La Marine n’était pas en noir... ?
par morice
lundi 16 avril 2012
Le Front National, malgré ce qui a pu en être dit aujourd'hui avec son ravalement de façade ne changera jamais. Parti qui reste fort peu disert sur lui-même, devenu ses dernières années un parti purement familial, il cultive sa part de mystère (l'origine floue de la fortune de son leader qu'a osé rappeller Eva Joly durant cette campagne, ce qui est une bonne chose) et il entretient ses zones d'ombres (ses évictions à la pelle de sympathisants devenus trop encombrants pour leur propension à lever le bras droit devant des appareils photographiques ou à critiquer la direction du parti). Hier, c'est un autre pan de cette image manipulée par ses dirigeants qui est apparue, avec le silence complet apparu sur la disparition d'une de ses grandes figures. Le FN est en effet trés certainement le seul parti au monde à ignorer autant le décès d'un de ses fondateurs ! C'est pourtant ce qui vient d'arriver avec la disparition de François Brigneau, à propos duquel le parti qu'il avait créé n'a pas eu un seul mot. Ce n'est sans doute pas le moment pour la blonde fille à son père de rappeler sur quels fonds baptismaux politiques elle a été ointe... On le comprend à moins : au moment où elle tente de présenter un parti repeint à neuf, il ne fait pas bon révèler les couches épaisses précédentes qui ont été apposées depuis la création d'un parti aux tendances fascisantes évidentes. Brigneau a donc été porté en terre (de France !) en catimini, une fin dérisoire pour un ancien collaborateur de Vichy qui avait tant rêvé d'être un jour sous les projecteurs de la notoriété.
Dans leur livre-référence paru en 1992, Les droites nationales et radicales en France, Jean-Yves Camus et René Monzat écrivent : "Emprisonné à Fresnes, il subit l'influence de Robert Brasillach, et restera lié à son beau frère, Maurice Bardèche". Bardèche fut l'un des plus influents propagateurs du négationnisme, dont le héraut est on le sait depuis René Faurisson. La collaboration et le négationnisme, étroitement liés, on le sait : "de manière détournée, François Brigneau qui n’a jamais renié ses convictions maréchalistes, avait rendu hommage à l’écrivain collaborationniste en publiant « Mon après guerre », le pendant de« Notre avant guerre » de Robert Brasillach".
Un enterrement de seconde classe, voire de troisième ; donc, où l'hypocrisie était partout rappelle Libération : "Bien que n’étant pas baptisé, François Brigneau aura été accompagné de deux prêtres traditionnalistes en soutane, récitant le « je vous salue Marie » de Chartres et chantant le « dio salve regina » en latin." Depuis que les frontistes font manifestation commune avec les salafistes de Forsane Alizza, tout se perd, semble-t-il ; même le bon usage du goupillon, jamais trop loin du sabre, il est vrai.
Une blonde qui a des excuses, pour ne pas se rendre à l'enterrement, car elle avait autre chose à faire ce jour-là, il est vrai : "Marine Le Pen continue son compagnonnage avec l'extrême droite italienne. Vendredi 13 avril, elle a rencontré, au siège du Front national à Nanterre, Francesco Storace, leader du parti d'extrême droite italien La Destra (La Droite). Ancien membre du MSI, le parti néofasciste transalpin, il a ensuite participé à sa transformation en Alliance nationale, qui finira par devenir un parti de droite gouvernementale, sous l'impulsion de Gianfranco Fini. Il y incarnait "l'aile dure". Storace, qui a été un "éphémère ministre de la santé (2005-2006) sous Silvio Berlusconi". Ah, tiens, comme quoi les vieux dinosaures français sont enterrés, mais leurs descendants italiens sont honorés... discrètement : pas de photos au siège du parti comme on aurait pu en faire dans un cimetière ! C'est la stratégie de la fille, calquée intégralement sur le goût du secret du père. Car les liens avec les fascisants européens existent bel et bien et sont même entretenus par une équipe spéciale : "de l'autre côté des Alpes, Marine Le Pen profite aussi des contacts de Frédéric Chatillon, ancien leader du GUD, et de Jildaz Mahé O'Chinal. Ces derniers, qui s'occupent par ailleurs de la communication de Mme Le Pen, sont présents à chaque déplacement de la présidente du FN en Italie, où ils semblent jouer le rôle d'entremetteurs". Les mêmes Chatillon et O'Chinal ayant effectué un voyage fort médiatisé il n'y a pas si longtemps en compagnie de Dieudonné pour se rendre... en Syrie, aller saluer Bachar el Assad, qui, comme on vient de le voir, cultive un amour prononcé pour son peuple, en beau néo-fascisant qu'il est également.
Légende de la photo : "Syrie, été 2006. De gauche à droite : Ahmed Moualek, du site La banlieue s'exprime, Dieudonné, Thierry Meyssan du Réseau Voltaire, Alain Soral et Frédéric Chatillon". On devrait faire davantage circuler ce cliché, pour rappeler qui a fait la promotion de Bachar el Assad en France en 2006...
Le constat est là et sans aucune ambiguité : "le FN est assez embarrassé par la mort de Brigneau. Aucun communiqué officiel n'est paru après sa mort. Marine Le Pen ne le portait pas dans son coeur, et c'était réciproque. Au Front, seul Bruno Gollnisch avait publié sur son blog un billet qui a ensuite été rapidement retiré." Retiré en raison de quoi et sur ordre de qui, voilà bien toute l'ambiguité d'un parti qui ne dira jamais ce qu'il fait vraiment, même à ses propres adhérents. Chez le FN, parti complotiste s'il en est, c'est comme les X-Files : chez eux, la vérité est obligatoirement ailleurs. Et la Marine bien des raisons (électoralistes) de ne pas se montrer en noir ce vendredi 13 là...