La sorcière s’est rétractée
par Morpheus
jeudi 4 décembre 2014
La « sorcière » Judith Bernard a finalement cédé au supplice de la question. Elle s’est rétractée et a dénoncé l’hérétique vis-à-vis duquel elle dit maintenant n’avoir « aucune proximité idéologique ». Dans sa confession, elle se libère de ses péchés en accusant le vil Étienne Chouard – comme cela lui avait été fortement recommandé par la docte Inquisition – de « complicité avérée avec des thèses délirantes » (complicité avec le démon).
On le sait, les affaires de sorcellerie sont fondées sur la méfiance, la jalousie, la rancune, et une panique morale d’origine religieuse, souvent aussi pour des griefs personnels : c’est en réalité la « bonne » société qui se donne l’impression de défendre sa propre intégrité. Ici, la « bonne » société est constituée de zélotes de la secte du Parti de Gauche, de démophobes hystériques mais aussi d’un membre de l’intelligentsia parisienne agissant dans l’ombre. Ce penseur qui se dit hétérodoxe (et dans le petit cadre choisit dans lequel il pense, il l’est certainement) n’en apparait pas moins comme un sournois inquisiteur d’une pensée politiquement très orthodoxe, celle qui s’arroge d’autorité le droit de décerner des brevets de « fréquentabilité » et des sceaux d’infamie.
Peut-on en vouloir à Judith Bernard pour cette confession forcée ? Dans sa situation, qui aurait résisté ? Il y va, après tout, de tout ce qui constitue sa vie aujourd’hui : le journalisme et le théâtre au sein du sérail médiatique parisien. Après son engagement au sein du « mouvement » du m6r – que l’on sait initié, mais également piloté (quoi qu’elle en dise) par la secte du Parti de Gauche – mais surtout pour avoir eu le culot de défendre la thèse sulfureuse du tirage au sort de l’assemblée constituante, il fallait ramener à la raison la brebis égarée qui s’était engagée sur une pente dangereuse.
C’était une aubaine pour l’Inquisition ! Elle n’était pas parvenue, jusqu’ici, à contraindre l’hérétique à dénoncer le démon, malgré des coups forts rudes et déloyaux qui lui avaient été asséné pour le faire céder. La sorcière Judith était le maillon faible à exploiter pour lui asséner le coup fatal. Agissant sous l’influence du penseur de l’ombre qui la manipulait (et dont je tairai le nom pour l’instant, mais les plus futés devineront de qui il s’agit), l’hérétique avait craqué, il avait lâché le démon. Mais au lendemain de cette victoire de l’inquisition, voila qu’il abjurait et revenait sur ses aveux ! Il n’en fallut pas plus pour que Judith cède aux tourments et désigne alors Étienne Chouard comme hérétique « avéré ».
La Sainte Inquisition a finalement triomphé. Ou presque. L’hérétique est isolé de la plupart de ses soutiens médiatiques connus. Il lui reste encore le soutiens des gueux, des anonymes, mais chaque chose en son temps : l’Inquisition n’en a pas finit avec lui… Évidemment, avec le peuple, c’est parfois plus difficile : ce dernier sait souvent reconnaître les gens réellement bons et intègres et dès lors se laisse moins facilement qu’on ne le pense entraîner dans des accusations diffamatoires. Voilà maintenant près de dix ans que l’hérétique dénonce les tromperies des princes, des seigneurs, des cardinaux, des évêques, leur veulerie et leurs corruptions, tel un Savonarole de notre temps, ou plus près de nous, tel Jean-Jacques Rousseau, que la secte des philosophes harcela sans cesse jusqu’à le faire devenir fou (dit-on).
Un Empereur romain imaginaire à dit un jour à un Arthur pas encore Roi un secret :
« Des chefs de guerre, il y en a de toute sorte : des bons, des mauvais, … des pleines cagettes il y en a. Mais une fois de temps-en-temps il en sort un exceptionnel, un héros de légende. Des chefs comme ça, il n’y en a presque jamais, mais tu sais ce qu’ils ont tous en commun ? Tu sais ce que c’est, leur pouvoir secret ? … ils ne se battent que pour la dignité des faibles. »
Ces paroles, c’est le cinéaste Alexandre Astier qui les a écrite pour la saison 6 de la série Kaamelott. Dans un petit documentaire de Jean-Yves Robin où il parle des deux dernières saisons de la série, Astier explique à propos de son personnage, le Roi Arthur :
« J’aime les héros qui se découragent, peut-être par antagonisme avec les héros de films épiques – même les héros de la quête arthurienne – qui eux peuvent échouer sur des choses nobles mais n’échouent jamais sur leur volontarisme ou sur leurs convictions. Je trouve que c’est fantasmé, ça, c’est pas humain d’avoir une conviction inébranlable. Je pense que c’est ne pas connaître la psychologie humaine que de penser qu’un héros c’est quelqu’un qui ne douterait jamais de devoir faire ce qu’il a à faire. Kaamelott étant en grande partie sur des gens qui, contrairement aux films épiques, n’ont pas tout compris (de) ce qu’il fallait faire. »
Étienne Chouard est comme le Arthur d’Alexandre Astier, sauf qu’il n’est pas chef de guerre, il n’est pas roi, et il n’aspire d’ailleurs pas à l’être (mais Arthur non plus n’aspirait pas à être ni chef de guerre ni roi). Mais incontestablement, sans le moindre doute possible, il ne se bat que pour la dignité des faibles. Et face à l’adversité et les coups méchants qui lui sont assénés, il se décourage, comme Arthur.
Mais la comparaison ne s’arrête pas là. Plus loin dans le documentaire, Alexandre Astier explique que la particularité d’Arthur est de s’entourer coûte que coûte de gens faibles, de faire avec ce qu’il a. Ce qui importe à Arthur, c’est de faire avec eux (les gens du peuple), même si ça foire, et il se distingue de son antagoniste Lancelot qui, pour y arriver, veut se débarrasser des faibles pour ne garder que l’élite.
« Arthur – dit-il – effectivement, sa quête c’est de rester avec les gens qui n’y arrivent pas, mais ça demande de la conviction, ça demande du courage, ça demande de faire tous les jours l’effort d’y croire. Et la saison 5 (de la série), c’est la démonstration de ça, c’est la saison où, si le pouvoir est un sac à dos, il le pose. »
Étienne se bat contre le système du régime oligarchique, contre l’élite, pour rendre son pouvoir au peuple. Exactement comme Arthur dans Kaamelott tel que nous en parle son auteur. Et dans son combat quotidien contre Léviathan, Étienne est devenu, malgré lui, plus qu’un simple héraut, une sorte de héros moderne aux yeux du peuple, parce qu’il se bat, sincèrement, continuellement, non pour prendre le pouvoir pour lui-même (il n’est candidat à rien), non pour inciter le peuple à donner le pouvoir à tel ou tel chef de parti, mais pour les aider, si faibles, si fragiles, si inconstants soient-ils, pour les inciter à reprendre leur pouvoir et devenir des adultes politiques.
Dans tout ce qu’il fait et tout ce qu’il dit, Étienne Chouard incarne véritablement cet idéal mythique de la République tel qu’il fut fabriqué par les pères fondateurs pour conduire le peuple dans ses voies : la liberté, l’égalité et la fraternité. Ces valeurs, il ne se contente pas d’en parler : il les vit et il les met en pratique. Il persiste, en dépit des injonctions de l’Inquisition, à refuser de conspuer des personnes qui, même si elles ont prononcés de mauvaises paroles, même si elles se trompent dans leurs raisonnements et leurs idées, peuvent encore changer. Il applique, dans son esprit, l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, qui consacre la liberté d’expression et d’opinion. Lui qui est pourtant non croyant, qui se méfie des sectes, aussi bien religieuses que politiques, met pourtant en pratique les enseignements les plus nobles du Christ. Et oui, comme le Roi Arthur créé par Alexandre Astier, Étienne Chouard nous invite à la quête du Graal : un Graal appelé Démocratie Véritable.
Étienne n’a pas trahis Judith. Il a failli se trahir lui-même, mais il s’est ravisé. Se trahir soi-même pour ne pas trahir quelqu’un d’autre, a écrit un autre fou, cela reste une trahison : c’est la plus haute trahison. Étienne est découragé, oui, il n’a plus le moral. Il pose le sac à dos des procès en sorcellerie et des diffamations. Il parle d’abandonner la quête. Mais nous, les gueux, les faibles, ceux qui ne comprennent pas toujours tout, nous n’abandonnerons pas la quête, nous ne l’abandonnerons pas, lui.
Et nous n’oublierons pas.