La liberté d’expression est une condition de la démocratie

par Martin sur AgoraVox
vendredi 7 septembre 2007

« Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières. »

Le texte ci-dessus est extrait du premier alinéa de l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Cependant, la Charte des droits fondamentaux n’a pas été intégrée dans le droit de l’Union européenne, et ne possède donc pas de statut juridique bien défini. Son impact est donc limité car peu contraignant.

De plus, quoique l’article 11 garantisse la liberté d’expression, les textes stipulent que les États peuvent restreindre l’exercice de cette liberté afin de protéger la réputation ou les droits de tiers, pour autant que ces restrictions soient « prévues par la loi » et « nécessaires dans une société démocratique ».

La grande difficulté, à cet égard, est de trouver le délicat équilibre entre la garantie du droit fondamental à la liberté d’expression et la protection de l’honneur et de la réputation des personnes.

D’un autre coté, sans complète liberté d’expression, il n’y a pas de démocratie et il n’y a pas de possibilité pour le simple citoyen de s’opposer au pouvoir du puissant.

Car la menace d’aller en prison ou d’avoir à payer des amendes ou des dommages et intérêts peut dissuader les citoyens de dénoncer la corruption et autres délits.

La Cour européenne des droits de l’homme a souligné à plusieurs reprises que « la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique », mais a laissé aux autorités compétentes de l’État d’adopter, en leur qualité de garantes de l’ordre public, des mesures même pénales à l’encontre de ceux qui nuisent à l’ordre établi.

La difficulté réside dans le fait que l’ordre établi ne repose pas toujours sur les fondements démocratiques. En effet, pour ceux qui sont aux plus hauts niveaux du pouvoir politique, l’important c’est d’être élus, ensuite ils font à peu près ce qui bon leur semble, en ne respectant pas obligatoirement et scrupuleusement la volonté de la majorité des citoyens. Autrement dit : parmi leurs décisions, ils prennent aussi des décisions qui ne sont pas démocratiques, qui ne respectent pas la volonté de la majorité des citoyens.

Donc l’ordre établi dans les sociétés, qui officiellement se disent démocratiques, n’est pas toujours un ordre qui est entièrement démocratique.

Par conséquent, ce qui compte en priorité, ce n’est pas d’éliminer ce qui nuit à l’ordre établi, mais d’éliminer ce qui nuit à la démocratie. Le critère supérieur n’est pas l’ordre établi car il se peut que cet ordre ne repose pas entièrement sur des fondements démocratiques. La démocratie véritable, c’est-à-dire le respect de la volonté de la majorité des citoyens lors de la prise de chaque décision, est le critère supérieur.

Et pour garantir la démocratie, il faut que la complète liberté d’expression soit assurée.

En démocratie chaque individu doit avoir le droit :


- d’avoir des opinions quelles qu’elles soient ;
- de les exprimer ;
- de les propager.

De cas nombreux montrent qu’obliger les gens à adhérer à des doctrines officielles revient à instaurer la dictature de la pensée unique.

Pour illustrer la nécessité de disposer de ce droit individuel d’avoir une opinion quelle qu’elle soit et de pouvoir la propager publiquement, examinons d’abord le cas de la doctrine officielle de « laïcité » de l’État français.

Précisons qu’ici nous n’allons pas discuter sur l’existence de Dieu. De même nous ne discutons pas ici sur le bien fondé de la théorie de l’évolution ou de la théorie de la création. Le présent point de discussion concerne uniquement la liberté de croire.

La position officielle de l’État français concernant la non-existence de Dieu est défendue par les représentants de l’État qui sont payés pour propager cette position officielle. Les programmes de l’Education nationale présentent la théorie de l’évolution comme étant la vérité absolue. Cependant est-ce que ça veut dire qu’un citoyen n’a pas le droit de s’opposer à cette « preuve scientifique » ? Même si « la science a prouvé que Dieu n’existe pas », un citoyen a bien le droit d’avoir et d’affirmer l’opinion contraire et de vivre en accord avec sa foi en Dieu.

Le fait qu’il ne faut pas mettre en cause la liberté de croire en Dieu est l’exemple type qui montre que l’État ne doit pas interdire les opinions, quelles qu’elles soient, y compris quand la science a, paraît-il, démontré que ces opinions ne reposent pas sur des faits objectifs.

Si quelque chose est « scientifiquement prouvé », le citoyen a néanmoins le droit de l’accepter ou bien de le refuser.

Lors de l’accident nucléaire en 1986, il a été « scientifiquement prouvé » en France que le nuage radioactif de Tchernobyl n’a pas atteint le territoire de la France : des politiques au pouvoir, ainsi que des scientifiques à la solde des politiques, l’ont à l’époque tranquillement affirmé. D’autres scientifiques ont depuis prouvé le contraire : le nuage radioactif de Tchernobyl a largement atteint le territoire de la France.

De nombreux exemples existent qui montrent comment les scientifiques, économistes, historiens, etc. fournissent des « vérités scientifiques » d’après ce que leur commandent les politiques qui détiennent le pouvoir ou les lobbies industriels qui financent la recherche.

D’une part, les scientifiques falsifient parfois volontairement leur « démarche scientifique ».

D’autre part, même quand la démarche est honnête, la science ne peut jamais affirmer qu’elle détient la vérité ultime et absolue. Cette certitude n’existe pas. Dans les sciences fondamentales, les lois s’appuient au mieux sur des probabilités fortes. Dans les sciences humaines, les doctrines sont bâties en partant des hypothèses sélectionnées selon les affinités personnelles des scientifiques.

Par exemple, il y a dans le domaine de l’économie des chercheurs ayant reçu le prix Nobel. Ils connaissent très bien leur domaine d’activité. Mais souvent, entre eux, ils ne partagent pas les mêmes points de vue, leurs opinions sur les questions d’économie divergent parfois complètement. C’est ainsi parce que quand un individu construit son analyse, parmi les faits connus il choisit les faits qui lui semblent les plus importants, pas uniquement de façon rationnelle, mais aussi par des critères inexprimés d’expérience de la vie et de sensibilité personnelle.

Par exemple, les historiens, selon ce qu’ils veulent prouver, mettent en avant certains faits et occultent d’autres faits, choisissent de qualifient certains combattants armés de résistants et d’autres de terroristes, etc.

Les politiques ne doivent pas imposer aux citoyens la dictature de ce qu’il est permis de croire et de ce qu’il est interdit de penser et de dire. Il ne peut pas y avoir de domaines, de sujets, de questions, où les politiques au pouvoir décideraient par la loi quelle est la vérité officielle, soi-disant « scientifique » et où ils interdiraient - sous peine de condamnations pénales - aux citoyens d’exprimer et de défendre d’autres opinions ou d’autres visions du monde. Tout citoyen a le droit d’exprimer et de propager ses opinions quelles qu’elles soient.

Il faut insister : même si quelque chose est « scientifiquement prouvé », le citoyen a néanmoins le droit de l’accepter ou bien de le refuser et d’affirmer sa propre vérité.

Questions
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Quelques questions qui pourraient être proposées sur ce thème de la liberté de pensée :
A- Est-ce la volonté de la majorité des citoyens qui devrait décider sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression ?
B- Est-ce la volonté des groupes les plus bruyants de la population qui devrait décider sur la liberté d’expression, les groupes qui ont accès aux médias, qui prétendent mieux savoir ce qui est dans l’intérêt de la majorité ?
C- Ou bien est-ce que les politiques seuls devraient décider sur la liberté d’expression ?

La liberté d’expression n’existe pas en France où les décisions qui limitent la liberté de parole sont prises selon ce qui est décrit ci-dessus en points B et C. La volonté de la majorité des citoyens n’est pas prise en considération lorsque ces décisions liberticides sont prises. Cette façon de décider ce qu’il est interdit de dire est-elle une façon démocratique d’agir ?

Nous devons être en faveur de la liberté d’expression sans restrictions. La complète liberté d’expression est une des deux conditions de la démocratie. Si quelqu’un n’aime pas ce qu’un citoyen écrit ou dit, il peut ignorer ses mots. Ou bien croyez-vous que quelques petits cercles d’individus peuvent décider et forcer tous les autres (la majorité) à limiter leurs discours uniquement aux mots et phrases autorisés par ces quelques petits cercles d’individus ?


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