La Laïcité, une exception menacée

par C BARRATIER
lundi 14 décembre 2020

 

La laïcité, une exception menacée

Les auteurs de ce livre traitent leur sujet en suivant l’émergence lente de la liberté de pensée, déjà avec la Réforme protestante du 16 ème siècle, la révolte des Camisards, de 1702 à 1715, vaincue par les « dragons » du roi Louis XIV avec les conversions forcées au catholicisme, les cultes huguenots ne s’interrompant cependant pas, dans les forêts, « au Désert ».

La tolérance s’imposa finalement, et en 1789, avec la Révolution, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen garantit cette liberté.

 Le lecteur trouvera les détails des tentatives de séparation de l’Eglise et de l’Etat, la fin du paiement des prêtres et évêques par l’Etat, - pas pour longtemps, des retours en arrière, comme sous Bonaparte, en 1801. Le catholicisme est de nouveau la religion de l’Etat, ses prêtres redeviennent fonctionnaires.

En 1933 la loi Guizot met en place dans les communes de plus de 500 habitants une école donnant obligatoirement des enseignements religieux.

Louis XVIII met un terme à la première République, la seconde est proclamée en 1848.

Thiers, malgré Victor Hugo, exerce un pouvoir clérical.

Au fil des pages, dans les méandres de l’Histoire, le lecteur redécouvrira le second Empire, la Commune de Paris et l’émergence de la classe ouvrière, plus tard Jules Ferry avec la 3èmeRépublique qui tiendra jusqu’en 1940, jusqu’à l’arrivée de Pétain et la fin provisoire de la devise républicaine, Liberté, Egalité, Fraternité, remplacée par Travail, Famille, Patrie, cependant que l’école publique doit enseigner à nouveau les devoirs envers Dieu.

 De 1902 à 1905, Emile Combes avait supprimé les écoles des congrégations (catholiques), Briand, Ferdinand Buisson, Jean Jaurès font promulguer la loi de 1905, séparant à nouveau (mais peut être pas définitivement ?), les Eglises de l’Etat.

Les auteurs démontrent que la laïcité et l’égalité (en particulier Hommes Femmes) sont inséparables, et que la laïcité exige une République sociale.

 L’Etat civil, dès 1792, puis le mariage civil, le droit de vote des femmes(1944), et leur émancipation qui continue, sont des jalons plus connus.

 

L’ouvrage très documenté présente au public une donnée historique méconnue. Le public ne sait pas combien la laïcité a été menacée, effacée, retrouvée, et risque aujourd’hui plus que jamais d’être perdue, devant la détermination, le savoir faire de ses adversaires. Le financement des écoles privées sous contrat d’association par la loi de Michel Debré du 31 décembre 1959 est bien connu. Mais on a oublié le plus important : Une commission avait préparé cette loi en en pesant tous les termes, sous la présidence du Ministre de l’Education Nationale André Boulloche.

Celui-ci proposait donc, le 30 novembre 1959, un texte qui n’évoquait nullement un certain « caractère propre » des écoles confessionnelles et du contenu « propre » de leur enseignement. A la demande expresse des évêques qui ne se contentaient pas des financements généreux prévus (salaires des enseignants payés par l’Etat, dépenses matérielles d’enseignement par les communes), le Président de la République Charles De Gaulle fit introduire le 15 décembre, dans le texte de la loi, ce « caractère propre ». Malgré de nouvelles discussions, André Boulloche qui avait bien vu, sous l’apparence anodine de l’expression, un piège dangereux pour la République laïque et sa loi de 1905, fut mis en minorité, et démissionna dans la nuit du 22 au 23 décembre.

 

Le premier Ministre Michel Debré suppléa Boulloche et fit voter le texte, resté immuable depuis.

 Lisez ces pages et voyez déjà les conséquences de ce « caractère propre », annoncées dès décembre 2009 par le secrétaire général de l’enseignement catholique Eric Mirieu de Labarre

Ce sera pour les très prochaines années. « La laïcité, une exception menacée ». ? Hélas oui !

 

 Ce livre éclaire aussi l’actualité de notre société, par exemple cet arrêt du Conseil d’Etat numéro 426483 publié le 11 décembre 2020 sur les cantines scolaires, sujet abondamment traité par les auteurs. Ou encore et hélas les difficultés pour des familles musulmanes à vivre la laïcité, les affaires de femmes voilées voulant accompagner ostensiblement les sorties scolaires, les difficultés dans les hôpitaux, les piscines, les plages, les programmes scolaires refusés par certaines familles.

La décapitation de Samuel Paty, l’invention de la prétendue islamophobie, la menace permanente de nos enseignants qui se censurent trop souvent, la vivacité des réactions laïques, .il faut lire tout cela. Je vous recommande en particulier « Vous n’aurez pas nos têtes », l’indignation et le combat de Caroline Fourest.

Je suis loin d’évoquer ici tous les sujets abordés et illustrés.

Les auteurs croisent leurs vues, il y a des divergences ici et là, ce qui donne du sel à l’ouvrage. Les auteurs qui y ont beaucoup travaillé, qui y ont mis la mémoire de leur propre vie, souhaitent avoir fait œuvre utile.

Parution fin décembre !

 


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