La politique expliquée aux enfants

par Céline Ertalif
vendredi 20 juillet 2007

Au terme des Présidentielles 2007, nous connaissons de la politique le jeu, les médias et quelques émotions collectives. Pratiquement tout de cette formidable aventure humaine que l’on appelle la civilisation nous échappe sous ce maigre horizon. C’est pourtant le coeur de la politique. La révérence au pragmatisme ne montre que la platitude intellectuelle de notre période. N’importe quel gamin est capable de construire un lien entre l’ego et la civilisation, la politique n’a jamais rien fait d’autre que cela.

La politique ne se définit pas par un contenu mais par une tension qu’elle entretient pour porter une civilisation. Nos destins individuels et filiaux sont liés à cet immense projet collectif qui doit entretenir un patrimoine physique, naturel et industriel en même temps qu’une culture qui alimente l’imaginaire de chaque individu socialisé. La politique est un art pour une oeuvre qui dépasse tous les individus en même temps qu’elle qualifie l’espèce humaine.

Chercher à définir la politique par une matière ou un contenu, c’est idiot, complètement idiot. Est-ce que vous pensez qu’on peut définir le vent par une matière ? C’est de l’air qui bouge, et la rivière c’est de l’eau qui coule. Supprimer le mouvement et le sens du terme vous plonge directement dans l’absurde. Eh bien, disons qu’il y a une interaction dynamique entre la conscience du sujet, l’ego, et la conscience collective qui crée la puissance par une chaîne toujours plus longue et complexe de dépendances entre les humains, la civilisation. Séparer l’ego et le mouvement de la conscience collective est la meilleure façon, largement pratiquée d’ailleurs, de ne rien comprendre à la politique.

Tout le monde ne peut pas avoir une vue aérienne de l’avenir de la civilisation. La politique tient ce rôle directeur qui attire les pressions, les ambitions et les frustrations. La démocratie laisse grouiller ces petits désordres sociaux de l’envie politique que toutes les anciennes aristocraties ont toujours regardée d’un peu haut, entre nostalgie et dédain. Nous, les petits ego, nous désirons une reconnaissance qui dépend finalement plus du cours de l’histoire de la société que de nos mérites individuels, notre agitation ridicule au niveau microscopique individuel participe au mouvement de la société.

La politique est une force organisatrice qui unit dans un espace et qui sépare d’une extériorité. La paix à l’intérieur est une obligation, à l’extérieur on doit pouvoir choisir entre la paix et la guerre. L’enveloppe qui sépare l’intérieur de l’extérieur fait le pouvoir, et les gouvernants sont par définition prioritairement préoccupés de sauvegarder l’enveloppe autant que ce qu’il y a dedans. Le phénomène politique n’est pas tant lié à un contenu ou à un substrat qu’à cette tension1.

Qu’importe la règle, pourvu qu’il y ait l’obéissance ! Et généralement, cela fonctionne bien, le peuple discute la règle ou le choix entre les candidats, puis légitime par le vote la puissance des gouvernants. Sarkosy, Royal, Bayrou, de Villiers, un autre, lequel ? Il faut participer, c’est ça le civisme, votez ce que vous voulez mais votez ! Puis le miracle se répète, la République est sauvée, « je serai le président de tous les Français ». Les esprits critiques devraient en rire un peu plus, on ne fait pas de démocratie cependant sans un peu de roublardise.

Après le grand exercice ludique de l’élection, la libération des passions collectives, que peut-on retenir ? Nous savons que le président Sarkozy est légitime, point. Quels objectifs a-t-il pour notre civilisation ? Euh, la croissance, l’argent, produire plus pour consommer plus (version originale : « travailler plus pour gagner plus »). Disons les choses, l’exaltation du pragmatisme traduit la médiocrité des objectifs. Que le consentement s’affaiblisse, et nous retrouverons à nu les questions de l’obéissance et de l’agressivité. Une grande civilisation ne réduit pas les ego, elle les domestique - ce qui est une toute autre affaire.

Dites-moi, mon petit Kevin, oui vous là qui chahutez au fond de la classe ? Cela ne vous intéresse pas ce que je raconte sur la politique, c’est trop compliqué ? Venez donc un peu au tableau... Tant que Kevin se lève pour venir au tableau, même en faisant le pitre ou en maugréant, c’est qu’il plie sous l’autorité du maître, la domination fonctionne. L’obéissance est toujours un mélange de soumission aux puissants et de reconnaissance des normes, Kevin sait parfaitement ce qu’est la politique et vous aussi.

1"la souveraineté ne règne que sur ce qu’elle est capable d’intérioriser, de s’approprier localement" - dans Traité de nomadologie : la machine de guerre, Mille plateaux de G. Deleuze et F. Guattari.


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