La Russie avec nous !

par Pierre JC Allard
mardi 22 avril 2014

Je lis, comme tout le monde, les nouvelles parlant de l’Ukraine, de la Crimée, de Kharkov et Donetsk en rébellion… . Si j’avais gardé un doute sur la mauvaise foi de nos gouvernements dits démocratiques, je le perdrais aujourd’hui en voyant grouiller cette fielleuse hypocrisie à donner la nausée, des Occidentaux qui veulent bien s’excuser d’avoir colonisé et asservi des Noir et des Bruns, des Jaunes et des Rouges chaque fois que l’histoire leur en a fourni l’occasion, mais qui prétendent encore avoir fait oeuvre pie en sabotant l’URSS, en intoxicant sa population des mensonges de Voice of America et en dévoyant ses gouvernants. Il faut mettre les pendules à l’heure.

L’Amérique a gagné la guerre froide. Elle y est parvenu par la corruption et la propagande. C’était de bonne guerre – puisque toute guerre gagnée est dite bonne – mais prétendre que cette victoire en a été une du bien sur le mal ne résistera pas au jugement de l’Histoire. Il serait bon que l’Europe regarde le passé – et les Russes – avec des yeux neufs. Elle y verra peut-être son avenir.             

Je connais un peu la Russie. C’est un peu pour le dire que j’ai mis cette photo en couverture – la seule de moi sauf en avatar, que j’aie jamais mis sur un site. Cette photo veut dire un peu « j’y étais », mais elle est là surtout pour cette femme à mes côtés. C’est elle qui est intéressante.

Cette femme, je ne sais pas son nom, mais je sais son histoire. C’est elle, et des millions comme elle, qui n’ont pas abandonné Leningrad pour se réfugier dans quelque ville d »eau de province pour jouer un double jeu. C’est d’autres millions comme elle qui ont résisté dans Stalingrad. Les médailles sur sa poitrine, c’est pour ça et pour les enfants qu’elle a faits, dont les deux qui sont morts en héros en arrêtant les panzers dans la banlieue de Moscou. C’est cette femme – pas les Tommies ni les G.I – qui nous a vraiment gagné la guerre. Cette femme nous a fait du bien. Nous lui avons fait bien du mal.

Nous devons des excuses à cette femme. Dans la Russie dite méchante et sauvage de Gagarin et du Bolshoi, elle avait une petite pension. Assez pour des choux, des betteraves et du pain noir. Elle avait un toit sur sa tête, un médecin qui la voyait pour son arthrite et ses petits enfants allaient dans une école où l’on apprenait quelque chose. Ils pouvaient rêver de devenir cosmonautes… ou académiciens. Ou simplement de vivre heureux avec un espoir que demain serait mieux. Elle, elle avait eu une petite tâche : garder l’entrée d’une niche, D’où l’on montrait à de jeunes Russes émerveillés des trésors de l’histoire de la Russie.

Puis, ON a apporté la démocratie. On les a libérés, elle et les autres. Plus de logement, plus de médecin, plus d’éducation supérieure gratuite qui vaille la peine d’en parler et une pension en roubles qui désormais ne valaient plus rien. Alors elle est revenue, à 80 ans passés, montrer ses trésors à des touristes indifférents. On a jeté à la rue les mères et les veuves des héros pour enrichir les collaborateurs des nouveaux envahisseurs…

J’ai vu la Russie des années qui ont suivi sa « libération » se désagréger. Se gangrener et se détruire aussi sûrement que si la Wermacht avait atteint la Place Rouge. C’est Poutine qui a sauvé la mise. Poutine a arrêté les collaborateurs et ralenti l’invasion des « libérateurs ». Il mérite du respect. Ce sont nos médias payés pour encenser Sarkozy, Hollande l’atlantisme, la corruption institutionnalisée et le saccage de la France sociale pour maintenir un gouvernement bling bling par et pour les copains qui n’en méritent pas.

Avant de prendre le parti de l’OTAN dans cette affaire ukrainienne, l’UE – et en particulier la France – devraient réfléchir. On ne peut espérer que l’Occident conserve une hégémonie abusive qui tôt ou tard, serait sa perte. D’autres cultures, chinoise, indienne, islamique, etc. sont désormais en rapide expansion et il faut respecter leur droit à occuper plus de place. Il faut nous défaire de notre arrogance. Mais il faut aussi, toutefois, se défaire de la complaisance qui nous porterait à croire que l’Occident survivra par quelque droit divin. Notre culture, comme toutes les autres cultures, ne survivra qu’aussi longtemps qu’elle conservera son dynamisme interne et la force de se faire respecter. Il faut constituer un ensemble culturel occidental cohérent.

Hélas, au moment où il faudrait cette union, tout un pan de l’Occident sur lequel on croyait pouvoir compter se désagrège. Les USA on quitté la famille. En discuter serait un autre débat, mais la suppression progressive des libertés et le retour vers une religiosité niaise montrent bien que l’Amérique a pris une voie différente de celle de l’Europe. Aujourd’hui, les USA sont dans le camp de l’obscurantisme et marchent à grand pas vers la tyrannie. On peut souhaiter le retour de l’enfant prodigue, mais en attendant il faut se compter et faire sans eux…

L’Union Européenne qui se cherche des amis devraient s’en chercher qui ont une tradition de loyauté. Aujourd’hui, il y en a plus à l’Est qu’a l’Ouest… Et, même pour les cyniques du realpolitk, c’est à l »Est, aussi, que les chiffres sont les meilleurs… Avec la Russie, l’EU quintuple sa superficie, sa population passe de 500 à 700 millions d’habitants – plus du double des USA – et son PIB tend vers 40 % du PIB mondial, en faisant de loin la première puissance commerciale et industrielle du monde. Cette Europe élargie à l’Est a une parfaite autosuffisance en hydrocarbures et est le plus vaste réservoir de matières premières de la planète. L’Europe ainsi agrandie est autarcique. Je ne dis pas ici qu’il faudrait en fermer les frontières – c’est un autre débat – mais il n’est pas mauvais de faire le constat que ce bloc n’a vraiment besoin de rien ni de personne. Bon pour l’évolution et bon pour la paix , car on n’aime sincèrement que quand on aime gratuitement. Sans dépendances.

Le bloc eurasien ainsi créé n’est pas non plus un agglomérat disparate : il est le cœur de la civilisation occidentale. Il est au bout de la filiation « Athenes, Rome, Byzance, Renaissance, Science, Droits de l’Homme et Liberté ». Il y a eu des moments noirs dans le cheminement de Occident, des croisades à la colonisation, mais ce qui en résulte aujourd’hui s’exprime dans une culture postchrétienne laïque qui se réclame de la tolérance et de la raison. Ce résultat me satisfait. Je ne veux pas en changer. Je souhaite que la civilisation occidentale continue…

La Russie fait partie de la civilisation occidentale. Même si des popes barbus sont apparus en si grand nombre à la chute de l’URSS, qu’on aurait pu croire qu’ils avaient été élevés en serres pour être relâchés au moment opportun, le discours dominant en Russie est demeuré rationnel, scientifique, laïque. La pensée politique – dans un pays où la démocratie n’a jamais vraiment eu son heure ! – a continué d’exiger plus de liberté. L’Amérique est apostate de la liberté, la Russie attend encore son bapteme. Aidons-la.

On peut l’aider. Sur le plan démocratie, la Russie peut avoir des problèmes d’application, mais si on va au palier des principes, même la constitution soviétique était plus démocratique que le modèle qui prévaut aujourd’hui chez nous ! . Il y a peut-être des leçons à apprendre, de part et d’autre, même des synthèses à faire, si on échappe à la tutelle américaine et à sa propagande « à la Bernays ». Il est important de comprendre que la Russie VEUT apprendre de l’Europe… et qu’elle PEUT apprendre. La Russie a mis en place un système d’éducation culturelle et technique qui n’a rien à envier au nôtre. Le Russe moyen est ÉDUQUÉ. Rien à voir avec la mixture, en parts bien inégales, de Ph.D et d’ignares incultes qui donne sa spécificité à la société américaine actuelle.

On peut vraiment s’entraider. Le potentiel industriel de l’EU se meurt pour des ressources naturelles ; la Russie les a, alors que sa structure industrielle a été sabotée, détruite, abandonnée et est en reconstruction. La Russie a développé des recherches scientifiques innovantes qui sont laissées en friche, alors que dans bien des domaines, en Europe et en Amérique, la mainmise d’un certain capitalisme sur la recherche a imposé des œillères au développement. Si on investissait massivement dans la recherche en Russie, la récolte serait prodigieuse… et rapide.

Il y a aussi la capacité et surtout le potentiel russe qui, ajouté à celui de l’EU, permettrait d’aller plus loin plus vite dans la recherche spatiale et doterait aussi une Europe élargie de la crédibilité militaire accrue lui permettent de devenir une troisième force et de jouer un rôle d’arbitre dans un monde qui autrement sera bipolaire, menant quasi inéluctablement à un affrontement entre la Chine et les USA.

Pour accueillir la Russie dans l’Europe, il faut que nous le voulions. Il faut donc d’abord qu’une population bien informée ne perçoive pas l’arrivée des Russes dans Europe comme si des hordes innombrables allaient nous envahir ; les Russes constitueraient moins du quart de la population d’une Europe élargie. Un ajout important, mais pas une prise de contrôle.

Simultanément, il faut aussi que les Russes le veuillent et qu’ils aient une volonté d’appartenance sincère à l’Europe, ce qui est facile à Saint-Pétersbourg ou à Moscou, mais demande plus d’efforts à l’est de Novossibirsk et surtout du lac Baïkal…. N’oublions pas que la Russie peut CHOISIR d’appartenir à une autre univerS, a prédominance orientale. Si elle fait cet autre choix, nous le regretterons. Il faut faire notre demande en mariage pour créer l’Eurasie et il faut que cette demande soit acceptée.

Si la Russie vient vers nous, il faudra l’amener au point d’intégration où en sont les participants actuels à l’Europe. Le plus gros problème immédiat sera l’intégration monétaire, car on ne peut penser que la Russie et ses alliés naturels accepteront la Banque Centrale Européenne qui fait de l’EU un appendice du capitalisme international contrôlé aux USA. Impensable que les Russes acceptent d’entrer dans ce piège, pas plus que les Anglais, ne l’ont accepté . Ils auront bien raison, car c’est une aberration de penser qu’on est une démocratie, si le contrôle des instruments financiers échappe au pouvoir démocratique. Si on veut faire vraiment l’Europe, il faudra régler cette question. Avec les Russes…, mais aussi avec les Anglais et entre Européens

Quand ils seront entrés dans l’UE, on évoluera tous ensemble. L’Europe ira sans doute plus vite, cependant, car elle aura gagné à créer une Europe spatiale et militaire. Considérant la nouvelle distribution globale de la main-d’œuvre et des ressources naturelles, on voudra aussi mettre en place au plus vite des politiques protectionnistes au palier de l’Europe. On ira plus vite vers une union politique, probablement confédérale. On voudra le faire vite, car tant que ce ne sera pas chose faite, il y aura un risque de désintégration de cette Europe élargie, risque d’autant plus grave que la zizanie sera fomentée par des forces extérieures qui y trouveront leur profit.

La Russie dans l’Europe est un beau défi. Rêvons d’un million de jeunes Russes venant faire des études en Europe occidentale, pendant qu’un nombre similaire de jeunes Européens de l’Ouest vont faire les leurs la-bas. La civilisation occidentale devrait être UNE, ses volets réconciliés avant qu’ils ne redeviennent antagonistes, comme ils l’ont été trop souvent.

Rêvons aussi d’un même échange avec de jeunes Américains. Il faudra le faire, aussitôt que l’Amérique se sera guérie de son corporatisme fascisant et de ses superstitions archaïques. Pour le moment, toutefois, l’Europe devrait miser sur la Russie. La Russie est prête pour l'avenir commun de l'Occident

Pierre JC Allard

 


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