La mort est une amie

par Jean Keim
mercredi 16 juillet 2014

La pensée ne peut connaître la mort amicale.

Quand nous envisageons la mort, ce n'est pas d'elle dont il est question mais de ce que nous pensons ou croyons savoir sur elle.

La mort se manifeste intimement tout au long de notre existence mais nous l'ignorons habituellement et la repoussons sans oser l’affronter en face.

Il y a la mort physique qui est un changement d'état, quelque chose était là, l’énergie de la vie animait le corps et puis subitement cela n'est plus, le corps est inerte, sans la vie. De cette mort nous ne savons rien, ayons l’intégrité de ne rien envisager, ni imaginer, la seule certitude est que nous avons tous rendez-vous avec elle. Ceux qui décrivent une expérience proche de la mort, ont effectivement vécu un événement et relatent par la suite l'expérience, c'est à dire ce que leur cerveau a perçu et leur mémoire a enregistré ; tout cela constitue un fait qui n'est pas la mort physique : le changement définitif dont nous ne pouvons pas revenir et témoigner. Néanmoins si un tel retour s'est déjà effectivement produit ou devait se produire, le revenant ne sera pas identique en tant que "moi, je" et cela n'est plus la mort mais un autre changement d'état.

Nous assimilons à la mort tout ce qui constitue un préalable ou l'accompagne, l'accident, la maladie, la souffrance physique et morale, la sénescence, l’affliction, la peur de perdre un être cher, notre propre peur face à la mort et à la solitude, le décorum civil et/ou religieux qui suit le décès, tout cela n'est pas la mort, ce n'est pas le changement d'état évoqué supra, la pensée ne peut s'emparer de la mort pas plus qu'elle ne peut accéder à l'inconnu. La mort est un ajustement qui échappe au temps.

La mort ne se manifeste pas uniquement comme le point final d'une vie ici bas mais elle est cette compagne familière qui nous invite à mettre un terme à tout événement gardé émotionnellement dans notre mémoire, une situation douloureuse ou flatteuse, une satisfaction intense ou une déception cruelle laissent des souvenirs, il y a l'événement en soi et il y a tout ce que la pensée vient rajouter par dessus comme le chagrin, les regrets, le désir, la jalousie ou la peur.

La mort est ni juste ni injuste, la mort "est" tout simplement et sans elle la vie n'aurait pas le même sens, la mort invite au renouveau, l'arbre en hiver perd ses feuilles et au printemps retrouve une autre parure, ce n'est pas la même parure et ce n'est plus le même arbre.

Une vie humaine est comme une goutte d’eau sortie de son élément. Un être cher est parti, il participe toujours au mystère de la vie car la vie ne connaît ni commencement, ni fin.

La mort est le suprême cadeau de la vie.

La mort est une amie.


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