, sinon l’histoire et l’évolution de l’humanité n’auront pas de sens. Et le progrès lui-même n’aura pas de sens s’il n’y a pas une évolution positive de l’humanité en nous.

Précisément, le progrès nous humanise et les guerres du moins les plus grandes ne durent qu’un temps. Et, on le voit aujourd’hui encore, dans la guerre en Ukraine. Après 78 ans de paix depuis 1945, hormis quelque escarmouche (Cuba), entre les puissances, pour la première fois éclate réellement un grand conflit en Europe, opposant cette fois-ci les grandes puissances par pays interposé. L’Ukraine soutenu par l’Occident mais envahi par la Russie. Et les deux camps certes s’opposent mais sont neutralisés par l’arme atomique, une arme qui module leurs ambitions, les assagis même en leur traçant une ligne rouge à ne pas dépasser, qui est l’extinction immédiate de leurs puissances.

La guerre va se poursuivre en Ukraine, les pays occidentaux continueront de rêver de victoire, et ce rêve continuera à alimenter cette guerre. Pourquoi un rêve à l’état éveillé n’est pas un rêve, mais une illusion ? Et dans la pensée occidentale, une illusion peut faire durer le conflit, la guerre en Ukraine ? Parce que c’est voulu par la Nature qui en fait dirige, qui guide le monde. Si la Nature avait voulu que l’Occident ne penserait pas à une victoire, mais qu’il penserait, par exemple, à respecter les aspirations des populations russophones de rejoindre la mère-patrie, la Russie, il aurait organisé d’un commun accord avec la Russie, un référendum, sous l’égide de l’ONU. Et le problème aurait été tranché, et sans guerre.

Mais l’Occident ne voulait pas entendre de référendum dans les régions de l’est et du sud-est de l’Ukraine ; il n’a pensé qu’à la grande Europe, qu’à l’OTAN, le gardien de l’antre. Ce qui nous fait dire que le libre-arbitre est certes donné aux humains, mais la Nature ne l’a pas donné sans raison. Qu’elle a laissé libre les pays occidentaux prendre position sur la guerre en Ukraine sans qu’ils ne soient inquiétés ou détournés de leurs pensées hégémoniques.

La soif de puissance est en fait naturelle pour toutes les puissances sinon ce ne sont pas des puissances. L’histoire de l’humanité est ainsi, avec des frictions, des guerres, des crises, sinon il n’y a pas d’histoire humaine. Aussi, peut-on dire que la guerre en Ukraine va se poursuivre, mais se terminera inévitablement comme toutes les guerres. Mais une seule issue pour cette guerre, comme en 1945, parce que il n’y a pas d’alternative, les régions annexée du moins où vivent le plus de populations russophones resteront partie du territoire de la Russie. L’Ukraine ne pourra, après ses limites atteintes, que mettre fin à cette guerre historique. Elle rejoindra l’OTAN. Quant aux pays d’Europe, forcément ils apprendront leurs déconvenues, surtout leur erreur de n’avoir pas pris en considération les aspirations des populations ukrainienne russophones qui ont cherché l’indépendance, mais par crainte de représailles, celles-ci ont préféré se protéger, en rejoignant la mère-patrie, la Russie.

Finalement l’histoire de l’humanité se répète, au temps de la décolonisation, c’était les pays d’Asie et d’Afrique qui aspiraient, qui réclamaient leur indépendance, et ils l’ont eue. Aujourd’hui, ce sont des régions en Europe où vivent des populations déracinées de leur patrie par les vicissitudes de l’histoire qui aspirent à leur indépendance. Cependant, la Nature veille sur la marche du monde, et c’est ce que les grands de ce monde, en particulier les pays d’Occident, doivent comprendre.

 

Medjdoub Hamed
Herméneuticien en Economie mondiale,
Relations internationales et Guerres

 

Note :

1. « 6 janvier 1942 : Roosevelt joue cartes sur table devant le Congrès », le 1er janvier 2022
http://lhistoireenrafale.lunion.fr/2016/01/05/6-janvier-1942-roosevelt-joue-cartes-sur-table-devant-le-congres/

 


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