La Mort Du Parti Socialiste Français

par Philippe Sage
mardi 9 juin 2009

Non, il n’est pas mort hier soir, lors de ces européennes du 7 juin 2009, le Parti Socialiste Français. Il est mort, il y a fort longtemps.
Mais quand ?


Avant de répondre à cette question, il me semble utile de revenir sur la rouste d’hier.

D’aucuns me rétorqueront que, bah, ce PS en a connu bien d’autres, des raclées. Et des plus sévères. Comme lors des élections européennes de 1994, où la liste conduite par Michel Rocard n’obtint que 14,49% des suffrages exprimés. Oui, mais avec seulement 47,29% d’abstention ! Or là, nous sommes à 16,48% des suffrages exprimés pour une abstention (record) de 59,35% ! De fait, en chiffres bruts, la branlée d’hier est un tantinet plus lourde que celle de 1994.

D’autres, encore, me feront remarquer que, bah, la défaite fait partie du jeu électoral et que, par le passé, le PS a su redresser la tête, notamment en 1997, pour les législatives, puis en 2004, avec une double-victoire aux régionales puis aux européennes.
C’est vrai.
Sauf que ce sont des victoires … par défaut.
Notamment celle de 1997. Rappelons que ce furent des législatives anticipées. le Président de l’époque, Monsieur Jacques Chirac ayant décidé de dissoudre l’Assemblée Nationale alors qu’elle était majoritairement de .. Droite ! Cette dissolution, le peuple ne la comprit pas ! Et ce ne sont pas les explications merdoyantes de l’Élysée qui le convainquirent. Or, quand le peuple ne comprend pas ou qu’il subodore (ici, à raison) une manœuvre politicienne, que fait-il ? Il sanctionne son commanditaire ! Ce qui fut le cas ! L’on dit souvent, et un peu hâtivement, que le peuple est "veau", mais il est bien plus cohérent qu’on ne le croit.
Or donc, la victoire du PS en 1997 est moins due à lui-même qu’à une énorme bourde de Chirac et de ses conseillers.
Quant aux deux (dernières) victoires de 2004, elles sont la conséquence de l’humiliation subie le soir du 21 avril 2002 ! Quand horrifié, le peuple de Gauche, aperçoit la tronche goguenarde de Jean-Marie Le Pen en lieu et place des frisettes de Lionel Jospin.
Il ne faut pas oublier qu’il fut alors question de faire barrage au leader du Front National (appel lancé également par l’immense majorité de nos médias au mépris de toute déontologie !) que le peuple de Gauche fut invité par les partis "dits" de Gauche (hormis celui de Madame Laguiller) à voter .. Jacques Chirac !
On se souvient qu’il alla voter en “se bouchant le nez” !
Après l’humiliation, il fut donc question de boire le calice jusqu’à la lie en portant sa voix sur un type qui représentait tout ce que le peuple de Gauche exécrait !
Alors, quand survinrent les échéances électorales de 2004, que se passa-t-il, en vérité ?
Eh bien, il s’agissait de se laver de ce vote contre nature, celui du second tour de la présidentielle de 2002, comme on lave son honneur.
De signifier à Jacques Chirac que ce ne fut jamais un vote d’adhésion.
Et l’on vota PS des deux mains mais avant tout comme des pieds ! Surtout, on ne s’éparpille pas comme en 2002, les mecs !
Il était juste question de retrouver un semblant de dignité, voilà tout.

Et que fit, le PS ?
Désespérant, égal à lui-même dans son absence de réflexion, de médiocrité et de remise en question, Il prit ces deux victoires pour argent comptant ! Alors que c’était moins des victoires qu’une double-revanche sur 2002 ! Et d’ailleurs, on vit ce qu’elles devinrent, ces deux prétendues victoires, lors du scrutin présidentiel de 2007

Alors quand ? Quand est-il mort ce Parti Socialiste Français ? Avec Mitterrand ?
Quand je dis “avec Mitterrand” je ne pense pas à sa mort à lui, mais au 10 mai 1981. Est-ce la victoire du socialisme que l’on célébrait ce jour-là ou celle d’un homme ?
François Mitterrand était un être brillant, cultivé, aimant son pays (mais un peu moins les français – un grand classique !) il était aussi un redoutable stratège politique, tenace, obstiné même, il maniait merveilleusement notre langue, mais .. il n’était pas socialiste !
François Mitterrand a pris le Parti Socialiste pour conquérir l’Élysée. Il n’a pas fait que le prendre, d’ailleurs ! (précisons que la Gauche dite socialiste était en lambeaux quand il s’en empara en 1965, puis se fit consacrer par elle en 1971) Il l’utilisa et le façonna à son image ! Le Parti Socialiste n’était qu’un moyen. Rien d’autre.
Et puis, oh, qu’y a-t-il eu de socialiste, au sens noble du terme, dans les six premiers mois (ceusses que l’on dit de référence) suivant son élection ?
L’abolition de la peine de mort ? … C’est une idée .. socialiste, ça ? .. Non … Du tout ! Le socialisme, ce n’est pas une affaire de “cœur” ou de “générosité”, c’est un PROGRAMME, net, clair et précis.
Alors peut-être, oui, la réduction du temps de travail hebdomadaire de 40 à 39 heures peut-elle être considérée comme “socialiste”. Mais c’est à peu près tout. Non ?
Relisez les 110 propositions du candidat Mitterrand, elles ne transpirent pas plus le socialisme que Jack Lang respire la franchise !
Quant à la suite, c’est quoi ? Sinon une politique de Centre-Droit. Qui commence à la fin 1982, quand Mitterrand dit grosso modo à son Premier Ministre : “Ecoutez Mauroy, je crois qu’il est temps d’ouvrir les yeux sur la réalité économique qui nous entoure !”.
Ce qui n’était pas tuer le socialisme du Parti Socialiste, puisqu’il était déjà mort.

Il est mort plusieurs fois. Lors de la Guerre d’Algérie, par exemple. Il meurt souvent, à ce propos, quand un conflit survient. Ce merdier impossible chez les socialistes français en 1939 ! Mais quelle cacophonie ! Entre ceux qui collaborent et ceux qui ne savent pas. Quoi ? Prendre le maquis ?
Déjà lors de la Première, comme on dit, on se déchire comme des saligauds au sein de la SFIO. Celle de Jaurès. Le castrais ne veut pas de cette guerre. Il s’y oppose en tant que socialiste. Mais, Jules Guesde, son camarade, ne s’y oppose pas. Ah mais, non ! Il voit dans ce conflit l’occasion d’en finir avec .. le Capitalisme ! L’ennemi juré du Socialisme !
Les divisions au sein de ce Parti, sont récurrentes. C’est presque une marque de fabrique ! Et pourquoi ? Mais parce que, foutre-Dieu, on ne sait pas, ce que c’est le socialisme ! Et depuis toujours ! Depuis le début ! S’ils savaient, croyez-vous qu’ils passeraient leur temps à s’entre-déchirer, ces malheureux ?

Et si, finalement, le Parti Socialiste Français était mort dès sa naissance, soit à la fin du XIXème Siècle ? … Quand il se rendit compte que ce qu’il pensait porter comme idéologie éclairante, populaire et généreuse, le socialisme, était incompatible, pensaient-ils, avec l’économie de marché. Oh certes, ce n’était que l’embryon de ce que nous vivons (ou subissons) aujourd’hui ! Mais la Révolution Industrielle a, de fait, et progressivement, ouvert une nouvelle ère économique, celle du libre-échange. Donc, de l’économie de marché. C’est à cette époque, que tout commence, et pour certains, finit ..

En fait, cela fait plus d’un siècle que ceux qui se prétendent “socialistes” nous mentent. Ils ne le sont pas, socialistes. En revanche, les communistes, eux, le sont. Clairement. Enfin, jusqu’au Programme Commun, quoi ..
Cela fait plus d’un siècle que les différents Partis Socialistes Français (ainsi, la SFIO, Le PS et même le PSU …) sont en réalité des convertis au libéralisme, et la seule différence avec celui de Droite, c’est qu’il défendrait, le socialiste français, une vision vaguement sociale du libéralisme.

Il serait grand temps qu’il le dise aujourd’hui. Qu’il fasse son coming-out politique. Qui ne serait pas un demi-mensonge comme celui proféré l’an dernier par Bertrand Delanoë (“Je suis libéral ET socialiste” – D’où t’es socialiste, Bertrand ?) ni une abrupte vérité de protestant style Jospin (“Mon projet pour la France n’est pas socialiste !”) mais une vérité éclatante qui pourrait se traduire de la sorte :
Nous sommes des libéraux de .. Gauche.
Oui, de Gauche, parce que .. Bah, ça ne veut rien dire. Juste ça fait plaisir. A celui qui le prétend. Ça fait chouette, quoi, de rajouter le terme de Gauche. Ça n’engage pas. C’est purement décoratif !
Disons que pour le peuple dit de Gauche, l’aveu serait moins brutal.

En fait, si je pousse le raisonnement jusqu’au bout, le PS devrait non pas se rénover, mais se "refonder", ce qui signifie se débarrasser et fissa du mot “socialiste” (puisqu’il ne l’est pas et ne l’a jamais été) donc changer de nom (Parti Libéral de Gauche, par exemple, ça sonne riche ..) changer de têtes, changer de programme, changer de discours. Ce qui équivaudrait, au final, à se présenter comme étant l’alter-ego du Parti Démocrate américain (Kennedy, Carter, Clinton, Obama).
Certes, le Parti Démocrate US est plutôt de Centre-Droit, clairement même, mais à la française (hein, nous sommes tellement originaux, nous autres !) considérons que, chez nous, ce serait une formation de ... Centre-Gauche.
Nonobstant, nos amis présumés socialistes en seraient plus cohérents, vu que l’emblème des Démocrates, c’est l’âne, et qu’ils en sont au bonnet.

Si jamais le PS fait cette mue, mais pas après-demain, non, la semaine prochaine, alors tout devient plus clair : le chemin, le programme et même … le candidat pour la Présidentielle de 2012.
Car, dans cette configuration-là, un nom s’impose comme une évidence : celui de Dominique Strauss-Kahn !
Rien ne dit qu’il pourrait l’emporter, d’autant plus que d’ici à 3 ans, bien des évènements (désagréables) peuvent se produire, et bien des imprévisibles aussi, mais il sera coriace à battre, le DSK, quel que soit le candidat de la Droite !

En revanche, si le PS ne fait pas cette mue, alors, il va cette fois mourir pour de vrai. Et en direct. Sous nos yeux. Je parle, bien évidemment, de la formation politique. L’idée socialiste étant morte depuis plus d’un siècle au sein de ce Parti.

Mais alors, quid du socialisme en France ?

Oh, je crois que Olivier Besancenot, son NPA et ses militants s’en démerdent assez bien ! … Non ?
 

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