La lente montée du populisme
par teddy-bear
samedi 8 octobre 2011
Partout en entend de plus en plus des amis, collègues ou parents qui déclarent vouloir voter pour Marine Le Pen, lesquels auparavant étaient beaucoup plus partagés dans leurs opinions politiques ou muets sur leur choix électoral. Lorsqu'on les questionne on répond « raz-le bol général ».Et ce avant une adhésion aux principes fondamentaux du F.N. Les valises d’argent qu’auraient reçu Chirac, Villepin et Sarkozy ont occupé l’essentiel dans le discours lors d'un récent meeting de madame la fille de son père.Ce déballage quasi-quotidien des casseroles que traînaient dans l'ombre les gouvernements successifs de droite profite donc plus au FN qu'à la gauche etrenforce donc la campagne frontiste basée sur ce rejet de toutes politiques qu'elles soient de gauche ou de droite du passé ou actuelle, symbolisé par l'antienne archi-usée : « tous pourris ». Les plus diserts avancent les fautes, turpitudes et magouilles des pouvoirs précédents, un argument employé d'ailleurs par l'UMP pour minimiser celles qui empoisonnent la vie politique actuelle et qui n'hésite pas à remonter jusqu'à Mitterrand. Alors qu'il s'agit de celles du présent, même si elles datent et qui sont susceptibles d'inculpations, de procès et condamnations.
Nous voici donc devant un électorat hétéroclite, protestataire et râleur en premier lieu, puis, -l'amalgame est loin d'être exclue- d'un racisme à la fois viscéral et sociétal, problème qu'il ne faut certes pas esquiver, mais qui est exploité par la droite aux affaires et surtout par le FN, son fond de commerce.
Le prolo du marais
Qui sont ces électeurs putatifs du FN ? En bonne partie la couche sociale la plus défavorisée, celle qui faisait l'électorat du PCF de la grande époque, des ouvriers et employés du tertiaire pour la plupart, irrités par leur sort devant le spectacle de la différence de classe contre qui combattait Marchais et avant lui Thorez. [1] Bref le prolo, le plus touché par les crises économiques successives, qui faute de refuge communiste se tourne vers un populisme récepteur de tous les ressentiments et indignations.[2] Un parti populiste qui n'arrive pas ou peu à se débarrasser des amitiés particulières avec l'extrême-droite fascisante et musclée.
Ce qui est plus inquiétant à mes yeux, c'est cet amalgame dont je parle plus haut : le rejet de l'étranger. Xénophobie, nationalisme exacerbé ou racisme ?
Ce qui m'amène à une réflexion sur la nature de cette répulsion, il s'agit d'un . phénomène de classe qui justement n'existe que très peu dans les supérieures. Ici, on s'extasie devant Noah, Aimé Césaire ou Houphouet-Boigny, mais on méprise le laveur de carreaux. Dans la France d'en-bas, comme disait l'autre, c'est le phénomène bien connu du « petit-blanc » aux USA qui aboutira au Ku Klux Klan, la haine de son égal ou pire encore plus bas dans la misère ambiante, car il n'est pas de la même couleur.
L'UMP ne fait pas ce tri et pour s'attirer les voix lepenistes depuis déjà longtemps et sans vergogne, les flatte en stigmatisant tour à tour, les Arabes, les Roumains, les gitans et pour faire bonne mesure « Les Gens du voyage ».
Le gouffre qui se creuse entre les Français de souche, comme il se nomme et les travailleurs ou chômeurs immigrés s'agrandit, qui sépare les citoyens ce qui nous pourrait nous amener à des conflits inter-ethniques exacerbés par des gesticulations gouvernementales.
La « Droite Populaire », un groupe ou une secte de politiciens carrément à l'extrémité droitière du parti, non seulement œuvre pour cela, mais mieux encore, par stratégie, se place dans la perspective d'un échec aux deux prochaines élections nationales pour 2007 et espère en attendant un affaiblissement de l'audience frontiste. Le F.N qui est par nature et selon l'horizon politique français, n'est pas un mouvement de gouvernement et ses leaders non présidentiables, ce que ne cache pas le futur électeur, ni même sa candidate, sauf les colleurs d'affiches, et encore. Ce n'est pas son plan proposé, économique social ou inapplicable, sinon farfelu, qui intéresse ce prolo-là.
A ce problème de l'immigration, ce n'est pas la droite ni surtout le FN qui propose de solutions humaine. Dire que la crise est due ou alimentée par l'arrivée massive des émigrés et à la population française d'origine étrangère outre-méditerranéenne, en premier lieu, n'est qu'un leitmotiv et non une solution.
Il faudrait que ces messieurs-dames soient logiques, si tout le mal vient de là, qu'ils prennent ou proposent des mesures énergiques. Ne pas se contenter de dénoncer cet état de choses comme programme et disent aux Français : « il faut rejeter ces pique-assiette à la mer. Le trou de la sécu et autres abysses, disparaîtront, les prisons et hôpitaux seront désengorgés. Il suffit de réquisitionner les wagons inutilisés de la SNCF, direction les ports de la Mare Nostrum, puis de là embarquer tout ce monde sur les navires de la marine nationale qui vogueront vers les rives du Maghreb ». C'est à peu près ce que j'ai entendu au cours d'une conversation et lorsque je rappelle que la France est la mère des Droits de l'Homme, on me prend pour un demeuré, sinon pire encore.
Le prolo de droite
Parmi ceux qui voudraient voter pour Madame Le Pen, il y a aussi des déçus à la fois du sarkozisme et du bonhomme lui-même. Ils espéraient naïvement qu'il tiendrait ou pourrait tenir les engagements qui leur adressait. Donc des prolos qui espéraient qu'un autre, de la classe la plus haute, se penche sur leur sort. Cette désillusion s'illustre par la chute de l'aura sarkosiste, dans ses propres rangs, malgré sa victoire personnelle, unilatérale et pétrolifère en Libye. Et pourquoi ? parce que les prolos de tous bords s'en balancent de cette histoire de Révolution au Proche et Moyen Orient.
Devrions-nous avoir la hantise de nous retrouver dans la situation de 2002 où pour la première fois de ma vie j'ai dû, comme tant d'autres, voter à droite pour ce roublard de Chirac ?. Bien que la situation « arithmétique » n'est plus la même, il ne faut pas minimiser le vote lepeniste pour autant.
[1] Le mot prolétaire désignait à l'origine un citoyen romain qui n'a que ses enfants comme richesse. Il formait la classe la moins considérée de la civitas (ensemble des citoyens). C'était la dernière classe sociale de l'Empire. Marx et Engels termineront leur Manifeste par cette phrase « Prolétaire de tous les pays unissez-vous ». L’Internationale communiste en découlera.
[2] sentiment qui n'est pas l'apanage des « gauchistes et révolutionnaires », lesquels ne sont pas alignés sur les mêmes longueurs d'ondes.