La peur du noir

par Loone
samedi 22 novembre 2008

Le concept même de "race" est discutable au fond. Et pas seulement par conformisme comme le prétend M. Zemmour.

Le concept de "race" est un concept provenant du monde de l’élevage. Par une "sélection artificielle", les hommes sont parvenus au cours de la "révolution néolithique" à produire des êtres vivants présentant des caractères "souhaités". Toute l’ambiguïté de l’utilisation de ce terme de "race" consiste à se positionner de facto dans la posture d’un "éleveur d’humains" et à "souhaiter" que tel ou tel "caractère" prédomine, comme la longueur des pattes, l’abondance du pelage ou la texture de la viande.

En fait, la déconfiture idéologique de cette pensée magique, analogie posée comme réalité, est totale. D’abord, personne n’est arrivé à établir une liste des caractères permettant d’établir des races humaines. Après l’échec des scientifiques du XIXème siècle à parvenir à une biométrie rationnelle, l’appareil nazi lui-même — qui avait réduit le problème à un seule "race" — a echoué à caractériser "le juif" par des critères scientifiques, et ce malgré un effort théorique conséquent car existentiel. Finalement, dans l’urgence, il a dû se rabattre sur des caractérisations généalogiques — elles-mêmes passablement alambiquées.



Mais les caractérisations généalogiques, ou phylogénétiques, présentent une faille logique évidente : on présuppose ce que l’on veut prouver — la "race" ou l’espèce — pour établir une dynamique générationnelle. Or le concept d’espèce — pourtant plus solide que celui de race — peine à dépasser la classification morphologique de la zoologie : personne ne sait vraiment comment une espèce apparaît ! Le Darwinisme se borne à proposer que le phénomène résulte de la "sélection naturelle", pendant à la "sélection artificielle" connue depuis 15.000 ans, mais sans proposer ni mécanisme, ni finalité. Néanmoins l’ampleur de la vision de Darwin a largement contribué à la fin de l’anthropocentrisme comme présupposé du naturalisme.

Finalement, les derniers contempteurs de cette notion dépassée de "race" tentent de faire illusion par des stratagèmes grossiers comme celui de M. Zemmour. Constatant la validité de la notion de "caractère" — vous avez le caractère "peau noire", j’ai le caratère "peau blanche" —, il en déduit la pertinence de la notion de "race" — vous êtes de "race noire" et moi de "race blanche". On ne peut faire plus parfait sophisme, car si la notion de "race" implique celle de "caractère", l’inverse n’est pas vrai. La contraposée l’est en revanche : si la notion de "caractère" n’existait pas, a fortiori la notion de "race" disparaitrait. Mais que la notion de "caractère" soit indéniable n’apporte rien — absolument rien, nada — à la question de la "race" comme concept pertinent de notre réalité.

C’est là où le bât blesse, c’est qu’il paraît difficile d’imaginer qu’un intellectuel de la trempe de M. Zemmour fasse ce type de construction en n’en étant pas conscient. Donc il fait probablement "exprès", et cette volonte procède d’un objectif politique. En bon valet des ploutocrates à "peau blanche", M. Zemmour tente par tous les moyens de délégitimer une des revendications clé du prochain siècle : celle des hommes à "peau noire" qui sont français ou ont des ancètres français à vivre en paix et en liberté sur notre terre de France. 

La perspective de ne plus pouvoir intégrer les pauvres brillants dans leurs cénacles — comme à bien des égards notre actuel président — sans que cela se "voit", plonge la ploutocratie au pouvoir dans des affres bien humaines : l’angoisse de sa disparition, voire pire, de son recyclage. On serait tentés de dire "Pauv’ bêtes !" si cette crispation "conformiste" ne jetait des dizaines de milliers d’innocents dans des cachots aseptisés et robotisés.


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