La loi de 1905 de séparation de l’église et de l’État

par C BARRATIER
lundi 22 janvier 2024

 

Loi de 1905

Une longue histoire avec des avancées, des reculs jusqu’à aujourd’hui

La loi de 1905 fut ressentie par les catholiques comme anti religieuse, alors qu’elle n’est qu’anti cléricale, le cléricalisme étant l’exigence catholique de donner tous les pouvoirs dans notre pays à des clercs, des prêtres, des évêques et de bloquer ceux des non clercs.

 Le clergé perd en 1905 son pouvoir hégémonique, sans que la République le freine dans ses actions religieuses.

 

D’ abord une conquête par des Résistants

La première résistance à l’hégémonie catholique liée à la Royauté, fut le fait des protestants revendiquant leur liberté de conscience, et Louis XIII dut faire le siège de Privas, tenu par les protestants. Quand ils se rendirent, ils furent massacrés.

 Mais les rois ne vinrent jamais à bout de cette résistance, malgré les dragonnades de Louis XIV, partout dans le Vivarais, les camisards (huguenots) vaincus continuèrent leur résistance dans leur famille, et dans des assemblées dites du désert (dans la nature, dans des grottes),

 

1789

Cette résistance fut la brèche dans laquelle s’engouffrèrent les révolutionnaires de 1789. La déclaration des droits de l’homme et du citoyen d’août 1789, donne aux protestants et aux juifs la liberté de leur culte, les catholiques gardant bien sûr la leur.

En mars 1795 la Convention proclame par décret que « la République ne salarie aucun culte. »

 

 

Recul avec un nouveau Louis 14

 

Napoléon Bonaparte renverse la situation, en 1801 après son coup d’Etat. Par un concordat la religion catholique redevient religion d’Etat, les prêtres sont des fonctionnaires salariés de l’Etat qui n’est plus la République. Et surtout, les évêques, également salariés de l’Etat, sont choisis en fonction de leurs opinions politiques, de leur allégeance, au lieu d’être choisis par l’église catholique à partir de ses propres exigences. La religion catholique est instrumentalisée par Napoléon.

 

Cependant, le code civil, dit code Napoléon (1804) ne contient aucune référence religieuse.

 

Anti clérical qui maintient le concordat, Emile Combes

Lorsqu’en 1902, les radicaux soutenus par les socialistes menés par Jean Jaurès obtiennent la majorité à l’Assemblée nationale, le concordat est toujours en vigueur. Emile Combes qui a formé le nouveau gouvernement ne fait pas avancer la séparation des églises et de l’Etat, il garde le concordat, pour garder son pouvoir sur les évêques. Ainsi, il veut bien que l’Etat soit chez lui, mais il ne veut pas que l’Eglise soit chez elle.

En matière scolaire, il ferme plus de 3000 écoles des congrégations religieuses, ce qui entraîne le pape des catholiques Pie X à rompre les relations diplomatiques de son Etat, le Vatican, avec la France.

 

L’égalité, un pas vers la loi de 1905

La première constitution de la France du 3 septembre 1791 expose dans son préambule :

« Il n’y a plus ni noblesse, ni pairie, ni distinctions héréditaires, ni distinctions d’ordres, (j’en passe), ni aucune autre supériorité que celle des fonctionnaire publics dans l’exercice de leurs fonctions ».

La déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui suit le préambule donne les mêmes droits à chacun. C’est l’égalité qui fait partie de la laïcité, celle-ci ne reconnaissant aucune supériorité d’un prétendu noble ou d’un chef religieux.

L’égalité est individuelle, seuls les individus sont titulaires de droits, pas les groupes quels qu’ils soient.

C est le contraire du communautarisme anglo saxon. Accorder des droits particuliers à des groupes comme au Royaume Uni, romprait l’égalité entre les citoyens, qui, en France ne sont nullement obligés de s’inscrire dans des groupes.

 

Modernité, conséquence de l’égalité, celle des hommes et des femmmes

Peu après Olympe de Gouges proclame la « Déclaration des droits de la Femme » considérée inférieure à l’homme dans les trois religions du Livre. Sa destinée était de faire des enfants et de rester à la maison. Cela va changer.

La séparation du droit civil, la loi des hommes, de la loi des religions entraînera le droit encadré à l’avortement, la gratuité de la contraception.

 

L’état civil enlevé aux églises

En 1792, les registres des mariages et des naissances sont remis aux communes et ne dépendent donc plus des curés. C’est la création de l’tat civil.que Napoléon conservera. On introduit le divorce, que l’Eglise catholique interdisait.

La République est proclamée le 22 septembre 1792, séparation déclarée de l’Eglise et de l’Etat.

C’est la République  laïque et sociale (que réclamera Jean Jaurès).Le social est un droit, ce n’est pas la charité religieuse, rarement désintéressée d’ailleurs, aidant ses ouailles ou en attirant d’autres. L’Etat, les départements, les communes, les services publics, assurent le « social »

En 1795, la constitution de l’an III dit :

« Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’un culte. La République n’en salarie aucun.

 

Nouveau recul

Cependant la loi Guizot de 1833 qui institue les écoles publiques, y maintient l’instruction religieuse obligatoire. Et les Français vont vivre une marche à reculons, avec des lois réactionnaires

La Révolution de 1848 et la proclamation de la seconde République, aboutit en effet à l’élection d’une assemblée nationale qui donne finalement une majorité cléricale avec Thiers.

 La loi Falloux de 1850 organise le monopole des congrégations religieuses sur l’enseignement primaire, malgré la forte intervention de Victor Hugo à l’Assemblée nationale contre le parti clérical. Je cite Victor Hugo qui demande

 

« l’Eglise chez elle, l’Etat chez lui »

La loi de 1905 si longuement élaborée peut être abimée, trahie par d’autres messieurs Thiers.

Qu’expose cette loi ?

 

La loi de 1905 proclame en premier lieu la liberté de conscience : "La République assure la liberté de conscience". Elle a pour corollaire la liberté religieuse, la liberté d’exercice du culte et la non-discrimination entre les religions.

Elle pose en second lieu le principe de la séparation des Églises et de l’État : "La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte". Il est mis fin au Concordat instauré en 1802 qui régissait les relations entre l’État et les cultes. Jusqu'alors, l’État reconnaissait quatre cultes (catholique, réformé, luthérien, israélite) qui étaient organisés en service public du culte. L’État payait les ministres de ces cultes et participait à leur désignation ainsi qu’à la détermination des circonscriptions religieuses. Les autres cultes n’étaient pas reconnus.

L’État se veut désormais neutre. Il n’y a plus du tout de religion légalement consacrée. Tous les cultes sont traités de manière égale. Les associations de libres penseurs (athées) aussi.

Le régime de séparation a plusieurs conséquences, prévues par la loi :

 

Ainsi, l’église est chez elle, elle a dans sons sein tous les pouvoirs, et n’est plus assujettie au pouvoir politique, contrairement à ce qui se passait sous le long Concordat. L’Etat est aussi chez lui, l’Eglise ne peut lui dicter ses lois. Victor Hugo est exhaussé.

Des résistances à la loi de 1905, mais aussi des soutiens vont se manifester.

Contre la loi de 1905

Xavier de Beauvais, ancien curé de la paroisse de St Nicolas de Chardonnet, conseiller doctrinal de l’association catholique intégriste « Civitas » a fait un discours intitulé « Sus à la laïcité » lors de la « Fête du pays réel », à Rungis, le 24 mars 2018 :

« Pas de laïcité dans nos quartiers. La laïcité, avec la loi de 1905, est un produit de la Franc Maçonnerie, c’est une conception naturaliste de la vie qui introduit l’athéisme dans le domaine politique, social, scientifique. Pour l’Etat l’homme est la valeur suprême, alors que c’est Dieu….La laïcité est la peste de notre époque. On passe d’une société basée sur le catholicisme à une société basée sur le principe de la laïcité. Le pluralisme conduit à l’anarchie. Aujourd’hui la France n’est plus chrétienne. Il faut avoir le courage de combattre les principes de la Révolution avec Charles Maurras. Jamais nos enfants n’iront dans une école où on a enlevé le crucifix. La laïcité est une nouvelle religion, celle de l’homme qui se fait Dieu, elle est injuste car elle abandonne les évangiles. Les chefs de la laïcité doivent être traduits en Haute Cour ».

 Dans la même Fête du Pays réèl, Virginie Vota, écrivaine catholique anti féministe, royaliste, affirme

« Le féminisme est la conséquence inéluctable du renversement de l’ordre naturel » 

Parentés ?

Nous notons la parenté de cette expression anti laïque avec celle de Nicolas Sarkozy qui, au nom de la France, car il était président de la République, dans la basilique St Jean de Latran, à Rome, a dit, je cite :

« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance ».

Curieux rapprochement, Hitler, dans son discours du 26 avril 1933, précise, je cite :

« Les écoles laïques ne doivent pas être tolérées, car elles ne dispensent pas l’instruction religieuse, et une éducation morale sans fondement religieux est construite sur du vent. En conséquence, la formation du caractère doit venir de la foi, nous avons besoin d’un peuple croyant ».

Le nazisme s’en prenait aux Francs maçons, comme Xavier de Beauvais.

De nos jours la loi de 1905 reste menacée

 « L’Action française du 20 octobre 2011 titre ; 2012, en finir avec la République.

D’un autre côté, les intégristes musulmans ne veulent pas de la loi des hommes. La France connaît les pires attentats, Charlie Hebdo, le Bataclan…

Le journaliste ancien grand maitre du Grand Orient de France Patrick Kessel, le 28 novembre 2015, à Lyon s’exprime dans un colloque organisé par l’Union Régionale des Fédérations des Œuvres Laïques de Rhône Alpes et le Cercle Condorcet.

« Nous affrontons une idéologie qui est fondée sur la haine de l’Occident, une idéologie qi repose sur la peur des femmes, qui se développe sur la haine de la vie, et c’est surtout une idéologie qui prend une immense majorité de musulmans en otages, qui cherche à développer la guerre civile.

Nous sommes pris en étau entre d’un côté la montée d’un islamo fascisme qui veut draguer nos jeunes paumés, et de l’autre côté la montée d’une extrême droite qui se sert de la peur suscitée pour essayer de gravir les échelons du pouvoir.

Faut-il désespérer ?

Les défenseurs de la laïcité sont nombreux, toutes les loges maçonniques, des philosophes ayant une large audience comme Henri Pena Ruiz, Monique-Carillon, présidente de l’association « Chrétiens pour une Egalité dégagée de l’Ecole confessionnelle (CEDEC), Pierre Jourde, Professeur à l’Université de Grenoble/Valence, Caroline Fourest, Michèle Vianès de Caluire (Rhône), qui au plan mondial, à l’ONU, fait avancer l’égalité hommes femmes.

Suite à l’assassinat de Samuel Paty, Henri Penna Ruiz écrit le 22 octobre 2020 dans « Mariane »/

« On ne peut se taire devant l’infamie d’un acte barbare qui s’en prend à l’humanité de l’homme, à l’école, à la République. Et il faut bien s’interroger sur les causes qui ont favorisé cet acte, à défaut de l’avoir produit directement.

La première de ces causes, c’est l’abandon graduel de la lutte culturelle contre le détournement de sens imposé par les Frères musulmans, qui ont voulu appeler islamophobie le racisme qui s’en prend aux personnes. Ce n’est pourtant pas le vrai sens du terme, qui veut dire la peur de la seule religion musulmane. Cet abandon est une lâcheté aux lourdes conséquences, dont entre autres la violence mortifère présentée indûment comme une résistance légitime.

La deuxième cause, c’est le rôle néfaste de certains parents d’élèves, pour l’instant minoritaires, qui, au nom de leurs traditions, refusent l’école laïque son rôle émancipateur. Ce faisant ils nuisent à leurs propres enfants.

La troisième cause, c’est une lâcheté d’un autre type : celle d’une hiérarchie administrative obsédée par le souci de ne pas faire de vagues, qui en vient à désarmer la volonté d’émancipation des enseignants.

Il n’est pas étonnant qu’aujourd’hui dans les grandes agglomérations de nombreux enseignants du secteur public cherchent à changer d’emploi, et que les concours d’accès au professorat manquent de candidats.

La loi de 1905 n’est pas appliquée partout, des départements du grand Est ont encore leurs prêtres, évêques, pasteurs, rabbins, imams payés par l’Etat français.

 

A noter que le délit de blasphème hérité du code pénal allemand qui subsistait encore dans le droit local a été supprimé le 21 juin 2016. par le Président François Hollande à Strasbourg lors du congrès commémorant les 150 ans de la Ligue de l’Enseignement

Que nous a dit la déléguée du Bas Rhin ?

 

« Savez vous qu’avant 1968, Laïcité était un mot tabou en Alsace ? Savez vous qu’à cette époque la Fédération des Oeuvres Laïques devait s’appeler Fédération des Oeuvres péri et post scolaires sous peine de ne pas obtenir de subventions ? Savez vous quel’association « la Jeunesse au Plein Air » n’a pu exister dans notre département qu’à partir de 1981 ! Savez vous qu’aujourd’hui encore en tant qu’ancien Président de la Ligue de l’Enseignement de notre Département, dans certaines instances il était préférable de représenter La Ligue plutôt que la Fédération des Ouvres Laïques !

 

La débâcle de la guerre de 1870 a entraîné l’annexion de l’Alsace Moselle à L’Empire Prussien. Pendant ce temps la France établissait l’école Publique de Jules FERRY, adoptait la loi de 1905 portée par Aristide BRIAND, et à la fin de la 1ère guerre mondiale, le retour de nos départements annexés, au sein de la France Républicaine ne s’est pas traduit par une application simple des lois en vigueur, ceci à cause d’une opposition farouche de la population instrumentée et téléguidée par les responsables ecclésiastiques, l’évêque de Strasbourg en particulier.

 

Le gouvernement d’alors dans un souci d’apaisement a admis un statut dérogatoire pour nos trois départements reposant sur les lois antérieures à 1870 plus quelques autres promulguées par Bismark. C’est ainsi qu’en ce qui concerne les cours de religion dispensés dans nos écoles par les instituteurs sont l’application pure et simple des lois Falloux.

 

Quand même les choses ont commencé à évoluer en 1974 avec la fin, pour les instituteurs et les institutrices, de l’obligation d’enseigner la religion d’une part et de déclarer d’autre part leur appartenance religieuse.

 

Suivront la fin des étiquettes confessionnelles des postes, puis, pour les instituteurs et institutrices, la possibilité de se porter volontaires pour enseigner la religion sans, pour les autres, à demander la dispense.

 

 la liberté de conscience de nos maîtres d’école apparait enfin, il faut constater aussi qu’au fil du temps ils perdent la foi et le nombre de ceux qui croient au paradis est très faible.

 

 Pour les parents aussi, cela évolue après avoir longtemps été obligés de demander pour leurs enfants la dispense de l’enseignement religieux, nous en sommes maintenant à la possibilité pour les parents de demander à ce que leurs enfants suivent telle ou telle religion (catholique majoritairement, protestante plus modestement, israélite quasiment insignifiante) ; cela ne se réfère à aucun texte officiel, simplement à une circulaire d’origine locale de notre institution

 

Ne subsiste dans le statut que l’heure de religion donnée par des catéchistes toujours dans le cadre des 24 H hebdomadaires d’enseignement obligatoire, ce qui prive les élèves alsaciens de quelques 30 H d’enseignement général dans l’année !

 

Il est à noter que d’années en années le nombre d’élèves perdant la foi est en constante augmentation, quelques écoles de la périphérie de Strasbourg n’organisent plus ces cours faute de clients.

 


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