La justice française devrait s’intéresser davantage aux chauffards sous-marins anglais

par morice
mardi 17 février 2009

Les marins me pardonneront j’espère ce terme accrocheur : en aéronautique, un "touch-and-go" est un effleurement de piste d’atterrissage effectué par un avion en phase d’apprentissage ou de démonstration. Un "faire semblant" d’atterrir jusqu’au toucher de roues ou non et une remise plein gaz pour montrer que l’on maîtrise parfaitement la procédure d’approche puis d’évitement. On "touche", ou non, et on repart vite fait dans l’autre sens. Jusqu’à aujourd’hui, la procédure, bien évidemment n’avait jamais été appliquée au domaine sous-marinier. Eh bien depuis ce jour, on peut l’évoquer, tant le Triomphant et le Vanguard, deux sous-marins lance-missiles (SNLE), se sont heurtés sous l’Atlantique il y a quelques jours, le 3 ou le 4 février dernier, avant de repartir chacun de leur côté.... sans que le public n’en soit tout de suite informé, sans que les deux marines respectives ne reconnaissent d’emblée les faits. En ravivant aussitôt une politique du mensonge sur leurs prestations océaniques qui meurtrit encore un peu plus des familles, celles des victimes du Bugaled Breizh, qui ne cessent de clamer qu’on leur cache la vérité, dans ce monde où le silence, est devenu une première nature. A signaler qu’une fois encore la Marine Nationale a menti, en affirmant dès l’arrivée du Triomphant à l’île Longue que ce dernier avait heurté "très vraisemblablement"un container. Un container de plus 15 000 tonnes de déplacement, voilà qui est plutôt rare. Ces fausses explications sont graves, car elles dénotent d’une légèreté sans précédent, l’incident aurait pu être beaucoup plus grave. Soit la Marine nationale est incapable de détecter un sous-marin ennemi, même à 5 mètres de proximité, soit les anglais s’amusent à foncer sur les sous-marins français car ces derniers suivent toujours les mêmes voies lors de leur retour de mission. Dans les deux cas, les deux marines, française et anglaise, sont à blâmer : à trop jouer au sous-marin passif, on devient un danger public des mers. Vouloir passer inaperçu c’est bien, mais cela n’explique pas la non détection par l’une ou l’autre des parties du chauffard d’en face. Personnellement, aussi, je coyais l’Atlantique nettement plus grand !

Reprenons tout d’abord la chronologie de ce qui s’avère tout de suite une désinformation sciemment orchestrée, qui cache en réalité de grandes insuffisances en détection mutuelle, sinon une incompétence manifeste en navigation. Car ne nous leurrons pas : à 5 mètres près, ce à quoi on vient d’assister aurait pu se terminer par la plus grande catastrophe sous-marine de tous les temps, avec 250 morts envoyés par le fond. Au delà de cette hypothèse, un fait relativement simple : deux sous marins de taille conséquente, fleurons l’un et l’autre de leur marine respective, ont failli se tamponner frontalement, ce qui aurait invariablement eu pour conséquence la perte de l’un des deux sinon des deux. L’avant de ces sous-marins n’ayant pu servir de pare-chocs, dans un compartiment vide ne comportant qu’un sonar, leur masse respective en mouvement et leur vitesse relative, même précisée dans les communiqués comme "faible", auraient très bien pu venir à bout de leur cloison frontale, de leur ballast avant, débouchant sur leur compartiment des torpilles, ou un peu plus loin de leur centre même de commandement. On a failli tout simplement avoir une catastrophe aux conséquences inimaginables en pertes humaines ou en matière écologique. Les deux sous-marins tamponneurs sont en effet tous deux des sous-marins de 15 000 tonnes, lanceurs d’engins, à savoir disposant à leur bord de missiles atomiques. Seize exemplaires pour le Triomphant, la même chose pour le Vanguard : à raison de 150 fois Hiroshima par engin on en est à l’équivalent de 323 Hiroshimas ! Oh, rassurez-vous, aucun d’entre eux n’aurait pu exploser. Chaque missile de de type ne peut le faire à la suite d’un choc quelconque. Ne nous laissons donc pas embarquer vers une apocalypse sous-marinière totalement improbable, voire impossible tout simplement. Mais nous n’oublions pas pour autant les 323 Hiroshimas potentiels qui auraient très bien pu se retrouver au fond des eaux, ce qui n’est pas sans danger environnemental, hors explosion. Non, ce n’est pas pourtant cela qui retient ce jour notre attention. Ni le fait qu’un choc frontal aurait pu provoquer la mort d’une partie ou de l’ensemble des deux équipages. Or, sur le Triomphant il y a 112 hommes à bord et sur le Vanguard 135. On vient tout simplement d’échapper à la plus grosse catastrophe sous-marine de tous les temps ! Et là encore, il n’ y a pas que cela. Un élément encore plus surprenant est à retenir de cette collision : l’un des deux a embarqué avec lui des traces de choc fort précieuses.

Car des rencontres de sous-marin tamponneurs, contrairement à ce que l’on pense, c’est plus fréquent qu’on ne pense. Si on ne retient que deux exemples, en 1992 et 1993 déjà les américains et les russes qui ont beaucoup joué au chat et à la souris sous-marins ont déjà donné dans le genre. Je vous ai déjà parlé du Scorpion, disparu le 27 mai 1968. Ce sous-marin, pour sûr, avait été pris en chasse par un submersible russe de la classe Echo II. Selon la thèse officielle, le sous-marin américain aurait été détruit par sa propre torpille, envoyée contre son poursuivant et revenue à son point de départ. Bien entendu, nous n’en n’avions à l’époque jamais rien su. Un peu auparavant, en mars 1968, les soviétiques avaient perdu de vue un des leurs, le K-129, qui sera remonté partiellement par les américains dans des conditions rocambolesques. Des américains qui avaient marqué à la culotte la sortie du nouveau fleuron de la flotte soviétique en lui accollant le Swordfish, qui, bizaremment, était allé faire relâche discrétement à Yokosuka, pour y faire réparer son kiosque et son périscope quelques jours après l’annonce de la perte du submersible russe... 98 marins avaient péri. Le Swordfish avait gardé ensuite d’autres séquelles semble-t-il : il fuyait, en contaminant tout son environnement : "In May 1968, anti-nuclear activists alleged that Swordfish had released radioactive coolant water into the harbor of Sasebo, Japan where she was moored at the time. Some sources state that Japanese scientists discovered levels up to twenty times normal background, others, that they could not detect any increase in radioactivity. The Japanese protested the incident to the United States, and Japanese Premier Eisaku Sate stated that U.S. nuclear ships would no longer be allowed to call at Japanese ports unless their safety could be guaranteed" précise le Wiki. Moins dramatique, le 11 février 1992, en mer de Barents un sous-marin nucléaire russe heurte l’USS Baton Rouge. Comme dans le cas du jour, on parle "d’objet non identifié" tout d’abord (les OVNIS existent aussi sous l’eau !). A peine un an après, rebelote : le 20 mars 1993, toujours en mer de Barents, collision entre un sous-marin nucléaire russe et le submersible américain, l’USS Grayling, venue renifler d’un peu trop près la Flotte du Nord russe : "a Russian Delta III class (Project 667BDR) nuclear-powered ballistic missile submarine is struck by the U.S. nuclear-powered attack submarine USS Grayling (SSN-646) while operating in the Barents Sea close to the Kola Peninsula. The submarine suffered slight damage and was able to return to base, but the collision could have sunk the Delta submarine including its 16 SS-N-18 nuclear armed missiles". Jusqu’à l’accident terrible du Koursk, à l’avant déchiqueté et à la fin tragique et scandaleuse de son équipage, dont le parcours avait été constamment surveillé par deux submersibles américains, le Memphis et  le Toledo, dont l’avant de ce dernier présentait par la suite des traces visibles de collision, une fois encore. Selon certains, c’était très clair, il ne s’agissait même pas d’une collision, mais bien d’un tir de torpille : "On the balance of probabilities, the Kursk was sunk by an American MK-48 torpedo," said Mr Stradling, formerly a senior member of the British Defence Ministry".

Cette fois-ci, pas de traces de combat, pas de poursuite, mais bel et bien deux engins qui se sont foncés dessus, face à face en plein Atlantique. A voir les effets d’un autre tamponnage sous-marin sur un récif mal répertorié, on peut en effet en conclure que les deux sous-marins ont eu le bonheur de riper l’un sur l’autre et non de se rentrer dedans de face. Devant, sur ce type de sous-marin, c’est plutôt mou : un cône de matière plastique armé, chargé de laisser le champ libre au sonar avant. Derrière le cône, une des premières barrières contre la pression externe, une cloison comme les cloisons internes des avions pour lutter contre l’absence de pression en altitude (ici c’est évidemment l’inverse !). Lors d’une collision de face, ce dome de matière synthétique ne peut absolument pas résister aux 15 000 tonnes lancées à 14 nœuds, c’est une évidence, même si les communiqués des deux parties parlent de vitesse plus réduite. En aviation idem : un simple oiseau heurté à très grande vitesse peut exploser le nez d’un chasseur ou d’un chasseur bombardier. Un radôme qui se délamine lors d’un impact violent est toujours impressionnant, en aviation également, à se demander comment certains as du manche arrivent à se poser après ce genre d’inconvenue.

Il ne faut pas nécessairement une poursuite ou un combat pour sévèrement abîmer un sous-marin. Râcler le fond est aussi chose courante chez tous les sous-mariniers du monde. Les français n’y échappent pas : c’est arrivé au Rubis, de 2400 tonnes, le 30 mars 2007 au large de Toulon : " le sous-marin nucléaire d’attaque "Rubis" était en mission d’entraînement au sud de la côte varoise lorsqu’il a ressenti "un choc causé par un heurt avec le fond de la mer" vendredi matin, indique la préfecture. "Il n’y a pas eu de blessé. L’événement n’a pas eu d’incidence sur l’étanchéité de la coque et le système de propulsion nucléaire du bâtiment. Le sous-marin est rentré à quai par ses propres moyens", précise le communiqué." Le trou provoqué est très éloquent, très certainement un panneau de fibre de verre d’explosé. Direction pour lui la cale sèche. Même chose pour les anglais devant l’île de Skye, mais pour des raisons assez invraisemblables. "Du papier calque recouvrant la carte de navigation du sous-marin masquait des informations vitales, comme le fait que la vitesse du courant de marée atteignait 2,5 nds à cet endroit. Ces détails sont contenus dans le rapport officiel d’enquête sur l’échouement du HMS Trafalgar en octobre 2002, publié dans le cadre de la loi sur l’accès à l’information" nous annonce le 23 mai l’excellent "Portail des sous-marins". 

La conduite des sous-marins anglais, visiblement se relâche bel et bien ces dernières années, pour des raisons pas toujours très sérieuses. En 2005, c’est au tour de l’HMS Superb, le plus ancien du lot de submersibles anglais, de râcler sévèrement le fond de la Mer Rouge. Dans des proportions assez gigantesques, au point d’envoyer le monstre à la feraille nous confirme en détail le Sun : "We told last week (le 25/05/2005) how HMS Superb was forced to surface in the Red Sea, after crashing into underwater rocks 80 miles south of the Suez Canal in Egypt. The 272ft Swiftsure-class vessel’s sonar equipment was wrecked during the incident, leaving it unable to dive. But its hull, and the nuclear-reactor which powers it, remained intact. None of the 112 crew were injured and Superb, captained by Commander Steve Drysdale since December 2006, has now been towed to a port. The 4,900-tonne sub has been in service for almost 32 years. She is the oldest attack boat in the Royal Navy, and one of only two Swiftsure-class subs which are still operational. But last night our source said the boat, which underwent a seven-month refit 18 months ago, was likely to be SCRAPPED because of the damage. He said : “The rumour is she’ll be patched up enough to limp back, but she won’t be coming back to Faslane.“Instead she’ll go to Plymouth to be scrapped. “This incident is just symptomatic of the fact that standards have slipped".  Ah, pour sûr, les chauffards des fonds des mers anglais font fort, ces dernières années. Et on en a même l’explication ! Dans un très étonnant numéro du Sun, toujours, on trouve pourtant quelques semaines avant le crash de la Mer Rouge, une gueulante mémorable du capitaine du submersible contre un matelot chargé de la veille à bord, retrouvé raide saoul à la bière et endormi, le nez collé à un lecteur de DVD... Les anglais et la bière, on en connaissait les ravages dans les stades de football. Mais de là à imaginer leurs sous-mariniers... Et la série n’est pas terminée : le 21 Mars 2007, c’est au tour de l’HMS Tireless de rentrer vite fait lui aussi dans la base de Farlane, "la base aux 200 incidents nucléaires" : "collision avec un objet non déterminé", en plein océan Arctique ! Un de ces ballasts abîmés, ayant provoqué une voie d’eau à l’intérieur  : voilà qui rappelle fort la collision avec le sous-marin français !! A cet endroit, croisent plutôt américains et soviétiques, mais il nous a été impossible de retrouver les traces d’un de leurs engins ayant lui aussi rentré précipitamment à son port d’attache. Enfin question dommages, rien ne vaut quand même l’énorme tampon frontal occasionné au sous-marin San-Francisco sur un haut-fond à 350 km de l’île de Guam : c’était moins une, car l’impact a été très, très violent.

Bon d’accord, cette fois-ci, les deux sous-marins, qui se précipitaient donc l’un contre l’autre se sont touchés, mais sans gros dommages semble-t-il. Justement, parlons en de ces dommages, car ils pourraient furieusement nous intéresser. Selon le site anglais du Guardian, en effet, le sous-marin anglais a gardé des traces visibles de la collision : "Vanguard, one of Britain’s four V-class submarines that make up the Trident nuclear deterrent, each of which is capable of carrying up to 16 missiles, was said to have visible dents on its hull as it was towed home at the weekend. Inquiries are under way on both sides of the Channel". Des traces marquées, qui ont donc dû lui peler la peau de néoprène qui le recouvre. Or, de l’autre côté, le kiosque ou les barres de plongée du Triomphant doivent donc en avoir embarqué quelques-unes, de ces plaques de néopréne. Personnellement, je serais un certain procureur de la République, en l’occurence celui de Quimper, Éric Tuffery, chargé du dossier du Bugaled Breizh, je diligenterais un juge ou quelques pandores à l’ïle Longue, munis d’un mandat de perquisition, pour aller collecter sur le Triomphant abîmé les bouts de caoutchouc synthétique anéchoïques ramenés ce mois-ci. Ces débris sont la preuve de la présence d’un sous marin de type anglais, de par la composition même du matériau. Or, une simple analyse de l’épave du Bugaled Breizh devrait à nouveau en retrouver des traces, surtout dans les vestiges de son filet qui avait été remonté en partie. Par analyse scientifique, on arriverait grâce à cette collecte inattendue à prouver ce que l’on cherche à prouver depuis toujours : que c’est bien le Turbulent, sous-marin anglais muni du même matériau, qui est à l’origine du naufrage.

Demain, nous verrons la capacité des juges ou d’un procureur à relancer une enquête... en se heurtant à nouveau à un secret défense qui mériterait d’être levé : les deux nations ayant reconnu officiellement leur "touch an go" des mers, il serait temps d’aller faire fissa quelques prélèvements : chaque nation utilise une composition de néoprène spécifique et bien différente. Et sur le filet ou les câbles (funes) du Bugaled, des bribes de même composition doivent indubitablement être encore présentes : un câble d’acier qui a ripé sur une coque de sous-marin couverte de ce produit malléable doit obligatoirement en présenter des traces perceptibles : on avait cherché du titane, c’est du néoprène qu’il fallait dénicher. Pour confondre définitivement un autre chauffard sous-marin anglais, auteur d’une catastrophe dont les parents des victimes attendent toujours une explication plausible. A savoir certainement pas celle qu’on voudrait leur faire accepter depuis le début. Des familles attendent toujours, Mr le Procureur, c’est l’occasion ou jamais ! On vient d’avoir par hasard une occasion unique de réaliser des prélèvements indispensable à la manifestation de la vérité !!! Notre bon président, qui s’intéresse semble-t-il au sort de nos vaillants sous-marins (il a bûché la question depuis les élections et vient juste de lancer le Terrible le 21 mars 2008  !), et à la détresse des familles va vous épauler et prêter main forte à la justice sur le sujet, c’est évident. Ça ne pourra de toute façon qu’être plus sérieux de sa part qu’une déclaration comme celle-ci  : "pour qu’un tel événement ne se reproduise pas, Paris et Londres pourraient réfléchir ensemble à leurs zones de patrouille, a estimé le ministre de la Défense, sans plus de précision." Selon Hervé Morin, il conviendrait peut-être aussi d’installer des feux rouges sur le plateau continental, des couloirs pour bus-SNLE, ou de peindre au fond de l’eau des passages piétons pour hommes-grenouilles, qui sait. Cet homme me surprendra toujours, décidément. Même au plus profond, il arrive à ne pas être à la hauteur.

Documents joints à cet article


Lire l'article complet, et les commentaires