La liberté d’expression en question

par Pierre Meur
jeudi 18 septembre 2008

Tout système de pensée comporte, en lui-même, sa radicalité. Si la liberté d’expression a pour finalité de s’opposer à la censure, ne courre-t-on pas également le danger de voir la liberté d’expression parfois, et même souvent, sanctifier la liberté d’agression, celle-ci devenant une nouvelle oppression aussi répréhensible que la censure.

 

Il se pose alors la question de la calomnie, du mensonge et, donc, même de la violence dans l’expression libérée.

Qu’est-ce que l’expression ? Une forme, un fond et, au-delà de ces deux points qui sont perceptibles à chacun, la motivation de l’expression qui, elle, dépend de la conscience et/ou d’une stratégie cachée de celui qui s’exprime.

Si la liberté d’expression, s’instituant comme un droit fondamental de la personne humaine, devient effectivement une forme d’agression de l’autre, respecte-t-elle ce droit fondamental ou consacre-t-elle à nouveau le rapport de force dans la relation du plus fort au plus faible ?

L’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) déclare :



"Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit".

Certes, mais c’est oublier que cet article, comme tous les autres, est soumis à la condition qu’exprime le premier article :

Article premier : "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité".

L’expression "doivent agir" a bien le sens d’une obligation et cette obligation conditionne donc les autres articles.

La liberté d’expression (ou d’opinion) consacre le principe de réciprocité. Si elle doit être un outil permettant l’agression, alors la censure, également, retrouve sa pleine justification, car il faut bien comprendre que le rapport de force ne s’arrête pas à l’expression orale ou écrite, mais peut également envisager n’importe quel autre moyen d’expression de la violence. La liberté des uns s’arrête à la liberté des autres, conformément au principe de réciprocité.

Reste l’expression elle-même et ce qu’elle a à exprimer. Toute expression doit être libre, mais chacun comprendra que, si elle ne présente pas l’ambition d’au moins la validité, l’expression même est vidée de son sens et ne représente plus au mieux qu’un cri dans le vide.

Alors chacun s’interrogera sur ce qu’il a à dire et si cela vaut la peine de le dire. Le contenu d’un message dans un forum devrait suffire à lui-même. Il ne devrait même pas être signé d’un nom ou d’un pseudo, car un message est une production intellectuelle qui a sa vie propre. C’est l’effet d’une cause (l’auteur) dont l’objet n’est pas la cause. Tout au plus peut-on penser qu’il s’agit d’une tentative de communication, mais alors c’est la relation qui devient l’objet du message et non plus le contenu du message lui-même.

Mon propos n’est pas de censurer l’expression, mais de la libérer de ce qui la parasite : la motivation qui s’exprime au-delà de la forme, mais surtout du fond.


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