La quatrième de couverture du livre de Macron : narcissisme ou erreur politique ?

par Jean B
vendredi 9 décembre 2016

       C'est un choix osé qu'a fait l'éditeur XO, pour la publication du livre-programme "Révolution", de ne mettre ni résumé, ni critique sur la quatrième de couverture. Une gigantesque photo en plan serré d'un Emmanuel Macron tout sourire, prise lors de son premier Conseil des ministres, recouvre l’intégralité de la dernière page. Certains y verront, comme Jacques Attali, une nouvelle illustration de la nature profondément narcissique de la candidature de ce météore politique. D’autres, plus pragmatiques, diront comme Gérard Genette qu'une quatrième de couverture a pour but d’appâter le lecteur et que le principal argument vendeur du fondateur d’En Marche reste sa belle gueule.

       Il existe une troisième raison à cette quatrième de couverture, plus complexe, plus politique, celle d’imposer par cette image le visage présidentiel d'Emmanuel Macron au peuple Français. Par le simplisme de cette dernière page, XO a souhaité imprimer sur les yeux du lecteur l’évidence de la candidature de l’ex-locataire de Bercy. Malheureusement, l’éditeur a commis une erreur politique tragique et révélatrice dans le choix de cette photo. Involontairement, il cantonne encore une fois l'auteur à son image médiatique, celle d’un jeune ministre de l’Economie, prodige certes mais insouciant, hors-sol et sans prise avec la réalité du peuple.

       Car Emmanuel Macron ne porte pas de cicatrices de guerre. Il n'a ni le visage creusé par des années de campagne dans la Sarthe, ni la corne sur la paume de celui qui est allé serrer les mains revêches des vignerons corses, ni les cheveux poivre et sel d'un énarque agrégé ayant vieilli trop vite, ni la calvitie d'un homme marqué par les échecs et la vindicte populaire. Il n'a pour lui que ses dents du bonheur, des dents blanches, celles d'un carnassier prêt à rayer le parquet. Son visage imberbe, sa mèche méticuleusement coiffée sur le côté, son nez d'oiseau soigneusement dissimulé et ses traits fins, lui donnent une beauté presque sensuelle.

       Or un président c'est un visage, c’est une voix, qui pendant cinq ans se confond avec l’image de la France. C'est un chef des armées, dont les discours télévisés retentissent jusque dans la ferme du Berry ou dans la chambre d'un adolescent trop occupé à regarder TPMP. Ce n'est ni une icône métro-sexuelle d'un milieu littéraire parisien, ni un philosophe romantique qui fait rêver les femmes du troisième âge.

       Alors demain, pour se présenter, pour arracher le vote des français et pour s'assurer de leur adhésion, Emmanuel Macron va devoir changer de visage. Brigitte et conseillers, ne cachez plus ses cernes, laissez-lui la barbe naissante d'un homme pressé, laissez sa peau se froisser dans le froid des meeting en Bretagne ! Comédie ou pas, laissez-le serrer la mâchoire de rage face la pauvreté de nos territoires et à ces destins brisés par un système imparfait. Les français n’éliront pas un premier de classe, pas plus qu’un jeune ambitieux inexpérimenté de 39 ans. Mais ils pourront élire un candidat insoumis, digne et souverain, avec un visage marqué, vivant témoin de son combat politique et de ses convictions.

       Il y a plus de cinquante ans, Malraux avait déjà compris la symbolique de l'incarnation et, pour le transfert des cendres de Jean-Moulin au Panthéon, il finissait son discours sur ces mots : "C'est la marche funèbre des cendres que voici. A côté de celles de Carnot avec les soldats de l'an II, de celles de Victor Hugo avec les Misérables, de celles de Jaurès veillées par la Justice, qu'elles reposent avec leur long cortège d'ombres défigurées. Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France...".

Jean B


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