La Semaine du pouvoir d’achat

par Chem ASSAYAG
vendredi 18 avril 2008

On connaissait la Semaine du goût, la Semaine du développement durable, la Journée de la femme ou, encore, la période des soldes ; mais tout cela est désormais un peu convenu.

Aussi Nicolas Sarkozy et son gouvernement, dans leur grande sagesse et afin de divertir une population un peu déprimée par un mois d’avril pluvieux et froid et un échec prévisible à l’Eurovision, ont décidé d’instaurer la « Semaine du pouvoir d’achat ». Le principe est simple : tous les jours ou presque, une annonce sur le pouvoir d’achat. Oh bien sûr rien de très spectaculaire, des annonces pour quelques dizaines de millions par-ci, quelques dizaines de millions d’euros par-là, mais au final une vraie éclaircie pour nos porte-monnaie. Comme chacun sait les petits fleuves font les grandes rivières !

Mais nous avons la mémoire courte et il convient peut-être de rappeler les différentes mesures qui vont rendre la vie de nos concitoyens, et singulièrement ceux des plus démunis, plus agréable et surtout plus facile. Tout d’abord, cette folle Semaine du pouvoir d’achat a commencé avec l’annonce d’une hausse de 5,5 % des tarifs du gaz, qui devrait entrer en vigueur à la fin du mois d’avril, et qui suit une augmentation de 4 % au 1er janvier. Près de 10 % d’augmentation en un trimestre voilà une belle promesse tenue sur le pouvoir d’achat, une réelle performance. Mais ce n’est pas tout car cette mesure touchera en premier lieu les plus défavorisés car, comme le révélait l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) dans sa dernière lettre d’information "Stratégies et études", la part des dépenses d’énergie dans le revenu des ménages français les plus pauvres est passée de 10 à 15 % entre 2001 et 2006, tandis que cette part a diminué dans le revenu de la population la plus aisée.

Puis nous avons eu l’épisode Carte famille nombreuse SNCF - le gouvernement avait prévu d’arrêter son financement ce qui revenait à la supprimer - qui là encore s’inscrivait parfaitement dans la logique de ces efforts en faveur de nos finances. Mais, pour des raisons qui, à ce jour, nous échappent encore, cette mesure a été finalement abandonnée. Mais, heureusement, cela ne mettait pas un coup d’arrêt à cette période faste.

En effet, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, annonçait dans la foulée le déremboursement prochain des frais d’optique. Les assurés, pour ceux qui peuvent se les payer, devant désormais se tourner vers leurs mutuelles. Mais il est vrai que ceux qui portent des lunettes peuvent très bien faire un effort : ils ne sont pas obligés de s’acheter des montures Prada et peuvent toujours cligner des yeux en cas de besoin. Après les franchises médicales, voilà donc une belle continuité. D’ailleurs, on peut parier que la prochaine étape de cette « responsabilisation » des assurés sera l’augmentation des franchises et leur déplafonnement. Surtout ne pas s’arrêter en si bon chemin...

Le gaz, l’optique, cela nous concerne à peu près tous. Il fallait une mesure plus ciblée qui puisse agréer une partie plus restreinte de la population. Cela est en marche avec l’annonce par le président de la République de sanctions plus systématiques (baisse des allocations chômage, voire suppression) pour les chômeurs refusant deux offres valables d’emploi (OVE) lorsqu’ils sont indemnisés depuis plus de six mois. Les chômeurs touchés par ces mesures auront donc le choix : ne plus toucher leurs indemnités, mais choisir leur emploi, ou accepter un travail moins bien rémunéré et/ou éloigné de leur lieu de résidence. Sachant que plus de 42 % des chômeurs sont des chômeurs dits de longue durée, c’est-à-dire sans emploi depuis plus d’un an et que l’ancienneté moyenne des chômeurs indemnisés à fin 2006 était de 349 jours, ça risque de faire de très nombreux heureux...


"L’animateur officiel de la semaine du pouvoir d’achat"


Pour conclure ces quelques jours de feu d’artifice, on apprenait hier (mercredi 16 avril) que les allocations familiales versées pour les adolescents allaient diminuer. Concrètement, la majoration des allocations familiales qui intervenait à partir de 11 ans est repoussée à 14 ans. Ainsi cela se traduira par une perte sèche de plusieurs centaines d’euros pour les familles. François Fondard, le président de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), estime que cette mesure "entraîne une perte sèche de 406 euros par an pour les familles qui perdent trois années de majoration entre 11 et 14 ans".

L’espace d’un court moment, on a pu craindre que cette mesure allait subir le sort de celle réservée à la Carte famille nombreuse. Mais François Fillon confirmait bien dans un communiqué* cette modification du régime des allocations familiales.

Comme une série de bonnes nouvelles n’arrive jamais seule, on apprenait ces derniers jours que l’inflation au mois de mars 2008 avait atteint le chiffre record de 0,8 %, soit le chiffre mensuel plus élevé depuis janvier 1987. Une bonne façon d’accompagner et de soutenir les efforts louables du gouvernement pour le pouvoir d’achat. Mais il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que, dans le domaine de l’inflation, le gouvernement subit, notamment au travers de l’inflation importée, plus qu’il n’agit.

« Je dis ce que je fais, je fais ce que je dis », Nicolas Sarkozy ne nous avait pas menti : il est le président du pouvoir d’achat et nous le confirmera sans doute lundi soir prochain sur TF1 et France 2.

* Fantastique exercice de communication que ce communiqué où l’on essaye de nous faire croire que cette mesure sera réellement favorable aux familles.

Crédit dessin : Philippe Tastet


"Les chanteurs officiels de la semaine du pouvoir d’achat"

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