La protection de nos monarques

par Desmaretz Gérard
vendredi 24 janvier 2020

« Louis XVI, Louis XVI, on l'a décapité, Macron, Macron, on peut recommencer  », tweet de Raquel Garrido reprenant les paroles d'un chant entonné lors de la manifestation du samedi 18 janvier 2020, l'assortissant d'un commentaire de son cru : « En prévision de la grève du 21 janvier »... La date n'est pas quelconque, le 21 janvier 1793, la tête du roi Louis XVI roulait dans la sciure place de la Révolution (de la Concorde). La veille, le député Lepeltier de Saint-Fargeau qui avait voté la mort du roi fut assassiné par un ancien garde du roi à 18 heures chez Février, un restaurant du Palais-Royal.

Quelques jours plus tôt, Alexandre Benalla déclarait à propos de la mise en sécurité du couple présidentiel venu assister à la représentation de « La Mouche » au théâtre des Bouffes du Nord : « On exfiltre un Président de la République en cas de menaces imminentes d'atteinte à sa vie ou à son intégrité physique. (...) L'image de la fuite est toujours catastrophique ». Pensait-il à la fuite manquée de Louis XVI à Varennes... Le journaliste Taha Bouhafs qui se trouvait quelques rangs derrière le couple Macron a déclaré : « Mon téléphone a été mis sous scellé, et dans ce téléphone, il y a une vidéo terrible où on voit un Président de la République, ainsi que la première dame, prendre leurs jambes à leur cou ».

La protection des monarques et celle des présidents français repose sur une longue tradition. La première unité de protection apparaît sous le règne du roi Charles VII (1422-1461), elle composée essentiellement d'Écossais, ennemis jurés de l'Angleterre. Louis XI (1461-1492) la renforcera avec deux compagnies d'archers français et François Ier lui adjoindra une quatrième compagnie. Chaque compagnie est placée sous les ordres d'un capitaine et reste indépendante (Il faut attendre le règne de Louis XIV pour que les quatre compagnies soient placées sous un commandement unique). Peu avant sa mort, Louis XI a décidé de s'entourer d'une centaine de Suisses. Les Cent-Suisses sont divisés en six escouades commandés par dix-huit officiers. Les Suisses accompagnent et encadrent le roi partout. La majorité d'entre-eux provient du canton de Vaud ou des Grisons, s'ils ne sont pas catholiques, ils doivent se convertir. Leur prestige est considérable et ils bénéficient de privilèges. Les gardes-françaises, toutes aussi réputées, composent six bataillons à trente-trois compagnies sont aisément identifiables à leur uniforme bleu aux parements rouges et galons or. Ils servent à pied dans l'enceinte et à la périphérie du Château. Chaque bataillon ne sert que quelques jours avant d'être relevé par un autre. Charles IX crée en 1567 « Les gardes suisses du Roi ». Le commandant de cette unité, Louis Pfyffer, sauve le roi lors de la retraite de Meaux. Louis XIII (1610-1643) réorganise les troupes suisses, le régiment des Gardes suisses se voit confier trois missions : assurer la garde du roi à l’extérieur – assurer le maintien de l’ordre – combattre en première ligne.

La garde du dedans (à l'intérieur du Palais) comprend : les gardes du corps - les Cent-Suisses - Les gardes de la porte - les gardes de la prévôté. Lors du déplacement du suzerain, les gardes du corps se tiennent sur sa droite. Vingt-quatre gardes appartenant à la compagnie écossaise, portant le titre de gardes de la manche, sont chargés d'escorter le roi en permanence. Les gardes de la manche sont reconnaissables par le port d'un hoqueton, sorte de casaque blanche brodée d'or portée par-dessus leur uniforme. Ce sont eux également qui veillent le corps du souverain décédé et qui supervisent sa mise en bière. La Garde du dehors est composée des gentilshommes de la maison royale (parfois désignés « becs-de-corbin » du nom de leur hallebarde) - des chevaux légers - des Mousquetaires du Roi - des Grenadiers à cheval - et des gens d'armes.

Tous ceux qui ont pour mission de protéger le roi : gardes français - gardes du corps - gardes de la manche - ou les Cent-suisses, relèvent de la Maison du roi. Les gardes se distinguent par le port d'un uniforme bleu et des bas rouges, ce qui leur vaudra le surnom de la « Maison bleue du Roi ». La première compagnie, la Compagnie écossaise fondée par Charles VII, ne comprend plus sous le règne de Louis XIV, que des nobles français vêtus d'un uniforme bleu-roi à galons d'argent. Le premier grade est celui de sous-lieutenant de cavalerie. Le poste de garde du roi est un privilège. Les gardes, majoritairement des nobles, occupent le premier rang de la Maison militaire du roi devant les chevaux-légers et les gendarmes de la garde. Les places de gardes sont vendues par les capitaines de compagnie, pratique qui disparaîtra en 1664 sous le règne de Louis XIV qui entend bien s'adjoindre les meilleurs éléments des régiments de cavalerie de ligne. Le rang de garde du corps équivaut à celui de lieutenant de cavalerie, celui de brigadier à celui de capitaine, et les promotions reposent sur le mérite. Leur devise : « Nec pluribus impar » (Il n'est pas inégal à plusieurs), et gravée sur leur épée, Vive le Roy !

Une ordonnance de 1667 confère aux gardes du corps d'appartenir au premier rang dans la gendarmerie de France. Ces hommes sont choisis par le roi en personne et assurent leur service par quartiers. Leur régiment est à quatre compagnies, chacune divisée en six brigades. Les gardes de la manche sont eux sélectionnés au sein de la Compagnie écossaise. Deux gardes porteur d'une épée et d'une hallebarde se tiennent constamment aux côtés du roi. Lors de grandes cérémonies, leur effectif est porté à six gardes, et leur service dure un mois par an. Les gardes de la porte armés d'une épée et d'un mousquet sont chargés de la sécurité à l'intérieur du château. Leur service commence à six heures par la relève des gardes du corps. La nuit, la sécurité est assurée exclusivement par les Suisses et les gardes du corps. Autre corps relevant de la Maison du roi, celui des gardes de la prévôté qui recherchent les malandrins qui auraient pu s'introduire dans les bâtiments. Des milliers d'individus arpentent quotidiennement le Château !

Le 5 janvier 1757, Louis XV descend l'escalier du château de Versailles accompagné de Montmirail, du grand et premier écuyer pour se rendre à Trianon y fêter l'épiphanie. A peine le roi a-t-il atteint les dernières marches, qu'un homme surgit de l'obscurité bouscule des gardes formant la haie d'honneur et illuminant la galerie une torche à la main, porte un coup de couteau au côté de sa majesté. Le roi s'écrie : « Je suis blessé ». Il est dix-huit heures. Le roi soutenu par le duc d'Aryen et le dauphin s'en retourne dans ses appartements. Son pourpoint ôté, le sang jaillit avec force, sa Majesté réclame un aumônier et que l'on aille quérir la reine avant de perdre connaissance. Le premier chirurgien arrivé, sonde la plaie, aucun organe vital n'a été atteint. A l'annonce des faits, le bon peuple de Versailles se rue vers le Château au cri de : « Vive le roi ! » et « Mort à la Pompadour », terrorisée, cette dernière n'ose quitter ses appartements. Le roi se rétablit, une semaine plus tard et la Pompadour de réapparaître en public.

Le régicide, Robert-François Damien est un ancien domestique qui a pu circuler dans le palais sans attirer l'attention. Capturé, il est soumis à la torture pour livrer le nom de ses complices, scène décrite par Voltaire dans son histoire du parlement de Paris : « Ils le menèrent dans une chambre basse qu'on appelle le salon des Gardes. Le duc d'Ayen, capitaine des gardes, le chancelier Lamoignon, le garde des Sceaux Machault Rouillé étaient accourus. Les gardes l'avaient déjà dépouillé tout nu et s'étaient saisis de son couteau. Avant que le lieutenant du grand prévôt fût arrivé, quelques gardes du corps, dans les premiers mouvements de colère et dans l'incertitude du danger de leur maître, avaient tenaillé ce misérable avec des pincettes rougies au feu et le garde des Sceaux leur avait prêté la main ».

Lors de son procès, Damien déclara : « Je n'ai pas eu l'intention de tuer le Roi ; je l'aurais tué si j'avais voulu. Je ne l'ai fait que pour que Dieu pût toucher le roi et le porter à remettre toutes choses en place et la tranquillité dans ses États ». Damien reconnu coupable de tentative d'assassinat sur la personne du roi Louis XV est condamné au supplice du feu, ses bras, ses cuisses, et gras des jambes sont brûlés au feu de soufre, sur les endroits tenaillés, on y jette du plomb fondu, de l'huile bouillante, et de la poix résine brûlante, avant que le condamné ne subisse l'écartèlement. Les chevaux ayant démembré le corps du supplicié pendant une heure sans parvenir à en arracher les membres, le bourreau déboîte chaque fémur et ramène les jambes le long du torse afin de permettre aux quatre chevaux de tirer parallèlement et ainsi mieux déchirer les chairs, en vain. Le bourreau trancha les tendons des quatre membres pour les séparer du tronc, ensuite de les jeter au bûcher.

La garde du Roi est supprimée par une ordonnance du 12/09/1791. Le 10 août 1792, des émeutiers attaquent le Palais des Tuileries, le Roi et sa famille sont évacués vers l’Assemblée nationale, Louis XVI désireux d'apaiser la situation, ordonne aux gardes de déposer les armes et de rejoindre leurs casernements. Tous les défenseurs du Palais seront tués, le roi emprisonné au Temple, avant d’être guillotiné le 21 janvier 1793 (Jacques Chirac refusera la présence d’un représentant suisse lors d’une messe en la chapelle des Invalides en mémoire de ces événements tragiques).

Le 24 décembre 1800, le fiacre qui transporte le premier consul Napoléon Bonaparte pour lui permettre d'assister à un concert est soudainement pris dans un embouteillage rue Saint-Nicaise (Paris). Le postillon pressentant un je ne sais quoi, fouette ses chevaux et force le passage ! Bien lui en a pris. À peine l'a-t-il franchi qu'une charrette explose derrière lui. Une barrique qui dissimulait une machine infernale composée de poudre et de mitraille (shrapnels) a explosé faisant une vingtaine de tués et détruit quarante-six habitations. Napoléon s'en sort indemne et se rend au théâtre assister à la première du compositeur Joseph Haydn.

Le 1 juin 1816, Louis XVIII décide de reconstituer la garde suisse. Le 21 septembre 1822, quatre sergents accusés d'avoir comploté contre la restauration de la monarchie sont guillotinés en place de Grève (place de l'Hôtel-de-Ville de Paris). Le 29 juillet 1830, le massacre d’une centaine de gardes suisses marque la chute de Charles X suivie de celle des Bourbons et l’avènement de Louis-Philippe d’Orléans. Le 28 juillet 1835, trois artisans ont décidé d'attenter à la vie de Louis-Philippe lors des cérémonies célébrant les événements de 1830. L'un d'entre eux a placé une «  machine infernale  » au premier étage d’un immeuble du boulevard du Temple, une pièce de bois réunissant vingt-quatre canons de fusil se déchargeant simultanément ! Lorsque le roi apparaît juché sur son cheval, le dispositif est activé ; le monarque est légèrement blessé au front par un projectile, un autre tue le maréchal Mortier et la mitraille fait dix-huit morts parmi la foule. Louis-Philippe décide de poursuivre le déroulement de la cérémonie et passe en revue les troupes présentes sous les acclamations des Parisiens.

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