La Loi El Khomri : du Code du travail au Code de non-droit ! Volet N° 3

par Nicole Cheverney
mardi 29 mars 2016

Le projet de la loi El Khomri pur produit de la doctrine archaïque de "souveraineté patronale", vient en quelques textes démolir le travail de 150 ans de luttes sociales.

Soyons-en sûrs, la destruction de tous les droits et du Code du travail est désormais assurée dans le privé, le public, jeunes et moins jeunes, si cette loi devait passer.

Mais pour mieux nous en rendre compte, voici le décryptage des points principaux de cette loi. Je m'appuie pour le faire, sur un document très détaillé du Syndicat CGT/ Bouches du Rhône, diffusé en mars 2016.

Sur la Durée du Travail :

Actuellement, la durée MAXIMALE du travail est de 10 heures par jour, et peut aller jusqu'à 12 heures, l'autorisation de l'inspection du travail est un préalable obligatoire.

Avec la loi El Khomri  : la durée sera toujours de 10 heures, mais pourra monter jusqu'à 12 heures par simple accord d'entreprise.

Actuellement la durée quotidienne légale EST DE 35 HEURES par semaine, LA DUREE MAXIMALE elle, est de 48 heures par semaine (en moyenne 44 heures sur 12 semaines), elle peut dans certains secteurs atteindre une durée maximale de 60 heures mais avec l'autorisation expresse de l'inspection du travail.

Avec la loi El Khomri, elle sera toujours de 35 heures, 48 heures durée maximale, (44 heures sur 16 semaines, contre 12 aujourd'hui). Les 46 heures pourront être atteints sur simple accord d'entreprise.

Le FORFAIT-JOUR étendu : 

La France est le seul pays d'Europe a conserver le forfait-jour. En effet, le temps de travail n'est plus défini en heures, mais en jours, sans protection contre les durées ou charges de travail excessives. A telle enseigne que la France a été condamnée 4 fois sur ces dispositions dignes du XIXe siècle, par le Comité Européen des Droits Sociaux. Sans résultat.

Les forfait-jour conduisent à travailler 46 h 30 en moyenne, induisant des effets sur la santé.

Avec la future loi, les entreprises de moins de 50 salariés n'auront plus besoin d'accord collectif. Les 11 heures de repos quotidien consécutifs cumulables pourront être " fractionnés au bon vouloir du Chef d'Entreprise au mépris du droit de déconnexion". Et l'obligation donnée à l'employeur par le code du travail, en matière de santé et de sécurité ne pourra plus être remise en cause. Cette loi ne préserve pas les salariés, mais les intérêts des chefs d'entreprises. Et si un salarié ne peut prendre ses temps de repos, la reponsabilité n'en incombera plus à l'employeur.

TEMPS DE TRAVAIL CALCULE SUR TROIS ANS !

Actuellement, afin de se dégager du paiment des heures supplémentaires sur la semaine (au delà de 35 heures), le Chef d'entreprise calcule le travail sur une période plus étalée. (Les heures supplémentaires sont payées au-delà de 1607 heures /an).

En l'absence d'accord (les heures supplémentaires sont payées au-delà de 151,6 heures par mois).

Mais avec la loi El Khomri, cela pourra se faire sur une durée allant jusqu'à... 3 ans !

LES ASTREINTES :

De nombreux métiers spécifiques nécessitent des temps d'astreintes, de nuit, les jours feriés, etc....

Les temps d'astreintes doivent obligatoirement s'ajouter aux temps de repos.

Avec la future loi : le temps d'astreinte sera déduit des temps de repos.

Les APPRENTIS-MINEURS :

Le temps de travail des apprentis de moins de 18 ans ne doit pas dépasser 18 heures par jour. 35 heures par semaine.

Avec la future loi  : le temps de travail des apprentis mineurs pourra atteindre 10 heures par jour et 40 heures par semaine sur simple décision de l'employeur.

A ce stade-là de la loi, un autre aspect non néligeable doit être mis en exergue.

C'est ce que l'on appelle la hiérarchie des normes.

Elle sera inversée.

Explications. Jusqu'à présent, la loi primait sur l'accord de branche qui primait sur l'accord d'entreprise et c'était l'accord le plus favorable aux salariés qui devait l'emporter.

En 2008, la loi Fillon coupe l'herbe sous les pieds au législateur, en donnant un véritable coup d'arrêt à la "hiérarchie des normes".

Désormais, la loi El Khomri entérine la loi Fillon, ce sera l'accord d'entreprise, qui prévaudra sur l'accord de branche.

Car actuellement, les négociations en entreprise comportent plusieurs niveaux :

1/ les accords nationaux interprofessionnels transposés dans la loi

2/ la branche professionnelle

3/ L'Entreprise et l'Etablissement.

Avec la Loi El Khomri :

Des accords de groupe seront possibles, mais sans critères de représentativité bien spécifiques. Or, la financiarisation du monde de l'entreprise devenu volatile et instable avec rachats, regroupements, montages financiers, actionnariat, etc... la liberté restera entière au patron de définir lui-même le niveau de négociation qui lui sera le plus avantageux possible.

LES LICENCIEMENTS.

C'est un des morceaux des plus indigestes de la loi El Khomri, un recul social de grande envergure. Avec la précarisaion du travail, le chômage exponentiel, le chantage à l'emploi s'est généralisé. C'est d'ailleurs devenu le crédo patronal.

"En cas de difficultés conjoncturelles", l'employeur négociait avec les syndicats un accord de maintien de l'emploi, avec ou sans diminution de salaires, hausse du temps de travail, etc... mais sur une durée de 5 ans maximum.

Et si le salarié refusait l'application de l'accord, il pouvait être licencié pour motif économique. Mais l'employeur s'exposait en cas de contestation, à verser auprès du salarié licencié, de très lourdes indemnités après condamnation du juge des prud'hommes.

Avec la loi El Khomri : le dispositif actuel étant conservé vient se rajouter de nouveaux types d'accords de "préservation" ou de "développement" de l'entreprise ou de l'emploi, mais fait nouveau, ces accords ne se limitant plus aux entreprises en difficultés, ils s'étendent aux autres. C'est ainsi que reprenant le principe du licenciement économique du salarié, en invoquant la baisse des commandes, ou autre motifi falatieux, si le salarié refuse de voir son contrat de travail modifié suite à cet accord, il sera licencié pour ... MOTIF PERSONNEL !

La Cause "réelle et sérieuse" du licenciement du fait de la nouvelle loi, rendra impossible pour le juge des Prud'hommes de le démontrer. (A la différence du licenciement économique).Le salarié considéré "dès lors comme fautif par son refus de se voir appliquer l'accord".

Bien sûr, cette disposition n'a pas été prise à la légère, il fait partie de la logique du Patronnat de "tirer vers le bas la qualification et de généraliser les logiques de déclassement".

Nous pouvons d'ores et déjà considérer que la Loi El Khomri LEGALISE LES LICENCIEMENTS ABUSIFS !

Si aujourd'hui, les juges des Prud'hommes déclarent un licenciement abusif sans motif réel et sérieux, l'employeur est condamné à verser au salarié des indemnisations. Elles sont déterminées selon le préjudice subi et prennent en compte la situation personnelle du salarié.

exemple : 6 mois de salaire pour les salariés des entreprises de + de 10 salariés ayant 2 ans d'ancienneté.

2015 : MACRON a fait voter une loi de plafonnement des indemnités.

La loi El Khomri entérine bien entendu la loi MACRON.

Le plancher d'indemnisation du salarié en cas de licenciement abusif ayant 5 ans d'ancienneté ou moins (6 mois). Et 15 mois de salaires pour les salariés ayant plus de 20 ans d'ancienneté !

Le rôle des juges des Prud'hommes sera réduit à sa plus simple expression, puisque ils n'auront plus la possibilité d'apprécier la réalité du préjudice subi dénonce le Syndicat des Avocats de France.

Jusqu'à présent, la protection en matière de licenciement c'était "la clé de voûte du code du travail".

La loi El Khomri musèle le salarié.

MAIS LES LICENCIEMENTS ECONOMIQUES... ne pouvaient se faire qu'en cas de faillite et de fermeture, réorganisation, et il fallait le justifier. Ce ne sera plus nécessaire désormais. Même si le groupe ou secteur d'activité est rentable et bénéficiaire.

Les Conséquences :

Un licenciement pour cause économique dans un secteur-clé d'économie impactera les sous-traitants et l'ensemble de la population, par exemple, dans un bassin d'emplois. Et ce sera à la collectivité et donc aux contribuables d'éponger l'ardoise.

La loi El Khomri s'en prend également aux TRAVAILLEURS INDEPENDANTS.

En effet, jusqu'à présent, ce statut très précaire dès l'origine, sera touché évidemment par la loi.

Il était possible pour un auto-entrepreneur d'être requalifié comme salarié, dès lors que le lien de subordination avec le donneur d'ordre était établi.

Ce ne sera plus possible, d'autant que le statut de travailleur indépendant et d'auto-entrepreneur n'a aucun droit, aucune protection en fin de contrat, tout juste un accès aux minima sociaux.

Pour conclure, je dirais que les ultra-libéraux, les capitalistes n'ont aucune mesure : ils ne comptent certainement pas s'arrêter en si bon chemin, puisque nos différents Codes, issus du droit romain, semblent les gêner grandement. Avec l'arrivée de Tafta, attendons-nous à de profonds bouleversements.


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