La révolte des médias contre Sarkozy ?

par Napakatbra
vendredi 11 janvier 2008

Laurent Joffrin s’est sacrifié pour le bien de l’humanité. Sarkozy est un monarque... Rires dans l’assistance. C’est un « détail » certes, mais c’est une image forte. Et ce sont les images fortes qui font les lames de fond, pas les clapotis de surface, qui, sous Sarkozy, ont tendance à devenir de gros remous. Mais tout l’art de l’homme est de faire passer ces remous en bruit de fond.

Nicolas Sarkozy devait présenter ses voeux à la presse, c’était l’objet du discours d’hier. Les "voeux" sont en fait arrivés à la toute dernière phrase et de façon pour le moins coutournée. Techniquement, si on lit mot à mot les dernières phrases de son discours, il n’a tout simplement pas souhaité la bonne année à la presse. Citation : "Je m’aperçois que je ne vous ai pas présenté de voeux. Ce n’est pas parce que je ne les pense pas. Mais je vous vois si heureux et si épanouis dans les commentaires qui sont les vôtres que je me suis dit que c’était inutile de leur présenter des voeux... enfin quand même à la fin de mon petit propos, je voulais vous dire que malgré tout, ils sont sincères." Bon, c’est technique d’accord. Là où ça devient gênant, c’est que cette phrase a simplement disparu de la version officielle disponible sur le site de l’Elysée, dans laquelle il n’est plus du tout question de voeux à la presse. Bizarre...

Durant tout son discours, Sarkozy n’a pas cessé de taper sur tout le monde, ses prédécesseurs, l’opposition, la presse, les membres du G8... Et les réponses aux questions des journalistes ont été particulièrement dures. Laurent Joffrin en sait quelque chose, qui a osé parler de "monarchie" et de "pouvoir personnel". Cette passe d’armes, avec un peu de recul, a quelque chose d’intéressant. Certes, un ricanement de fond s’est fait entendre quand Sarkozy a sermonné Joffrin. Mais aujourd’hui, l’affaire Joffrin prend une nouvelle tournure. Jusqu’à présent, les discours de Sarkozy n’étaient réellement disséqués que par le Canard enchaîné. Vous rappelez-vous le fameux "Dites-moi quels engagements je ne pourrai pas tenir" en direct ? Aucun retour, ni le lendemain, ni le surlendemain, ni dans la presse écrite, ni à la télévision, nulle part. Mais aujourd’hui, des tribunes sont ouvertes à Joffrin un peu partout. Un droit de réponse qui lui a été refusé en direct. Reprenant l’affirmation du président, "je mets au défi quiconque de trouver le mot collaborateur dans un seul de mes écrits ou une seule de mes déclarations", les médias ont répondu au défi et ont trouvé... En même temps, ce n’était pas très difficile. Sous couvert de droit de réponse bien sûr, mais tout de même. Libération (évidemment), Le Canard enchaîné (bien sûr), France Info, Canal +, L’Express, RMC... il doit y en avoir d’autres, je n’ai que deux oreilles et deux yeux.

Et ça c’est vraiment nouveau. Alors peut-être que la prochaine fois, on aura droit à de vraies questions ? Par exemple, "Est-il vrai que vous avez touché votre salaire de ministre de l’Intérieur jusqu’en décembre 2007 ?", ou encore : "Si les 35 heures sont remises en cause, alors la monétisation des RTT et la non-imposition des heures supplémentaires tombent à l’eau ?", ou encore : "Pourquoi n’avoir pas annoncé que vous aviez des problèmes de santé alors que vous aviez promis de faire de votre médecin une vedette pendant la campagne ?", ou encore : "La commission d’enquête sur la libération des infirmières bulgares montre clairement qu’il y a bien eu des contreparties, pourquoi avez-vous dit le contraire ?", ou encore : "Le pouvoir d’achat des retraités a encore reculé cette année. Qu’en-est-il de la promesse du candidat Sarkozy de revaloriser les petites pensions de retraite ?", ou enfin : "Pendant la campagne, vous aviez dit que vous ne toucheriez pas aux 35 heures, il y a un mois, vous les aviez qualifiées d’acquis social, et aujourd’hui, vous voulez les supprimer. Qu’en est-il vraiment ?"

A énerver les journalistes, à force, ils vont finir par poser des vraies questions... Attention ! La postérité retiendra qu’il a osé s’allonger devant un 15 tonnes en état évident d’excès de vitesse et que rien n’arrête, même pas la vérité. Pourvu qu’il ne soit pas en plus sous l’effet de psychotropes...

Pour paraphraser Nicolas Sarkozy, les mots ont un sens... Mais finalement, on s’en fout ?


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