La rumeur d’Alésia, je la connais, elle est récurrente, elle fait partie des classiques de l’histoire, mais il faut la laisser vivre (…)

par Emile Mourey
vendredi 18 mars 2016

Déclaration d'Emmanuel Macron à Europe 1 ce mercredi dernier en réponse à un questionnement de Jean-Pierre Elkabach. Moi qui croyais que pour la communauté scientifique et donc pour les membres du gouvernement, la question était tranchée en faveur d'Alise-Sainte-Reine depuis les très coûteuses reprises de fouilles des années 1991 à 1997. Aucune réaction du côté du ministère de la Culture ! Aucune réaction du côté des responsables de l'Archéologie ! Silence du côté des grands médias ! Oublié, leur devoir d'information et de rectification en direction du peuple ? N'est-il pas pourtant du devoir des élites d'informer et de réagir contre la désinformation ?

Et ce muséoparc d'Alésia qui coûte la peau des fesses aux contribuables ?... un poème ! Incapable de montrer aux visiteurs une reconstitution exacte des retranchements césariens ! Quelques misérables branches pointues plantées dans le sol sur lesquels on nous dit que les Gaulois venaient s'empaler, il faut vraiment le faire. Incapable de nous expliquer le déroulement logique de la bataille avec ses phases successives pourtant soigneusement décrites par César.

Et puis, cette affirmation mensongère que l'armée de secours gauloise se serait enfuie sans combattre de ses camps. Incapable de traduire correctemment le texte césarien ! César n'a jamais dit qu'en arrivant sur les lieux, les Gaulois avaient dressé des camps. Il dit très précisément qu'ils s'étaient déployés devant les grands camps romains de la plaine, qu'ils les avaient investis et qu'ils les avaient donc détruits avant de de retirer lorsque la cavalerie germaine est revenue sur eux.

Je suis un homme du peuple, un citoyen comme un autre. Et comme pour les hommes du peuple qui lui posent des questions, Mme le Ministre de la Culture ne répond pas.

Le 5 janvier, je l'ai interrogée sur nos anciennes capitales gauloises, sans succès. Le 5 février, j'ai réitéré, toujours en doublant la publication de mon article Agoravox par un envoi postal... toujours sans succès. Mme la Ministre, pourquoi ce mépris ?

L'affaire est pourtant d'importance, car il ne s'agit pas seulement de l'Alésia de la bataille mais de l'Alésia dont Diodore de Sicile dit qu'elle était le foyer et la métropole religieuse de toute la Celtique.

Comme je l'ai expliqué dans de précédents articles, c'est sa position qui a fait de Taisey une étape privilégiée sur la voie de l'étain, sur une petite hauteur aux larges vues dominant la ville de Chalon-sur-Saône, à l'extrémité du couloir Rhône/Saône, dans une cuvette étendue fertile où le fleuve s'étale.

Quelle était en Méditerranée orientale la place centrale du commerce de l'étain entre un monde oriental ancien demandeur et un monde nouveau fournisseur depuis la (Grande) Bretagne ? il s'agit d'Alashiya, l'île de Chypre, alias Alasiya, alias Alasia, ainsi nommée à l'âge du bronze, mots très proches de l'Alésia d'Alise-Sainte-Reine, et encore plus de l'inscription qui y a été trouvée : ALISIIA, avec ses deux i.

Chypre/Alashiya, point de départ logique des voies de l'étain et point de retour. Le marchand naviguait jusqu'à Marseille, remontait le Rhône et la Saône, passait à Tournus, s'arrêtait à Cabillodunum/Taisey - l'Alésia de Diodore de Sicile - remontait la Thalie jusqu'à Aluze, autre Alésia, puis s'engageait dans la vallée luxuriante de la Cosane pour rejoindre, par la Brenne, Alise-Sainte-Reine, l'Alésia des Mandubiens, lieu de la bataille de César... et ainsi de suite jusqu'à la (Grande) Bretagne et à ses mines d'étain.

Car l'Alésia de Diodore de Sicile ne peut évidemment pas être la modeste Alésia des Mandubiens qui n'était qu'une cité vassale des Lingons. Où faut-il la situer ? La logique veut que cela soit Cabillodunum/Taisey sur la voie de la Saône. 

Lorsque Diodore de Sicile évoque la légende de la fondation de cette Alésia par Hercule au cours de sa course errante, il faut comprendre que c'est une colonie venue de Tyr qui s'est établie sur la colline de Taisey. Cet Hercule, ajoute Diodore - c'est-à-dire : cette colonie herculéenne - tomba amoureux d'une princesse indigène, ce qui signifie que les nouveaux colons mêlèrent leur sang étranger au sang des belles autochtones. De leur union naquit Galatès. C'est lui - ce sont les descendants de ces premiers colons - qui a donné au pays son nom de Galatia. Ce sont ces descendants qui tentèrent de civiliser la Gaule en interdisant les injustices et les meurtres rituels que les indigènes commettaient sur les étrangers. Mais la population indigène était plus nombreuse que les soldats d'Hercule ; et les Barbares reprirent le pouvoir. Et Diodore termine par cet étonnant témoignage : Alésia, c'est-à-dire Taisey, était le foyer et la métropole de toute la Celtique. » (Livre IV, XIX et Livre V, XXIV).

Diodore spécifie par ailleurs qu'un grand nombre d'indigènes vinrent s'y établir, et comme ils étaient plus nombreux que les autres habitants, il arriva que toute la population adopta les moeurs des Barbares. Je ne vois pas les indigènes affluer vers le horst de Mont-Saint-Vincent, en pleine zone montagneuse, ou vers le mont Beuvray, mais dans les terres fertiles de la région chalonnaise, oui ; et cela explique l'apparition, plus tard, de la nouvelle ville des bords de Saône, l'actuelle ville de Chalon.

Je terminerai enfin par ce témoignage du VI ème siècle avant J.C.. Évoquant notre région "barbare", Hécatée de Millet, historien et géographe grec ne cite que trois villes : Narbonne, Marseille qu'il situe en Ligurie et, au-delà de Marseille, Nuerax, habitée par les Keltoï. Il s'agit de la première mention connue des Celtes. Une Nuerax - nouvelle forteresse - au delà de Marseille, c'est-à-dire à l'extrémité du couloir rhodanien, avant que le fleuve bifurque, je ne vois que la position de Taisey qui satisfasse à cette condition. Métropole religieuse d'après Diodore, il s'agit sans aucun doute du site le plus important et le plus significatif de la Gaule. C'est de là que, venant d'Orient, va rebondir pour se répandre sur l'Europe et le monde une étonnante civilisation : la civilisation chrétienne. 

Emile Mourey 
emile@mourey.com
www.bibracte.com

Note : seules des fouilles archéologiques pourront nous en dire plus. J'y suis favorable n'étant intéressé que par le savoir qu'elles peuvent apporter.


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