« La Porsche tranquille » de DSK : information ou communication ?

par Paul Villach
lundi 9 mai 2011

C’est de la « Communication » ou de l’ « information », la publication, le 3 mai 2011, par Le Parisien, de la photo d’une Porsche dans laquelle s’apprêtent à monter M. Strauss-Kahn et son épouse ? Car, il ne faut pas confondre, prescrit la mythologie journalistique, « l’information » n’est pas « la communication  » et vice-versa.

La communication, définie par ce qu’elle n’est pas
 
Si l’on en croit l’Express, ce serait « la première erreur de communication de DSK  » commise même par la « faute d'un ... communiquant  », propriétaire de la voiture de luxe, « Ramzi Khiroun, ex d'Euro-RSCG, ex-collaborateur du directeur général du FMI, devenu depuis l'un de ses amis. » (1) On tient donc là un bel exemple de ce qui est le contraire de la communication pour savoir ce qu’est la communication.
 
1- La communication, une information donnée
 
Si, dans ce cas d’espèce, il y a erreur de communication, c’est que de DSK, directeur du FMI, actuel candidat socialiste des médias officiels à la présidence de la République depuis des mois, cette photo livre des informations susceptibles de lui nuire. Une communication non erronée est donc celle qui, au contraire, fournirait des informations servant ses intérêts. C’est exactement la définition de l’information donnée, celle qui est livrée volontairement après avoir été filtrée par l’autocensure de l’émetteur.
 
2- Une métonymie de la « Porsche Society » en contradiction avec le candidat des citoyens modestes
 
Nul besoin de chercher longtemps ! La Porsche, estimée à 100.000 euros, est une métonymie du niveau de vie du directeur du FMI entrant en contradiction avec l’image du candidat socialiste qu’il entend devenir, par la grâce d’électeurs qui gagnent le SMIC ou un peu plus, appelés à voter pour lui. Quelle connaissance de la vie quotidienne des Français modestes un individu de « la Porsche society » peut-il bien avoir ? Partant, est-il raisonnable, quand on est Smicard, de le porter au pouvoir avec l’espoir de le voir prendre des décisions qui nuisent à son milieu friqué pour améliorer celui de ses électeurs qui peinent à boucler leurs fins de mois ? Il y a manifestement une contradiction nuisible aux intérêts de DSK entre cette exhibition de luxe et son ambition politique.
 
Une information extorquée
 
1- Les caractérisques de l’information extorquée
 
On peut donc supposer qu’il s’est fait surprendre, alors qu’il se trouvait incognito dans un quartier de Paris. Et dans ce cas, cette photo est l’exemple même de l’information extorquée puisqu’elle aurait été obtenue à l’insu et contre son gré par un photographe placé en embuscade pour rapporter une image compromettante de l’intéressé.
 
2- L’exemple de Gary Hart
 
On se souvient que le candidat démocrate Gary Hart, jouant les époux modèles, avait dû renoncer en 1988 à briguer la candidature de son parti, après avoir été surpris au petit matin par un photographe en sortant de l’appartement de sa maîtresse. Compte tenu de la réputation de DSK récemment rappelée par le harcèlement sexuel dont il a été accusé par une employée hongroise du FMI (2), il n’est pas impossible que ses allées et venues soient traquées par des escouades de photographes en quête de la photo compromettante attendue. En attendant, cette scène de la vie luxueuse de DSK est une information extorquée, parce qu’elle a été obtenue à son insu et contre son gré et qu’elle lui est nuisible.
 
Une information extorquée dans un plan de communication
 
1- Lazzi sur Internet
 
Mais est-ce « une information » ou de la « communication », selon les canons absurdes de la mythologie journalistique ? On est embarrassé pour répondre, car on ne voit plus ce qui les différencie. Autrement dit, cette information extorquée qui nuit à DSK, sert la communication de qui ? Car elle a connu un succès foudroyant dans les médias et sur Internet. L’ancien ministre de l’Intérieur, M. Hortefeux, ne s’est pas privé, le jour même, sur BFM-TV, d’en faire les gorges chaudes pour souligner la contradiction entre le richissime directeur du FMI et sa prétention à briguer les suffrages des gens modestes.
 
2- « La Porsche tranquille »
 
Un jeu de mots dévastateur, quasi ôté de la bouche du Canard Enchaîné, s’est même répandu sur Internet comme une traînée de poudre : « La Porsche tranquille  ». L’homophonie des paronymes que sont « force » et « Porsche », établit une quasi-équation entre les sons qui se donne, abusivement mais irrésistiblement, comme équation de sens entre deux termes très éloignés l’un de l’autre. Le sourire naît de les découvrir si naturellement proches - et même "Porsche" - par le leurre du jeu de mots. Le slogan de Mitterrand en 1981, « La force tranquille  », est ainsi parodié et dynamité pour la plus grande confusion de DSK : à l’union pacifique des citoyens qui faisait leur « force » pour « changer la vie », appelée par le slogan de Mitterrand d’il y a trente ans, se substitue l’exhibition vulgaire et m’as-tu-vu du luxe par DSK qui prétend lui succéder. Quelle prétention et quelle dérive d’un Parti Socialiste qui se reconnaîtrait dans un tel candidat !
 
Cette photo de DSK montre en tout cas qu’ « information » et « communication » sont intimement intriquées. D’abord, toute communication est une information donnée, livrée volontairement par un émetteur pour servir ses intérêts ou du moins ne pas leur nuire. Mais elle peut être tout aussi bien une information extorquée obtenue par ses adversaires pour assurer leur propre communication en ruinant la sienne. Maintenant à qui sert cette photo extorquée de DSK avec pour légende « la Porsche tranquille  » ? DSK a des ennemis à Droite comme à Gauche ? On a l’embarras du choix. Paul Villach 
 
(1) Élise Karlin, « DSK : et le propriétaire de la Porsche est... », L’Express, 5 mai 2011
(2) Paul Villach,
- « Une couverture de Paris-Match pro ou anti-DSK ?  », AgoraVox, 28 février 2011.
- « Une couverture digne de VSD : le fou rire indigne des époux Strauss-Kahn-Sinclair », AgoraVox, 27 octobre 2008.
- « DSK, une candidature dangereuse ? », AgoraVox, 3 décembre 2010.
Marcelo Wesfreid, « Affaire DSK : la lettre qui accuse », L’Express, 17.02.2009.

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