La menace pandémique H1N1 est une construction perceptive des experts et des médias

par Bernard Dugué
jeudi 19 novembre 2009

En complément de l’étude que j’ai proposée dans mon essai sur la grippe*, voici quelques éléments pour comprendre les ressorts de cette pandémie telle qu’elle s’est propagée dans les médias, avec la diffusion par les autorités sanitaires de données scientifiques et épidémiologiques. Autrement dit, les communiqués de l’OMS et des experts sanitaires, secondés par les annonces spectaculaires de décès. La menace pandémique de 2009 repose sur une construction rationnelle des autorités, appuyée par des relais émotionnels que sont les médias de masse.

Quelle est la différence entre une perception construite et une perception directe ? En fait, il n’y a pas de perception authentiquement directe à travers les médias. Seul, le témoin d’un événement peut se prévaloir d’une perception de la réalité. Néanmoins, il existe deux ordres de faits. Un tsunami, par exemple, est un événement se livrant sans détour aux caméras. Cette immense vague est un phénomène objectif naturel, aux contours délimités, circonscrite dans l’espace et dans le temps, dont les effets sont visibles, dégâts matériels et humains. On peut donc penser qu’il n’y a pas de distorsion de l’information, même si les médias auraient tendance à sélectionner quelques images pour générer de l’émotion. Et c’est même pour la bonne cause si ça peut favoriser les dons, dirait le spectateur moyen non sans quelque angélisme. Une tribune qui s’effondre, une tempête hivernale, une manifestation syndicale, tous ces événements sont transmissibles sans distorsion autre que la sélection et le montage des séquences filmées. En plus, ces faits obéissent à une logique du tiers exclu. Ils se produisent, ou bien ils ne se produisent pas. Et ils sont individualisés.
 
Lorsqu’il convient de statuer sur une épidémie ou une pandémie, la prise en compte des faits suppose un filtrage rationnel et un ensemble d’évaluations statistiques. Les épidémiologistes construisent ainsi le déroulement d’une pandémie en collectant les données fournies par les médecins et les centres de soin. Deux critères sont pertinents, la mortalité et la morbidité. De plus, la mortalité suppose qu’on évalue l’impact réel du virus. Souvent, le patient affecté décède d’une insuffisance respiratoire aiguë mais il faut savoir qu’il existe plus d’une dizaine de causes conduisant vers ce syndrome. Les experts sanitaires ne livrent pas une perception directe de la grippe mais une perception construire et donc, biaisée par les limites de calculs, de détection, et différents facteurs pouvant déformer les statistiques. Les machines sanitaires livrent donc une perception filtrée avec leur loupe rationnelle. Une perception qui peut être affaiblie ou agrandie. Et qui s’évalue en prenant en compte les constats effectués lors des années précédentes. 
 
A la perception construire par les autorités sanitaires s’ajoute la perception induite par les médias. Et c’est là qu’une seconde loupe est susceptible de déformer la perception de la pandémie et par voie de conséquence, du risque qu’elle occasionne dans les populations. Les médias jouent sur les émotions et le spectaculaire. Les annonces des premiers cas de décès H1N1 ont revêtu un aspect solennel conférant à ces faits le verni de l’authenticité. Une analyse critique aurait relativisé, d’abord en insistant sur l’état du patient décédé, puis en comparant avec les années précédente. La grippe saisonnière fait environs 5000 morts par an. Et que des personnes sans risques connus décèdent sans qu’on connaisse la cause exacte. C’est le cas des nourrissons et de l’énigme de la mort subite. La grippe de 2009 fera certainement moins de 5000 décès mais la perception de cette épidémie marque une date dans l’histoire. Elle montre comment la perception d’une menace a été construite sous l’effet des communiqués d’experts et d’un battage médiatique, concernant non seulement le phénomène de la grippe mais aussi les mesures prises. L’annonce des fermetures d’école ne fournit aucune idée de l’ampleur de la pandémie. Mais cette information frappe les esprits, influant sur la perception émotionnelle d’une menace pesant sur le pays. Parfois, des chiffres quelque peu fantaisistes sont annoncés. Dans certaines régions, il y a un quintuplement des fermetures de classes, ou alors de cas. On ne sait plus où on en est.
 
On l’aura compris, la perception de la grippe n’est pas directe, ni fiable et encore moins objective. C’est une perception artificiellement élaborée par les médias et des experts qui ont décidé qu’il fallait agir au niveau coordonné, planétaire, national, contre ce fléau et pour inviter les populations à collaborer dans la vaccination, on s’est servi des médias, de la complaisance des journalistes, des déclarations intempestives des experts qui ont décidé pour les populations de la manière dont il convient d’apprécier le risque. Et qui recommandent la vaccination en jouant sur la fibre citoyenne et la participation volontaire des gens à la protection des sujets à risque. Rien de neuf. Juste une variante de la servitude volontaire. Quelles en seront les conséquences ? On peut craindre un engrenage et la mise en place d’une vaccination généralisée et annuelle contre la grippe. Les experts ont décidé à notre place quelle est l’attitude à adopter et comment les individus doivent se comporter en matière de consommation de soins. Le problème, c’est que la grippe n’est pas la polio, ni la variole et que la vaccination ne revêt pas un caractère évident d’un point de vue scientifique. L’affaire doit être débattue car cette campagne de vaccination ne peut être exempte d’une qualification sous le motif d’acharnement thérapeutique.
 
 
* Bernard Dugué, « H1N1 La pandémie de la peur », édition Xenia, paru en novembre 2009
 
 

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