La mère de toutes les batailles : celle de la réforme de l’Etat

par Didier Cozin
samedi 9 avril 2016

1 ère partie : Un Etat et une fiscalité devenus hypercomplexes, illisibles et inefficaces

Les Français ont beau s'égosiller ou s'affronter sur le code du travail, le libéralisme ou le marché du travail, les vrais enjeux et noeuds du problème franco-français sont sans doute ailleurs, résidant d'abord dans la paralysie, la thrombose et la gabegie d'un Etat obèse qui ne sait plus rien faire à force de prétendre s'occuper de tout.

La perception de l'impôt sur le revenu des salariés par les entreprises à partir de 2018 (la France renouant avec un quasi système de fermiers généraux) n'est pas une mesure de simplification (pas plus que l'obligation de déclarer en ligne), c'est d'abord la preuve flagrante du blocage et de la paralysie de l'Etat sous le poids de sa propre administration et de la technocratie.

L'Etat non seulement ne sait plus diriger ses propres troupes mais il n'est même plus capable d'administrer la complexité qu'il a lui même produit.

L'Etat ne sait plus diriger le pays ni ses salariés fonctionnaires (il n'y a plus de patron dans les services depuis très longtemps), nombre de services publics ne sont pas managés, divaguant au grè des changements de politique sans plus direction, compétences ni management.

Prôner un Etat modeste et bienveillant ce n'est pas tuer le modèle français mais vouloir simplement l'adapter à un monde où l'Etat n'a plus les mêmes fonctions qu'après guerre.

Les taux d'absentéisme explosent dans toutes les fonctions publiques parce que les personnels sont négligés (souvent), désemparés (parfois), avec des perspectives de carrière inexistantes (trop de fonctionnaires tue la fonction publique) et un management introuvable (on ne gère pourtant pas des millions de fonctionnaires en brandissant simplement leur statut ou la règlementation datant de 1945).

Le ministre Sapin nous assure que la perception de l'impôt par les sociétés pour leurs salariés serait une mesure de simplification ("de bon sens")

On n'en croit rien et si les choses étaient si simples et évidentes pourquoi l'Etat ne l'a-t-il pas appliquée depuis des années pour ses 5,5 millions de fonctionnaires (celui qui paie devrait pouvoir prélever l'impôt sans difficulté).

Si l'Etat voulait réellement simplifier l'impôt et le rendre juste pourquoi ne pas supprimer le système illisible et hypercomplexe des tranches, des barèmes, des niches ou des multiples dégrèvements ?

Prendre exemple sur les anglo-saxons ou les allemands est inutile si on ne démantèle pas parallèlement les modèles hyper-complexes créés par la technocratie française

Pourquoi par exemple ne pas adopter un taux unique (proportionnel aux revenus) plutôt que cet impôt progressif qui dissuade les plus compétents et qualifiés de travailler mieux et plus (quand il ne les pousse à quitter le pays) ?

Si l'Etat voulait réellement simplifier pourquoi ne pas mensualiser tous les contribuables et prélever automatiquement leurs impôts par RIB  ?

Les prétendus bons résultats de l'Etat en matière d'impôts ou de redressements sociaux sont en fait la face émergée du continent de l'argent et l'activité "au noir"

On nous rebat les oreilles des bons résultats des redressements fiscaux ou de l'URSSAF mais il y a deux façons d'interpréter ces "bonnes" nouvelles :

- l'optimiste : l'Etat et ses services seraient mieux organisés et plus efficaces pour contrôler et percevoir impôts et cotisations

- la réaliste : le travail au noir explose en France et cette petite augmentation des résultats ne témoigne que de la simple partie émergée de l'Iceberg du travail et d'activité cachés du pays réel.

Un seul chiffre pour illustrer la perte de crédibilité et de maîtrise de l'Etat : alors qu'on estime à 14 milliards d'Euros la TVA jamais récupérés par l'Etat en France le Parlement vient de voter des mécanismes (l'autoliquidation) qui vont encore augmenter les fraudes à cette même TVA (sous prétexte d'une plus grande efficacité commerciale des ports français).

On pourrait résumer les réformes et changements inspirés par l'Etat depuis 40 ans (cela date d'avant Hollande) comme un double phénomène, celui de la complexité et son pendant la technocratie  :

a) Comment faire simple quand on peut faire compliqué (et illisible). Le problème de l'hypercomplexité galopante (la pénibilité, le CICE, les impôts,ou encore la réforme de la formation) c'est que l'Etat lui-même est devenu incapable de s'approprier ce qu'il exige du citoyen et de ses fonctionnaires (aussi perdus que les administrés qu'ils sont censés guider).

b) Comment occuper les diplômés du supérieur avec des tâches inutiles  ?

La complexité mériterait un chapitre à part tant elle semble inhérente à l'Etat.
Cette complexité (qui existe dans de nombreux autres pays reconnaissons le) aboutit en fait à l'exclusion de tous ceux qui n'ont pas les moyens (financiers ou simplement intellectuels) de suivre cette course folle et cette surenchère techniciste permanente.

Dans certaines régions désormais les assistantes sociales passent le plus clair de leur temps au téléphone à tenter de joindre des administrations sourdes et aveugles pour faire valoir des droits que plus personne ne comprend ou ne sait mettre en oeuvre.

La technocratie et la complexité excluent le simple citoyen en le rendant passif et résigné

La complexité ne sert pas le peuple mais elle permet à une nouvelle petite noblesse d'Etat (fonctionnaires mais aussi élus locaux) de prospérer sans que quiconque parvienne à changer le système et siffler la fin de partie dans ce bateau ivre qu'est devenu l'Etat.

A suivre


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