La presse se meurt.. La Presse est morte.. Vive la Presse.. Vive le Viagra.

par Montagnais .. FRIDA
mardi 4 janvier 2011

Mais pourquoi diable le viagra vous demandez-vous ? 

Mettez dans Google la chaîne « syndicat presse quotidienne régionale »..

En première page, vous trouverez en bonne et due place, le site Internet du Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale, à l’URL http://www.spqr.fr/.. 

Bien, bien, très-bien. Mais le voilà le Hic, l’inattendu, l’incroyable, l’avenir garanti tendu, le big Dick, le coup tordu.. La description sur la page délivrée par BigLoo est la suivante (quote) : 

Le site du SPQR / Cheap viagra pills | LICENSED ONLINE PHARMACY #1| Best Prices ! Best service !GUARANTEED anonymity and FAST delivery !

Pas moins. Vous avez bien lu. Vérifiez ! Cheap viagra pills.

Fast delivery, comme il se doit dans la presse, comme l’avait déjà dit UPI.. 

Moi, je vous informe seulement, bien évidemment.. Je n’y suis pour rien dans cette ubuesque situation, cette perverse machination au cas où il y aurait soupçon.. J’ai juste pris une capture d’écran, dimanche le 2 janvier du nouvel an, pièce à conviction, car le canular ne saurait durer éternellement. Mais ce lundi 3, à 13 H, c’est encore là. 

Du Viagra donc, bonne idée pour un début d'année, si en plus c'est la Presse qui diffuse.. Pour préparer les élections dans les régions peut-être ? 

Bon Dieu, tout cela en dit long sur le désarroi de la profession, la nullité des intéressés.. En effet, personne ne semble s’en apercevoir au SPQR, s’en émouvoir, n'être capable de détecter et de réagir. Du Viagra donc, hilarant, pour un site qui aurait pu se contenter, en la circonstance, de s'intituler PQ, ou Q, tout simplement. 

La Presse Quotidienne Régionale ridiculisée dès le début de l'année, les rois de l’information institutionnalisée entartés, pris en flagrant délit d’impuissance (sic), à traiter au viagra de toute urgence : juste mesure, qui s'applique à des gens qui le méritent assez bien, valets des puissants. Juste mesure de nature à nous donner, à nous espiègles escrivailleurs, un plaisir bien légitimé, tant ils pensent tenir le haut du pavé. 

Après, au clic, tout semble fonctionner, il s’agit bien du SPQR. Mais le site mériterait une critique approfondie dont nous ferons ici l’économie, n’étant pas payé. Il suffira de pointer cet onglet en haut à droite, qui nous invite au blog.. Vous comprendrez. Elle est là l’actualité !

Bon, le gag est amusant, sans grande importance en soi, sinon qu’il nous rappelle à la réalité des choses en ce qui concerne la presse.

Il se trouve qu’hier encore, je recueillis quelques idées auprès d’une jeune femme chargée de manager l’équipe chassant la pub pour un titre départemental bien connu, intégré à un grand groupe national. 2 millions de revenu au titre des abonnements, un peu plus de 2 millions grâce à la réclame - ou la pub, comme vous voudrez. En gros, la moitié de ce chiffre d’affaires est engloutie par les 15 journalistes appointés et les 80 correspondants, qui eux se contentent des portions congrues. 

Ajoutez à cela les coûts du papier, de la fabrication, du portage, des opérations.. Vous constatez alors des comptes difficiles à équilibrer, qui supposent un travail acharné de la part de l’équipe chargée de chasser la publicité. Par ailleurs, chaque vieux qui meurt est un client en moins, les jeunes « ne lisent plus », la concurrence du spectron et de l’Internet n’en finit pas de s’enfler, démesurément. Et la petite crise économique qui s’annonce fait peser les pires risques sur les rentrées de publicité, jette dans la balance, telle une épée de Brennus, le spectre de la récession.

Il se trouve aussi que j’ai été mêlé d’assez près à l’histoire de la presse et de son évolution, depuis longtemps.

A la fin des années 70, déjà, on pouvait observer les symptômes de quelques maux dont la presse était affligée, qui expliquent la situation présente, et qu’on peut rappeler sans être exhaustif :

1. L’illusion de sa grandeur, de sa pérennité et de son prestige

2. Sa dépendance, voire sa situation d’otage vis à vis des journalistes dit professionnels, du Syndicat du livre, qui la parasitent à outrance

3. Son incapacité à comprendre les évolutions du monde, à les anticiper, à maîtriser les technologies, à les appliquer à son profit

4. Sa dévotion envers ses prédateurs institutionnels

5. Son incapacité à quitter les perceptions générales héritées du 19ème siècle

6. La lourdeur et la lenteur des processus décisionnels

7. Son absence totale de liberté vis-à-vis des investisseurs

- .. 

Dans les années 70 déjà, il apparaissait que la France accusait un certain retard, un retard certain plutôt. Nombre de grands titres se battaient encore avec du plomb. Le syndicat du livre, Cerbère intraitable, s’accrochait encore aux dernières linotypes avec l’énergie du désespoir, et plombait les coûts, bloquait l’innovation. 

Responsable d’un programme européen chez Sperry Univac (GTMS - Graphic Text Management System), j’avais des clients dans la presse, partout, sauf en France. J’organisai donc, pour les grands patrons français, une visite à UPI, Dallas, qui utilisait nos systèmes, comme les utilisaient déjà Il Messaggero, Il Sole 24 ore et beaucoup d’autres.. 

UPI était alors prospère, rappelez-vous qu’elle donnait le ton dans le monde entier, qu’on se souvienne son "Get It Fast, Get It Right, Keep It Simple". Mais, du Capitole à la roche tarpéienne il n’y a qu’un pas, et le destin de UPI doit faire réfléchir, aujourd’hui encore, les grands patrons de la presse en France. 

Jean-François Lemoine de Sud-Ouest, Michel Bavastro de Nice Matin, Serge July de Libération, la direction de « l’Equipe », du Républicain Lorrain, de la Voix du Nord entre autres, faisaient partie du voyage aux US. 

Les résultats n’ont pas été à la hauteur de nos prévisions.. Tant s’en faut, nos efforts ont même été vains. 

 Il me souvient surtout que Serge July prenait beaucoup plus de plaisir à la couleur locale (billard, Stetson, cigares, Coca-Cola..) qu’aux arcanes des systèmes de composition utilisés par UPI.. La composition « pleine page » ne s’est généralisée qu’au courant des années 90 en France, et encore ! 20 ans à peine. Epoque qui fut également celle de l’arrivée de l’Internet. Il s’en suivit de nouvelles difficultés à appréhender, de nouvelles opportunités à saisir, alors que la précédente révolution technologique n’était encore pas digérée et que les quelques symptôme évoqués supra n’ont fait que s’aggraver. 

« Ainsi, selon un rapport sénatorial, le poids des salaires dans les coûts de l'impression de presse (quotidiens) est de 80 % contre 35 % dans l'imprimerie de labeur (autres publications) ». 

La presse, en dépit de l’emprise de la CGT, n’a décidément pris la tête d’aucun mouvement révolutionnaire, fut-il d’ordre technologique !

Cette presse est maintenant à l’agonie.

Elle semble cependant avoir encore suffisamment de charmes pour que les parrains du capitalisme et les barons de la politique la considèrent encore comme une danseuse coûteuse qu’il est bon de s’offrir. « Diriger un média, devenir patron de presse : même le ministre François Baroin en rêve, avouait-il récemment.. ». C’est dire.. Rothschild, Arnault, Caraccioli, Dassault, Bouygues, Lignac, Niel pour ne parler que de quelques uns, s’y sont illustrés à grand coup de milliards. Mais elle est sous perfusion, et si de gigantesques intérêts occultes ne poussaient à la posséder, s’il ne s’agissait que d’une pure logique de diffusion de l’information au service du public (sans même parler de logique financière), la belle serait déjà morte et enterrée. 

A moins qu’elle ne trouve ses nouveaux princes charmants, son sort est réglé, la mort ou la prison à perpétuité. 

Cette presse papier (ceux qui la dirigent, ceux qui la possède), elle n’a toujours pas compris que l’information est un bien « d’échange », dont la source est au cœur même des populations, et que les avancées technologiques du moment permettraient de se débarrasser d’une grande partie des journalistes appointés et des charges qui vont avec, du Syndicat, des oligarques, du politique, tout en améliorant la qualité des contenus et la capacité de pénétration.. Elle n’a pas organisé ses moyens de production en les mutualisant assez, en les rationalisant assez (Ah ! le casse-tête pour insérer un ponctuel tiré à part dans le planning de fabrication..). Elle continue, poussée par ses démons, poussée par ses banquiers, à acheter les rotos « dernier cri », les plus grosses du Marché, comme les paysans achètent des tracteurs, oubliant les bonnes vieilles CUMA de leurs prédécesseurs. 

En somme, elle n’a jamais cessé d’être à la solde des puissants entrepreneurs de la finance et des aventuriers de l’oligarchie, l’otage de structures rancies. Ainsi, elle ne peut pas faire autrement, et surtout, elle ne sait pas, elle n’a jamais su faire autrement. Elle est bête de somme, tout simplement, pute de luxe qu’on peut se payer et passer au suivant, archétype de l’économie spéculative et du règne du pognon. 

Vaste débat, vaste analyse qu’il est impossible de développer ici. 

J’ai dit à la jeune femme chasseresse de pub qu’à mon avis, en moins de dix ans, sa position, en dépit de ses talents et de sa motivation, est condamnée à disparition. Mais qu’elle se rassure, en attendant, elle peut toujours viser une autre fonction au sein de son grand groupe de presse : celle de directeur de la recherche et de l’innovation.. Il y a tant à faire au service de l’Information !


Lire l'article complet, et les commentaires