La rupture

par Gabriel
lundi 28 août 2017

 Ce que l’on a cru un jour on veut y croire pour toujours mais ici bas, dans la matière et maintenant, pas d’infini, rien d’éternel. Les amours durent ce que durent les roses. ils sont de passage comme les trains dans les gares et, le temps de station est fonction de l’appétence des voyageurs qui n’ont de cesse que d’atteindre une destination qu’ils ignorent eux-mêmes. Toujours en mouvement entre chaque halte à chercher l’amour ultime, la parfaite symbiose qui n’est pas de ce monde. Poussé par ce souvenir enfouit au plus profond de lui, il ou elle ira de partenaire en partenaire jusqu’à l’ultime voyage. Parfois, dans le meilleur des cas, mais de plus en plus rarement, avec le même compagnon amour fou des départs, l’incendie devenu braises tièdes, se transformera peu à peu en complice, en ami, confident par habitude, monotonie, lassitude. Puis, les cœurs chavirent et se déchainent, naissent les désaccords et arrive la déchirure. Avec le temps les larmes s’évaporent, mais la douleur s’incruste. On n’oublie jamais vraiment. On fait juste semblant, et là se situe l’épicentre de la douleur.

 L’être humain est un animal social insatisfait, perpétuellement en quête du mieux de l’image qu’il se fait de la perfection chez l’autre, sans se soucier le moins du monde de ses carences, de ses propres insuffisances. La médiocrité de son comportement lui donne à penser qu’il mérite l’amour qu’il exige des autres tout en les privant du sien. L’époque sans doute, a transformé le noble sentiment en un bien de consommation et, devenu égotiste, il ou elle s’estime en droit de l’obtenir comme il ou elle a gagné son dernier Iphone. La femme espère, attend, l’homme tente sa chance. Au petit jeu des places à prendre, les chaises musicales deviennent frénétiques et s’emballent. Jusqu’à un âge avancé, la femme nimbée de candeur espèrera le prince charmant de préférence beau et riche alors que, le dit prince cherchera à alimenter sa liste de conquête afin de rassurer sa virilité. L’amante voudra devenir épouse et l’épouse rêvera d’un amant. Le mari vieillissant se réchauffera au bûcher de sa vanité génitale dans les bras d’une maîtresse de passage. Sa compagne s’évadera avec un clone éphémère et tout ça pour s’apercevoir qu’avec le temps et qu’en finalité, le drap du lit se froisse aussi vite sous la passion que sous l’ennui. Les adieux les plus rudes sont ceux qui n’ont jamais été dits, jamais expliqués.

 Nous sommes des êtres solitaires qui cherchons des alliés pour ne pas aller seul vers le terminus qui nous effraie. En chemin les contrats se font et se défont car, parier sur l’avenir de l’autre par rapport à soi est pure arrogance. La durée d’un partenariat amoureux est fonction d’une alchimie complexe et bien présomptueux est celui ou celle qui pense en connaître la formule. Un subtil mélange d’attitude et de sentiment, un dosage minutieux et raffiné d’attention et de respect mutuel, en sont une partie de la recette. Dès qu’une relation se bâtit sur un binôme dominé(e) dominant(e) celle-ci enduit le déséquilibre et en écourte la durée. Voir l’autre en égal, en miroir n’est pas chose aisée à celui ou celle qui s’aime un peu trop.

 Dans cette fin de siècle consumériste, l'amour se vend, se marchande, s'achète et se solde voilà pourquoi trop de décisions définitives sont prises sur des émotions passagères. Les ruptures s’enchainent au rythme des rencontres, des accouplements. On se croise, on s’aime, on se déchire, on se quitte pour recommencer le cycle, l’insatisfaction chevillée au corps et au cœur. Le passage entre le plein et le vide est brutal. Nous n’avons pas appris à nous prémunir de la souffrance. Le bonheur qui nous arrive, on le pense naturel, on le croit éternel. Puis un jour, on s’aperçoit que bonheur et souffrance se livrent bataille chacun d’un côté du plateau de la balance de notre vie, et que l’un comme l’autre se remplace à l’infini.

 Demain sera comme aujourd’hui, un peu plus gai, un peu plus gris, tout est histoire de nuance. Ce que l’on a pardonné à l’un, nous l’avons trouvé inadmissible chez l’autre. Le cœur a deux portes, l’une pour vous faire entrer, l’autre pour vous faire sortir mais, comment en arrive-t-on parfois à détester ce que l’on a tant adoré ? Le malheur d’avoir perdu l’être que l’on aimait ne doit pas nous faire oublier le bonheur de l’avoir connu et, il est vain de pleurer une personne qui ne sera plus là pour essuyer vos larmes. La vie ne cesse pas après les ruptures, le fil du temps ne casse pas, il s’étire…

 "La consolation de ce monde, c’est qu’il n’y a pas de souffrances continues. Une douleur disparaît et une joie renaît. Toutes s’équilibrent. Ce monde est récompensé." 

Albert Camus

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