La presse est-elle en danger ?

par Imhotep
lundi 12 mai 2008

 Après les attaques de Nicolas Sarkozy le 7 mai dans les palais de l’Elysée, autrement appelé par les connaisseurs : le pavillon de chasse de l’UMP, contre la presse et plus spécialement l’AFP, l’Express, Le JDD, Marianne et le Parisien, la ministre de la culture Christine Albanel, dont l’ironie veut qu’elle dirigeait Versailles avant de devenir porte flingue de Sarkulture - le préfixe sark vaut anti dans la langue courante-, tout un symbole, a proposé une chose très étrange : l’obligation faite à l’AFP de publier tous les communiqués des partis politiques et des syndicats.

 Il faut, avant de s’appesantir sur cette drôlerie bien dangereuse, rappeler les propos rapportés par les présents de Sarkhaut-parleur : "Il a fait une charge très importante contre la presse en disant que dans un pays où il n’y a plus d’opposition, la presse s’attribue la fonction d’opposition." Cette phrase dans ce contexte et tout autre contexte est loin d’être anodine. Elle révèle un des traits caractéristiques et détestables de notre Guide : il ne supporte pas que l’on s’oppose à lui ce qui est un os de taille dans une démocratie. Cela rejoint exactement cet autre propos : Il tient par-dessus tout au rythme et à la simultanéité des réformes, ce qu’il appelle « rester en mouvement », pour anéantir l’adversaire. Ainsi considère-t-il que le débat démocratique n’est pas un débat d’idées, aussi vif et brutal fût-il, mais un guerre où ceux qui pensent différemment de vous ne sont pas des opposants démocratiques, ne sont pas vos concitoyens, dont certains sont élus du peuple au même titre que les UMP et NC trahissants, mais des adversaires à anéantir. Les réformes ne seraient ainsi non faites pour le bien de la France mas dans le seul but de la destruction de l’opposition. Ce qui fut le seul objet de l’ouverture aujourd’hui clause au seul motif qu’elle ne sert plus cette stratégie. Rien que cette attitude ne peut convenir à un chef d’Etat dont une des fonctions cardinales est le rassemblement des Français et non la destruction de son unité, si tant est que celle-ci puisse se bâtir.

Le reproche principal qui a été fait à cette presse qui en veut au chef de l’Etat serait de ne pas avoir traité avec suffisamment de sérieux la condamnation de Ségolène Royal au tribunal des prud’hommes. Cette attaque est, bien entendu, totalement infondée, car cette information a été traitée avec suffisamment d’écho et notamment les galipettes verbales de Raffarin, celui qui a été battu par la Jeanne du Poitou, et qui a demandé sa démission. Sarkoléon a ajouté sans rire que si c’était lui qui avait été condamné la presse en aurait fait un fromage bien plus gros. Il faut dans ce cas interroger cette presse sur son silence et son manque absolue d’investigation pour :

Ceci est juste pour dire que notre aimé Satrape est très très mal placé pour parler de diffusion d’information judiciaire concernant Ségolène Royal. A ceci s’ajoute cette immense tartufferie de dire que la presse qui ne relate quand-même que modérément les attaques contre Sarkozy et ne peut taire les sondages désastreux de ce Vibrionnant candidat perpétuel. C’est une belle tartufferie quand son voyage en Angleterre a fait l’objet de commentaires démesurés avant, pendant, (à tel point que France 2 a offert à la France béate 35 mn de direct en plein journal de 13 heures comme si le monde s’était arrêté de tourner), et après avec force analyse, couvertures de magazine, le tout pour nous expliquer que la belle Clara savait faire des révérences, et que l’image du roitelet sans couronne allait s’améliorer. C’est une belle tartufferie quand sa propaganda télévisée a été elle aussi commentée avant, pendant et après et qu’elle a monopolisé les trois plus grandes chaînes. C’est une tartufferie au moment où le choc des photos et le poids des mots nous offre un énième couverture du Capitaine et pas moins de 12 pages en même temps que nous avons des échos d’une interview guimauve de madame mère. C’est une belle tartufferie quand, selon Montebourde, "Aujourd’hui, l’expression en faveur de l’UMP, président de la République et collaborateurs compris, a augmenté de 256 % sur TF1 et 196 % sur France 2". En fait comme tout voyou, l’a-moral Imperator a besoin d’un prétexte : qui veut noyer son chien dit qu’il a la rage. La Fontaine et Esope nous en avaient fait une fable, celle du loup et de l’agneau. Belle fable, et d’actualité. Un fable tellement elle est belle, qu’elle est devenue un modèle...

Albanel a décidé au quart de tour de faire plaisir au locataire élyséen, trônant sur l’Olympe. Et voilà donc qu’elle annonce selon Le Nouvel Obs dans Le Journal du dimanche que l’Agence France Presse (AFP) pourrait diffuser l’intégralité des communiqués de presse des partis et des organisations syndicales. Cette curiosité intellectuelle, dans un gouvernement libéral et dans une démocratie, soulève de très nombreux problèmes, dont voici ceux qui m’ont le plus chataouillé les méninges :

A mon avis, mes petits amis, cette volonté d’imposer à l’AFP dont Christophe Beaudufe, représentant de la Société des journalistes (SDJ) de l’AFP, s’est élevé contre un mélange des genres. "Notre travail de journaliste, c’est de faire une information vérifiée, recoupée et remise dans son contexte", a-t-il rappelé sur France-Info, on "ne publie jamais un communiqué, on traite un communiqué" l’obligation de publier tous les communiqués est une prise en main de l’information. Un petit mot à notre ministre. La France compte 50 % de Français qui sont connectés à Internet, plus que de Français qui ne lisent les journaux. Les partis et les syndicats ont des sites où ils peuvent publier leurs communiqués. C’est simple et c’est libre. On va les lire si on veut. Cette démarche de madame Albanel, hors le fait de faire plaisir à l’Omniscient Jesaistout, ne peut se comprendre que de deux façons : la bêtise et la méconnaissance de l’AFP et du journalsime, ou la création d’un ministère de la presse comme dans les régimes autocratiques. Et d’envoyer la brosse à reluire Pégard pour calmer le jeu ne sert à rien, elle qui ose parler qu’il ne faut par caricaturer quand on relit les articles incendiaires qu’elle faisait contre Giscard on peut juger de l’impartialité de ses propos. Ah oui, elle nous la rejoue transparence : si Sarkozy crie c’est qu’il est franc. Bientôt s’il fout un coup de poing dans la gueule de quelqu’un c’est qu’il est vif ou au choix spontané. Enfin là je brode car le style du voyou c’est d’aboyer entouré de 1 545 gardes du corps et de fuir à toutes jambes si c’est à un contre un, seul et sans protection du statut de l’élu suprême. C’est bien cette technique de l’UMP de transformer un fait (l’attaque contre la presse) en une forme positive (la franchise), le fond disparaît, seule reste la forme laudative. Cette franchise-là fait-elle un chef d’Etat ? A vous de juger.

Pour moi cette démarche qui fait suite à cette attaque de la presse par le Guide, suivant de près celle du PP de l’UMP, une sorte de pression malsaine, n’est pas anodine et nous ne pouvons pas la laisser passer.

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
les aristocrates à la lanterne...




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