La létalité des munitions d’armes de poing

par Desmaretz Gérard
mercredi 31 octobre 2018

Le choix d'une munition d'arme de poing ne saurait être quelconque, surtout lorsqu'il s’agit de défendre une vie. L’effet souhaité est de mettre l'agresseur hors d’état de nuire au premier impact afin de l'interdire de continuer à représenter une menace réelle. Le calibre n'explique pas tout, une balle de 9 mm Luger ou parabellum (Si vis pacem, para bellum) FMJ (blindée) n'aura pas le même comportement qu'une CMJ (cuivre déposé par électrolyse) ni qu'une THV capable de travers un gilet pare-balles ou une 9 mm Makarov... Le pape Jean Paul II a survécu à deux balles de 9 mm tandis qu’un enfant est décédé après avoir été atteint dans la poitrine par un plomb de 4,5 mm tiré par une arme à air comprimé !

Vers 1847, le capitaine français Claude Etienne Minié invente une balle cylindrique à tête hémisphérique et à la base concave. Lors du tir, la pression des gaz engendrée évase le culot du projectile qui " épouse " les rainures du canon chargées de communiquer au projectile une rotation sur lui même (effet gyroscopique) afin de le stabiliser et corriger les erreurs erratiques dues à la forme et au poids du projectile. Le pas de l'âme du canon n'est pas quelconque, il est déterminé pour : le calibre, la longueur du canon, la masse de la balle et le forcement de celle-ci dans les rainures. La cartouche moderne apparait vers 1870, elle réunit tous les éléments constitutifs : l’étui ou douille, un cylindre de laiton (70% de cuivre et 30% de zinc) mis en forme par différentes opérations de cuissons et refroidissements successifs, opérations ayant pour but de rendre l'étui plus dur et plus épais dans la partie où il reçoit l’amorce afin de résister au chambrage et à l’extraction. L'étui est plus tendre dans sa partie centrale pour permettre sa dilation au départ du coup et ainsi obturer hermétiquement la chambre, et l'étui de nouveau plus dur dans la partie supérieure (lèvre et le collet) pour faciliter le sertissage de la balle. On distingue l'étui à bourrelet dont le rôle de la protubérance circulaire sur le fond de la cartouche est l'empêcher s’enfoncer dans la chambre sous l’impact du chien et d'en faciliter l’extraction. L’étui à gorge que l'on rencontre sur les pistolets semi-automatiques permet l'extraction de la douille et son éjection.

La poudre détonne sous l'action de l’amorce contenant du fulminate de mercure lorsqu’elle est écrasée entre la coupelle et l’enclume. L'étincelle produite est communiquée par un évent en 5/ 1000 de seconde ! La poudre sans fumée découverte par le Français Paul Vieille en 1884, a permis, à vitesse égale, de réduire la longueur et le diamètre des étuis, et de supprimer l'épais nuage occultant engendré. Sous l’effet des hautes pressions engendrées par la détonation de la poudre, il y a propulsion de la balle hors du canon. Le volume de poudre donne 14 000 fois son volume en gaz, le canon peut atteindre des pressions de l’ordre de 340 kilogrammes au centimètre carré ! La poudre noire propulsait le projectile à environ 260 mètres par seconde, la poudre pyroxylée le propulse à 430 m/s, vitesse qui permet une trajectoire plus tendue. A noter, que la vitesse d'une munition n'est donnée qu’à titre indicatif, car elle est fonction de nombreux paramètres : sertissage, type et dosage de poudre, forme et masse de la balle, longueur du canon (en approximation, il faut ôter 30 m/s par pouce en moins de la longueur de référence du canon).

S'il existe une grande variété de munitions, celles utilisées par les policiers et les militaires se doivent de respecter les conventions de Genève. Il s'agit de neutraliser l'individu et non nécessairement de le tuer. Les balles explosives, expansives autorisées dans le cadre de la grande chasse (les balles dites Dum-dum du lieu de leur fabrication en Inde) sont bannies depuis la première conférence de la Hague en 1899). La balle ou ogive est constituée la plupart du temps d’un alliage de plomb, d’antimoine et d'étain (typiquement 92%, 6%, 2%) pour obtenir la dureté désirée. La balle peut être monobloc, soit constituée d’un noyau de plomb ou d’acier recouvert d’un alliage à base de cuivre ou d'un lubrifiant pour lui permettre de traverser certains gilets pare-balles. Cette chemise dont le calibre est très légèrement supérieure à l’âme du canon, assure une étanchéité parfaite et réduit l’emplombage. La forme de l’ogive est souvent désignée par son terme anglais : wadcutter - semi WC - rond nose - hollow point - flat point - soft point - full metal jaketed - jacketed soft point, cela correspond aux abréviations : WC, SWC, RN, HP, FP, SP, FMJ. L signifie lead (plomb) et MP metal piercing. Toutes ces appellations sont combinables, une HP blindée devient JHP, une LRN sera une balle à bout rond en plomb, si elle avait été blindée, cela aurait été JRN. Certaines munitions portent un nom déposé : hydrashock - glasser safety - black Talon, THV (très haute vitesse), etc. Le poids de la balle ainsi que celui de la poudre sont exprimés en grains (0,068 gramme), mesure infime qui convient parfaitement au dosage délicat d’une charge de poudre.

Entre le colibri qui tirait du 2,7 millimètres et le .50 (12,7 mm), le choix du calibre reste des plus variés. Celui-ci peut être indiqué en millimètres (le 6,35), en centième de pouce (.38) un pouce est égal à 25,4 mm, ou en millième de pouce (.357). La munition est parfois désignée par deux chiffres, par exemple 9 x 19, il s’agit du calibre 9 mm et de la longueur de l’étui 19 mm. Le calibre .22 long riffle propulse une balle blindée, plomb ou pointe creuse d’environ 3 grammes à une vitesse de 287 m/s. Le 6,35 (25 ACP) dont la balle blindée pèse 3,2 grammes et se déplace à 250 m/s a quasiment disparu du marché. Le 7,65 (32 ACP) avec son projectile de 4,6 grammes animé d'une vitesse 265 m/s a une précision tout juste acceptable à 25 mètres. Le 38 Spécial reste assez répandu en raison de la grande variété de balles disponibles qui s'étage de : 6 à 10,2 grammes, avec des vitesses de 190 m/s à 320 m/s. Le 357 Magnum a été créé pour accroître les performances du calibre 38 en permettant au projectile de 7 grammes d’atteindre la vitesse de 418 m/s (Ce calibre est en perte de popularité). Le 9 Para reste la munition la plus répandue en Europe et son projectile de 5,8 grammes atteint une vitesse de 424 m/s. Le 9 Makarov munition réglementaire des armées de l’ex pacte de Varsovie, avec sa balle de 6 grammes se déplaçant à 315 m/s, était quasiment introuvable en Europe. Le 10 Auto créé en 1982 pour offrir un compromis entre le 9 para et le mythique Colt .45, n'a pas rencontrera le succès commercial. Son projectile de 13 grammes se déplaçant à 366 m/s avait un recul supérieur de 28 % à un 45. Le 41 Action express avec sa balle de 13 grammes à 335 m/s apparu en 1986 aux États-Unis afin d’offrir un rendement supérieur à la 9 mm, présente un recul de 53 % supérieur à la 9 para. Le 44 Magnum, une arme qui pèse environ 2 kilogrammes, est surtout destinée au tir sur silhouettes métalliques. Son projectile de 11,7 g à 15,6 grammes qui atteint des vitesses de 328 m/s à 439 m/s n’a aucune difficulté à basculer une cible métallique à 200 mètres de distance. Le 45 ACP avec une balle de 12 à 15 grammes se déplaçant selon la charge entre 236 à 305 m/s est considéré comme une des armes les plus efficaces, son handicap ? la faible contenance du chargeur.

Pour calculer l'énergie cinétique qui correspond à l'énergie d’un corps en mouvement et au travail que produit ce corps en s'arrêtant, on recourt à la formule bien connue de ½ m.V au carré. Il suffit d’augmenter la masse ou la vitesse, voire les deux pour améliorer le score ! Dans la réalité, augmenter la masse du projectile oblige à en augmenter le volume, donc le calibre ou la longueur, ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes, le plomb est déjà un métal dense (densité 11,35), pour un métal encore plus lourd il faut se tourner vers l’or, le tungstène, ou l’uranium. Augmenter la vitesse est plus facile, mais le recul de l’arme va réduire les possibilité du tireur. Pour rester praticable en tir rapide, la vitesse de recul d’une arme ne doit pas dépasser 3 m/s. Une formule approchée permet de calculer la vitesse de recul de l'arme : V= m (kg) x V (m/s) / M (poids de l’arme). Il faut de toute façon cesser de considérer l'énergie cinétique seule sans tenir compte de la zone atteinte. Une balle de calibre .45 d’un poids de 15 grammes tiré à 270 m/s et une autre balle blindée de calibre 5,56 à la vitesse restante de 558 m/s développent une énergie identique d’environ 546 kilos, pourtant le premier projectile produira un orifice 4 fois supérieur au second (sauf s'il bascule), ce qui ne signifie encore pas que le premier soit plus mortel que le second !

L’armée a très tôt adopté une pénétration de 25 mm dans une planche de sapin sec. Pour un usage en défense on est plus exigeant avec la pénétration de 2 à 3 planches à une distance de 25 mètres. Le projectile le plus efficace sera celui qui transféra la quantité d'énergie la plus importante à la profondeur où se situe la zone ou l’organe le plus fragile, et qui produira la plus grosse cavité possible. Si l’on veut atteindre un organe vital, il ne faut pas descendre en dessous de 15 cm, car même chez une personne mince, les organes fragiles sont situés à cette profondeur. Étant donné qu’il y a des personnes enrobées et qu’un tir peut à l’origine être entaché d’un angle important ou avoir à traverser un membre avant de se loger dans la poitrine, les experts Américains recommandent une capacité de pénétration de 45 cm !

Si aucune formule ne peut donner un résultat fiable à 100 %, elles aident à comprendre l’influence de certains paramètres et à comparer des munitions entre elles. Il est usuel en balistique de définir l'énergie en kilogrammes mètres : E= m (kg) x V en m/s au carre / 2 x 9,81, exemple, un projectile de 10 grammes à 300 m/s développe 45,9 kgm. Certains auteurs l’exprimant en joules (1 kgm étant égal à 9,81 joules), on peut utiliser la formule : E en J = m ( en grammes) / 2000 x V au carré. Un projectile de 5,56 grammes animé d’une vitesse de 386 m/s développe 413 J. Bien qu’il soit considéré que de parler de stop power ou de perf comme d'une valeur abstraite ne respectant pas la réalité, elle est parfois rencontrée, 1 Stp = 1 kgm x 1 cm carré. Ainsi, une 9 mm para ayant une énergie de 58 kgm et une surface de 0,64 cm présentera une valeur de 37 stp. Le perf est une valeur semblable : Perf = m (en kilo) / surface ( en cm).

Le général Journé dans son mémoire de 1880 a établi une formule pour calculer la pénétration d’une balle en plomb : 0,5 x m x V / S, cela donne pour une balle de 15 grammes, une vitesse de 260 m/s et un calibre 11,43, une pénétration théorique de 18 centimètres. La formule du major Hartcher (1935) qui tient compte de la forme du projectile et de la section de la balle permet de calculer la puissance d'arrêt relative (relative stopping power) : RSP = ( 1/ 2 (32,16) ) x (W x V/ 7000 x A x Y) ou W correspond au poids de la balle en grains, V à la vitesse en pieds seconde (1 pieds/s est égal à 0,3048 m/s), A à la surface en pouce carré, et Y au coefficient de forme qui vaut : 1 pour LRN, 0,9 pour JRN, 1,25 WC et 1,05 FP, cela donne 29 RSP pour une 9 mm et 60 pour le .45.

Les tests balistiques tentent de reproduire les blessures infligées par une munition type, mais il y a loin des laboratoires à la rue. Une balle va peut être rencontrer un vêtement très épais (un manteau épais peut réduire la vitesse de 100 m/s), une portière de véhicule, l’angle de tir ne sera pas perpendiculaire à la cible, l'expansion se fera donc trop tôt limitant la pénétration. Si la pénétration est trop importante, cela entraînera le risque de voir le projectile ressortir et aller atteindre une victime innocente. Le résultat sera identique si le tireur manque sa cible... Pour compenser les aléas de l’impact, on cherche à élargir la cavité lésionnelle afin d'augmenter les chances d’atteindre un organe vital, accroître l'hémorragie pour faire chuter la pression artérielle afin d'entraîner une privation de l’irrigation cérébrale plus rapidement. Le volume de la cavité est fonction de l'énergie dissipée, énergie que l’on s’efforce d’augmenter en favorisant la déformation de la balle à l’impact. Une balle légère ralentira plus vite et pénétrera moins en profondeur qu’une balle lourde. La masse de la balle influence donc la profondeur et non la cavité elle même. En pratique, la vitesse est d’autant plus grande que le calibre est plus petit, c’est pourquoi il arrive qu’une munition de calibre moyen offre une efficacité supérieure à une munition de plus gros calibre. La déformation du projectile permet, en se champignonnant, d’augmenter son calibre initial par 2 voire par 3, effet qui dépend de la vitesse, du matériau et de la forme de la balle, mais également de l’obstacle rencontré. Si la balle champignonne trop tôt, elle perd beaucoup en pénétration.

Après un échange de tirs survenu en 1986 entre deux braqueurs armés de carabines et huit " fed's" armés de revolvers .357 Magnum chargés de .38 Special Hollow Point, un des malfrats criblé de balles a continué à riposter et a réussi à blesser cinq agents et à en tuer deux autres. On s'appuyait alors sur l'étude des probabilités de mettre un adversaire hors de combat au premier impact poitrine d'Evan Marshall : 357 magnum de 96,96 % - 9 para de 89,47 % - 38 Special de 75,22 % - 9 mm de 62,26 %. Le FBI demanda à la firme Winchester d'étudier une nouvelle munition. Le cahier des charges stipulait : une pénétration de 12 pouces minimum et de 18 maximum et capable de pénétrer des vêtements en cuir, cela donna la Black talon. L'ogive en plomb possède une pointe creuse en forme de cône inversé composé de six dentelures en plomb recouvertes de cuivre qui s'ouvre en forme de corolle lors de son impact. En décembre 1992, un agresseur a abattu six personnes et en a blessé 19 autres dans un train à New-York. Au mois de juillet suivant, un autre a tué neuf personnes dans un cabinet d'avocats à San Francisco, les deux tueurs avaient utilisé la Black Talon ! Un chirurgien a déclaré à propos de cette munition que c'était comme : " exposer l'intérieur d'une personne à un millier de lames de rasoir. " Devant le tollé soulevé, Winchester a préféré en cesser la production...

Lorsque l’on tente de prendre en considération : la pénétration, l'expansivité, la sur-pénétration, sans oublier la précision de la munition, on constate qu’il n’existe à l’heure actuelle aucune munition polyvalente. La cible idéale c’est comme la munition idéale, elle n’existe pas encore. On peut tout au plus préférer telle munition à telle autre et l'intervenant prévoyant préférera se tourner vers un compromis en garnissant ses magasins de munitions panachées dont le choix dépendra : de ses habitudes de tir - du type d'agresseur auquel il s'attend à être confronté (drogué, porteur d'un gilet pare-balles, véhicule, etc.). En fait, le choix du type de munition dépend souvent des connaissances en la matière et de l'arme, le malfrat n'a que l'embarras du choix : ogive constituée d'un métal poreux et placée dans un tas de fumier pour infecter la blessure - la cartouche sans douille (HK) - la cartouche Gyrojet qui fonctionne selon le principe de la roquette - la munition avec allumage électrique (Voere) - la cartouche explosive ; une amorce est placée dans le nez de l'ogive et le vide comblé avec de la poudre - ogive montée dans un sabot (le projectile ne présentera aucune rayure et son calibre ne correspondra pas à l'arme saisie) - munition tirée avec un canon réducteur (5.5 dans un 9 mm) - cartouche contenant deux ogives (M-198 de l'OTAN) - l'ogive remplacée par une fléchette, etc.

N'oubliez pas le leitmotiv de Jeff Cooper : " Au combat, seuls les touchés comptent. "

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