La mort cérébrale des démocraties !

par Jacques-Robert SIMON
vendredi 20 décembre 2019

 Les démocraties occidentales semblent en perdition, incapables d’affronter les défis qui s’annoncent, menant des guerres qu’elles ne peuvent pas gagner, gangrener par une nouvelle fascination pour les régimes autoritaires ou totalitaires, portant à leurs têtes des clowns plutôt que des sages. Pourtant des solutions existent non pas seulement pour éviter leur régression mais pour qu’elles s’affirment comme incontournables.

 

 La Démocratie réelle n’a jamais vraiment existé car constamment des ‘meilleurs’ se dégagèrent pour mener la multitude. Le sens de la justice est partagé entre tous dès le plus jeune âge, mais l’accession au pouvoir ne fait pas appel à une telle qualité : il faut se battre, vaincre, exterminer si nécessaire les adversaires, les ennemis et l’on sélectionne ainsi le meilleur des combattants. « La foule est un troupeau qui ne saurait se passer de maitre ». Toutefois, les meneurs sont« surtout des névrosés, des excités, des demi-aliénés » qui agissent par l’affirmation sans fondements, Ia répétition ad nauseam, la contagion, l’abrutissement, les rumeurs, la propagande. 

 Les individus dans une foule perdent leur individualité pour l’imitation, ils perdent encore leur capacité de réflexion pour s’abandonner aux émotions partagées par le plus grand nombre. Bon nombre de fins analystes font remarquer que ces comportements grégaires sont facilités si les capacités morales et cognitives des individus sont limitées, mais si une éducation soignée permet d’éviter les brutalités les plus évidentes, elle permet aussi de faire la même chose par d’autres moyens.

 Dans le monde politique les foules sont remplacées par les groupes, les partis, les cénacles, les laboratoires d’idées mais les fondements restent identiques : chacun adhère à une cause en perdant tout ou partie de son libre arbitre personnel pour ne plus se préoccuper de ce qui fait la puissance du groupe.

 A. Lincoln (assassiné en 1865), donna la définition généralement retenue pour la démocratie : « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Il tint de fait une politique progressiste : introduction du service militaire, mise sur pied de l’impôt sur le revenu, émancipation des esclaves dans les États confédérés… À l’époque, les trente-trois États de l'Union désignaient des grands électeurs, la plupart du temps par un vote direct des citoyens. Les partis démocrates et républicains investissaient chacun un candidat à l’élection présidentielle, ils étaient ensuite départagés par les grands électeurs. Si le peuple participe plus ou moins activement au spectacle politique, il n’influence que très indirectement le cours des choses. Plus de cent cinquante ans plus tard, le système politique est à peu près inchangé. Les autres ‘démocraties’ occidentales présentent plus d’analogies que de différences avec l’organisation politique des Etats-Unis. 

 Les démocraties fonctionnent par délégation : chaque votant transfère son pouvoir de décision à un délégué (pas forcément de son choix). Un système ne peut fonctionner que si la réponse à un problème donné peut s’exprimer par oui ou non (0 ou 1). Une majorité se constitue donc à l’intérieur d‘une doctrine, d’une idéologie ou d’un courant afin de pouvoir museler l’expression de la minorité.

 Il est possible tout au contraire de penser que chaque individu possède une conscience politique propre indépendamment de tout formatage par un groupe, un clan ou un parti. Un groupe se forme pour augmenter sa force, sa puissance pas pour faire jaillir une intelligence collective dont on ne connaît pas l’existence concrète. C’est le seul instinct de domination, qu’il soit licite ou pas, qui préside à la formation de rassemblements d’individus et non pas une volonté de mieux-être de la collectivité. Les citoyens sont devenus aptes à comprendre la plupart des traquenards qu’on leur tend pour les faire rentrer dans le rang, c’est pourquoi les élections se résument à des spectacles que à peu près personne ne croit et qu’un état de mort cérébrale s’installe : les politiciens se battent pour un pouvoir dont ils ne savent pas que faire, les nantis trouvent toutes les bonnes raisons de leurs privilèges, on affiche un prix à tout même lorsque cela n’a pas prix, ‘on’ éloigne du bon sens par mille spectacles sociétaux.

 Il est souvent mis en avant l’impossibilité d’émettre un avis personnel sur les dossiers politiques tant le caractère technique les met hors de portée du commun. À l’usage, il peut être constaté que les échafaudages savants servent surtout à se mettre à l’abri des critiques et à conforter des experts dans leur rôle d’uniques possesseurs des connaissances nécessaires pour décider. Tous les dossiers peuvent être compris par tous si les efforts nécessaires s’y consacrent sans volonté de tromperie, ce qui implique la fin des partis politiques et des groupuscules qui y ressemblent. Les réformes relatives « à la politique économique ou sociale de la Nation et aux services publics » peuvent être examinées par chacun des individus sans l’aide intéressée de militants.

 Bien entendu, des demi-dieux autoproclamés, des ‘leaders maximaux’, des doctes personnes pleines de savoirs, entendront faire valoir leurs certitudes. Bien entendu des débats contradictoires seront organisés, commentés, analysés. Bien entendu ceux qui ont toujours raison voudront encore avoir raison contre ‘les gens qui ne sont rien’. Malgré tout, chacun pourra trouver sa vérité malgré les torrents d’informations souvent biaisées dans lesquels certains voudraient les noyer.

 Un homme seul est impuissant ce qui limite drastiquement ses possibilités d’engendrer des désastres, de fourbir massacres, exterminations, camps, goulags qui sont toujours le fait de bandes organisées. Il y a donc peu de risques de laisser les citoyens exercer leur libre arbitre. De plus quelle serait la pertinence d’une loi qui ne serait pas comprise par une grande partie des citoyens ? Dans un vote le côté irrationnel lié au vécu est tout aussi important que l’aspect rationnel. Il signifie son acceptation à suivre un certain chemin avec d’autres.

  Un vote, idéalement, doit être l’expression d’un individu seul dans sa quotidienneté et son histoire sans se soucier de directives ou d’oukases en provenance de mieux-pensants qui s’emploient la plupart du temps à modeler autrui à leur image considérée comme une référence absolue.

  Il semble donc impératif de substituer aux élections le tirage au sort.

 Les parlementaires pourraient ainsi être désignés par tirage au sort parmi les 34.977 maires de France sans tenir compte de la taille des communes, ni d’une quelconque spécificité. L’assemblée nationale ainsi constituée aurait le pouvoir de proposer des textes de loi et de rendre public tous les aspects nécessaires. L’adoption des lois se ferait ensuite par votation de l’ensemble du corps électoral ou d’une fraction représentative de celui-ci. Lorsque les institutions de la République ou l'indépendance de la Nation seraient menacées, le Président de la République, élu au suffrage universel, prendrait les mesures exigées par les circonstances.

 Les membres des grands corps administratifs de hauts fonctionnaires (Conseil d'État, Cour des comptes, Inspections générales des finances, de l'administration, des affaires sociales) donneraient tous les éléments techniques nécessaires à l’établissement des lois. Ils ne devraient en aucun cas appartenir au secteur privé. Les grands corps techniques de hauts fonctionnaires recrutés principalement par la voie de l'École Polytechnique et des Écoles normales supérieures fourniraient les éléments scientifiques et technologiques indispensables à la stratégie et à la bonne marche des entreprises publiques. 

 Ainsi l’approfondissement des démocraties permettrait de contourner les écueils dus aux instincts de domination pour privilégier les plus aptes à œuvrer pour le bien commun.

 


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