“La psychologie du totalitarisme” de Mattias Desmet est l’un des meilleurs livres de 2022

par Lucia Gangale
vendredi 30 décembre 2022

Je me suis déjà occupée du psychologue flamand dans un article qui a été lu, reposté et commenté des milliers de fois, partagé sur diverses plateformes, discuté par de nombreux utilisateurs et utilisé comme ressource pour d'autres articles.

En effet, celle de Mattias Desmet, professeur de psychologie clinique à l'université de Gand, est l'une des voix les plus critiques sur l'époque dans laquelle nous vivons, caractérisée par des grandes transformations sociales, saisie par la peur savamment alimentée par les gouvernements, privée de la joie même de vivre dans la transition d'une urgence à une autre : les migrants, le covid, la guerre en Ukraine, le changement climatique.

Desmet est un scientifique dont on parle beaucoup, notamment sur la plateforme Linkedin.

Son livre La psychologie du totalitarisme, une publication objective qui ne s'aligne pas sur le récit dominant propagé par les journaux et la télévision, a déjà été traduit en italien et en anglais et est considéré comme l'un des meilleurs livres de 2022. Son auteur a donné soixante conférences sur ce sujet en trois mois. Le livre explique clairement tout ce qui s'est passé pendant les deux années de la pandémie de coronavirus. Surtout, sa vision du totalitarisme moderne, qui ne réside pas dans un leader charismatique particulier, mais dans la croyance répandue parmi les gens que nous pouvons créer une société utopique basée sur la raison et sur les théories des experts, est très intéressante.

Le totalitarisme 4.0 n’est pas dirigé par des dictateurs comme Hitler ou Staline, mais par des bureaucrates et des technocrates gris.

Cette conclusion découle des longues années que Desmet a passées à étudier la pensée de groupe. L'observation du déroulement des événements au cours des deux années de la pandémie l'a amené à conclure qu’ici, dans l’Occident développé, l’heure est au totalitarisme et que les voix dissidentes sont de plus en plus censurées.

Nous l’avons vu avec l'empressement des "experts" et des politiciens à étiqueter les gens en fonction de leurs préférences concernant le vaccin anti-Covid. L’expression désagréable et mystifiante "no-vax", est un terme créé avec art pour étiqueter les gens, en le chargeant d’une bonne dose de dégoût et de stigmatisation sociale, c’est-à-dire de ces mécanismes, si bien analysés même par la philosophe américaine Martha Nussbaum, qui conduisent à l'exclusion et à la marginalisation de groupes sociaux, dans le but de les dominer, de les contrôler et de les assujettir. Si, auparavant, cette tactique envahissait le domaine de la race ou des préférences sexuelles, elle envahit maintenant la sphère de la santé et s'attaque au contrôle de l'esprit et du corps des gens.

Desmet note plusieurs choses :

1. Tout d’abord, ce mode de contrôle n’est pas exercé par les dictateurs, mais par le groupe ;

2. La demande d’un gouvernement fort pour contrôler la vie privée a commencé il y a quelque temps et est liée à l’exigence d’une plus grande sécurité (lutte contre le terrorisme, contrôles anti-crime dans les villes, mouvement woke) ;

3. Dans la société de masse du XXIe siècle, qui est largement connectée aux développements technologiques (tels que les passeports numériques et la monnaie numérique), des formes de contrôle de plus en plus rapides deviennent possibles ;

4. La solidarité entre les individus n'existe pas mais il existe un lien entre l'individu et la collectivité.

Desmet note qu’on est tenté de voir la dichotomie entre un "Occident libre" et un nationalisme réactionnaire de l’Est. La guerre en Ukraine alimente cette perception. Mais attention, prévient le chercheur, parce que le totalitarisme ne vient pas d’en haut, comme le pouvoir de Poutine, mais d’en bas, de masses en proie à une certaine histoire et à la recherche de leaders qui résolvent des problèmes. Si un totalitarisme naissait, les gens ne le remarqueraient même pas.

Le totalitarisme, dit encore Desmet, peut s'installer facilement parce que les gens ont peur et ne savent même pas de quoi il s'agit. Par conséquent, ils recherchent des objets auxquels ces peurs peuvent être associées. Et si un leader promet de résoudre les problèmes, les gens y croient en masse.

Ce mécanisme était également évident dans l’affaire du coronavirus. À cette occasion, Desmet a déclaré que notre peur serait plus nocive que le virus et a immédiatement été qualifié de théoricien de la conspiration. Les médias ont orchestré une pression si forte sur les masses, relève Desmet, qu’ils les ont incitées autant que possible à la pensée unique. Le chercheur a également adressé une critique aux statistiques sur les morts du Covid. La méthode quantitative, en fait, semble être l'une de ses spécialités. Dans la peur alimentée par les médias, note encore Desmet, un lien de groupe fortement ressenti est né : tout le monde était uni dans la peur de la maladie. Il a parlé d’”hypnose vaccinale de masse” et n'a fait en fait que remarquer un mécanisme aussi vieux que l'humanité : les chasses aux sorcières et les croisades médiévales concentraient la phobie collective sur un seul objet particulier, tout comme dans l'hypnose on se concentre sur un seul point particulier. Pendant la pandémie de coronavirus, il est arrivé qu’en peu de temps, les gens aient soutenu des politiques qui, de facto, les mettaient en résidence surveillée. Comme dans la chasse aux sorcières, les non-vaccinés sont devenus des citoyens de seconde classe. Autrement dit, Desmet l'explique mieux, ils sont devenus un nouveau "bouc émissaire". Les soi-disant "experts" ont promis la liberté après deux doses de vaccin, puis une troisième. Et puis un quatrième. Mais, surtout, certaines règles ont pris le caractère d'un rituel : lavage des mains, masques, distanciation. Le scientifique explique que la pensée de groupe, présente dans tous les siècles, ne conduit pas à elle seule au totalitarisme. Pour ce faire, de nombreuses autres conditions doivent être remplies et à grande échelle.

M. Desmet ajoute que l'esprit de notre époque veut que les décisions soient prises par des technocrates. Les décisions politiques sont sous-tendues, ajoute-t-il, par une idéologie : le monde et les gens sont un mécanisme que l'on peut améliorer ou contrôler, il suffit de connecter tout et tout le monde dans un internet des objets et un internet des corps. Tout système totalitaire rêve de transhumanisme.

Hitler en a rêvé avec sa théorie pseudo-scientifique des races. Mais ici, il faut absolument faire une distinction avec le populisme moderne et les différents Trump, Erdogan, Orban. Ces derniers, selon Desmet, sont animés par un dangereux désir nostalgique, mais à la base ils n'ont pas une idéologie pseudo-scientifique qui entend créer un nouvel être humain, si étroitement lié à la technologie qu'il envisage une possible transformation post-humaine (à cet égard, les chercheurs ont parlé d'une nouvelle "religion technologique").

Le rêve de tout totalitarisme est de recréer l'homme sur la base d'une idéologie revêtue de rationalité. Hitler, hier, avec sa théorie des races ; le transhumanisme, aujourd'hui, avec son rêve de faire de l'homme un Dieu par fusion avec la technologie. C'est pourquoi, selon le chercheur, il est nécessaire de parler de ces sujets et de ne pas faire taire les voix dissidentes, car le risque est la déshumanisation.

Mattias Desmet nous met en garde contre les états d’anxiété et de peur engendrés par un contrôle toujours plus grand de la part de l’autorité. L'anxiété et la peur engendrent plus de contrôle, et plus de contrôle engendre toujours de nouveaux stades d'anxiété et de peur. Tous les totalitarismes fonctionnent ainsi, jusqu'à ce que l'intégrité psycho-physique de l'individu soit détruite. C'est pourquoi il est important d'être vigilant face au flux incessant d'informations qui nous parviennent de toutes parts et d'être capable de distinguer le vrai du faux, suggère M. Desmet.

Il y a deux aspects à noter dans la pensée de Mattias Desmet. Tout d'abord, en étudiant les phénomènes d'autorité et la psychologie des foules, il met en évidence les mécanismes qui sous-tendent l'idéologie délétère du totalitarisme, tant de la part de ceux qui le représentent que de ceux qui le subissent. Ensuite, il donne un aperçu des émotions négatives qui se développent lorsque l'on vit dans le contexte toxique du totalitarisme. Ainsi, le chercheur s'inscrit à juste titre dans ce courant productif d'études qui place l'analyse des émotions humaines au centre de ses préoccupations et qui, comme le savent bien ceux qui étudient la philosophie, était précisément cette sphère de l'existence humaine que la philosophie a bannie pendant très longtemps, au nom de la prévalence de la raison comme objet d'étude.

Aujourd’hui, la philosophie connaît une grande réévaluation des émotions humaines, grâce à l’apport de la psychologie (et Desmet, comme dit, est un psychologue), des sciences humaines et aussi de la littérature.


Lire l'article complet, et les commentaires